Bien que Cha ait commencé à recevoir des honneurs officiels des les années 80, ceux-ci augmentent en fréquence une fois qu'il a pris sa retraite du Ming Pao au début des années 90.
Ayant été récompensé des 1981 de l'ordre de l'Empire britannique, il est fait chevalier de la Légion d'honneur par le gouvernement français en 1996. Il sera ensuite fait commandeur des arts et lettres en 2006. Il est également nommé professeur honoraire à quantité d'universités incluant celle de Pékin, de Hong-Kong, de Colombie-Britannique, et reçoit des doctorats honoraires notamment des Universités de Cambridge et d'Oxford.
Un des hommages le plus particuliers que Cha reçoit survient en 1998 lorsqu'un astéroïde nouvellement découvert par un observatoire chinois reçoit comme nom son pseudonyme littéraire : Jin Yong (note 47).
Selon Cha , Jiang Zemin aurait également œuvré pour qu'il reçoive un prix particulièrement prestigieux. Il aurait en effet envoyé un émissaire au comité responsable des prix Nobel afin de voir s'il ne serait pas possible que Cha se voie attribuer le prix de littérature (note 48).
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L'ile de Taohua : (Pétale de pêche en chinois) le long des côtes du Zhejiang, la province natale de Cha est devenue célèbre en étant souvent mentionnée dans La Légende du héros chasseur d'aigle et le Justicier et l'aigle céleste. En 2001, on rend un hommage singulier à l'auteur en lui érigeant une statue de bronze sur le site de l'ile. Paradoxalement, Cha n'a jamais visité Taohua lui-même (note 49).
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« Da Xia Jin » : Le grand Chevalier Jin :
L'année 1994 en particulier, voit la reconnaissance de Jin Yong et de son œuvre atteindre de nouveaux sommets en Chine Continentale (note 50). D'abord, une version autorisée des "complete works" est publiée pour la première fois dans le pays par une maison d'édition réputée de Pékin. Jin Yong fait également partie d'une anthologie prestigieuse Ershi shiji zhionguo wenxue dashi wenku (Trésors des maitres de la littérature chinoise du vingtième siècle (note 51)) classant les grands maitres de la littérature chinoise du XX siècle (il arrive en quatrième position dans le domaine de la fiction). Louis Cha se voit attribuer une chaire honorifique à l'université de Pékin, une des institutions les plus respectées de Chine. Finalement, deux biographies révérencieuses sont publiées sur sa personne : l'une d'elles est intitulée Xia zhi dashi jin yong ping zhuan « le plus grand parmi les xia » (note 52).
La Jinologie continue également à se développer. C'est ainsi qu'en 1996 est fondée une société d'étude de Jin Yong à l'université de Haining ou Louis Cha avait lui-même étudié des décennies plus tôt. L'année 1998 (note 53) a vu pas moins de quatre grands colloques universitaires tenus sur l'œuvre de Jin Yong ; dans les villes chinoises de Dali et Hangzhou en mars, à l'université du Colorado dans la ville de Boulder aux États-Unis en mai, et à la bibliothèque nationale de Taipei à Taiwan.
Cette conférence en particulier (note 54) fut une gigantesque affaire tenue sur trois jours avec des présentations par des chercheurs et des critiques venus de toutes les parties dans le monde incluant les États-Unis de même que l'Europe et ouvert par le propre vice-président de la République de Taiwan qui a souligné dans son discours d'introduction l'importance et la qualité de l'œuvre de Jin Yong. On pourrait dire à ce moment que « le Phénomène Jin Yong » atteint son apothéose.
Le Chevalier Jin et le hooligan Wang :
Tant d'honneurs et de reconnaissances officielles pour un écrivain de romans wuxia ne vont pas sans créer parfois de la controverse au sein de l'establishment littéraire chinois. Certains trouvent plus ou moins que pareil renom à un romancier de fiction wuxia est disproportionné et qu'il se fait au détriment de la « vraie littérature ».
La contre-critique la plus cinglante jamais survenue est celle de l'écrivain Wang Shuo (note 55). Romancier de la Chine contemporaine écrite dans le dialecte coloré de Pékin et souvent centré sur des personnages de marginaux déclassés, Wang Shuo avec ses textes et ses propos publics virulents s'est construit une image de « hooligan » provocateur au sein de la scène littéraire chinoise. Il n'en n'est pas moins considéré comme un des plus importants écrivains de sa génération en plus d'être un auteur de best-sellers.
Dans un essai truculent intitulé Wo Kan Jin Yong (Lire Jin Yong) publié dans un journal de Pékin en 1999, Wang commence par souligner son dédain profond pour Jin Yong, ses romans wuxia et leurs lecteurs. Poussé par des amis, il s'est toutefois donné la peine de lire un titre « en se pinçant le nez ». À son idée, les wuxia de Jin Yong sont des textes archiconventionnels, mal écrits et dépassés qui n'ont rien à voir avec la réalité des chinois. Il les classe parmi ce qu'il considère être comme une des grandes vulgarités de l'époque (note 56).
Dans sa réponse à l'essai publié sous forme de lettre dans un journal de Shanghai quelques jours plus tard, Louis Cha ne se formalise pas des critiques de Wang soulignant entre autres qu'utiliser un langage coloré et tendancieux fait partie du style de ce dernier. Il conclut qu'en regard de son propre succès quelques reproches abusifs ne peuvent pas le rendre trop malheureux.
Comme Wang Shuo et Jin Yong sont deux sommités de la littérature chinoise contemporaine, leur confrontation est rapidement relayé par les journaux et internet, et devient un petit phénomène médiatique, dans lequel tant les admirateurs que les détracteurs de chaque écrivain évaluent leurs mérites littéraires et leurs places dans la littérature contemporaine Chinoise.
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