Arrivée des japonais dans Heroes of the East
Une histoire chargée
L'invasion du nord de la Chine le 18 septembre 1931, la mise en place du gouvernement fantoche du Mandchoukouo le 18 février 1932 et les brutalités commises par les soldats (dont les expérimentations scientifiques sur des cobayes humains dans le sinistre Camp 731) sont des souvenirs encore très présents dans l'esprit des Chinois adultes. Leurs pertes s'élevèrent ainsi à 3,22 millions de soldats et 9,13 millions de civils de 1937 à 1945. Le refus japonais de présenter des excuses au pays, toujours d'actualité, et le révisionnisme affiché dans les manuels scolaires, sont autant de facteurs entretenant cette haine.
On pourra heureusement compter sur les jeunes générations pour ne pas reproduire les erreurs de leurs aînés et s'enrichir au contact de l'autre.
L'éternel méchant cinématographique
Chaque pays possédant un ennemi héréditaire ne peut bien évidemment s'empêcher de le représenter à l'écran à travers des personnages les plus mauvais, sadiques, fourbes et déviants possibles. Pour la Chine – et donc Hong Kong –, le rôle sera tenu par le Japonais.
Bruce Lee, chantre de l'identité chinoise, sera un des plus fervents utilisateurs de cette figure à l'occasion d'un Fist Of Fury (1972) quelque peu raciste. Elève d'un maître d'arts martiaux assassiné par traîtrise par un membre d'une école japonaise rivale, il n'aura de cesse de le venger et réparer l'affront fait au kung-fu. L'action se situe bien entendu dans une Chine occupée où les parcs sont interdits « aux chiens et aux Chinois » ! Jimmy Wang Yu fera également de cet antagonisme son fond de commerce pendant des années : c'est même lui qui initia cette mode avec Chinese Boxer (1970). Si Zatoichi Meets The One-Armed Swordsman (1971) pouvait laisser croire à un rapprochement entre les peuples, One Armed Boxer (1971) et surtout Beach Of The War Gods (1973) sont là pour nous prouver le contraire ! King Boxer (1971), réalisé quant à lui par un metteur en scène d'origine coréenne (autre pays ayant eu à souffrir des exactions nippones), décrit également l'affrontement entre des brutaux karatékas nippons et des élèves chinois pratiquant un kung-fu aussi spirituel que physique. On notera tout de même que la plupart de ces récits possède une autre figure commune : le Chinois traître à son pays, le collaborateur.
Si l'art martial pratiqué par le Japonais est communément reconnu pour sa puissance, les réalisateurs hongkongais insistent souvent sur son absence de spiritualité et de règles de chevalerie. A ce titre, le code du ninja – le ninjitsu - est une aberration pour les maîtres chinois puisqu'il faut vaincre, qu'importent les moyens utilisés (poisons, pièges, embuscades, bombes…). Seul Liu Chia Liang a su saisir l'universalité du monde des arts martiaux et a prôné la compréhension et le respect entre les deux nations dans son chef-d'œuvre, Heroes Of The East (1978).
Les soldats nippons ont également fait les frais de la catégorie 3 dans des films de prison, du quelque peu ridicule Bamboo House Of Dolls au scabreux Camp 731 (financé en partie par la Chine). Ils apparaissent un peu moins caricaturaux – mais toujours méchants – dans Hong Kong 1941 et 1941 Hong Kong On Fire, deux drames ayant pour trame de fond l'invasion de Hong Kong par les troupes japonaises. Aujourd'hui…
Depuis la fin des années 80 et l'arrivée d'une nouvelle génération de consommateurs les yeux rivés sur l'avenir, le Japon fait à nouveau rêver. Acteurs et surtout actrices gagnent leur statut de vedette (Yukari Oshima) et occupent des rôles de « bons », de plus en plus de films sont tournés sur le sol nippon (Tokyo Raiders, Conman In Tokyo) et les coproductions se portent bien (No Problem 2). Une page semble être tournée…
David-Olivier Vidouze (Septembre 2005) |