Le début des années 90 voit se populariser un cinéma basé sur la transgression des règles de censure : de plus en plus de cinéastes, aussi bien des inconnus que des réalisateurs à la démarche commerciale injectent dans leurs longs métrages des doses plus ou moins fortes de violence, de gore (l’influence du gore italien et du cinéma d’horreur underground américain ?) et, plus osé encore pour le cinéma de HK, de sexe. De façon directe ou indirecte cet engouement soudain pour le cinéma extrême a déteint sur nombre de cinéastes et de genres du cinéma de l’île.
Ainsi, datent de cette période des films hybrides dans lesquels on retrouve des gags débiles à la sauce cantonaise pour la minute d’après assister à un combat sanglant, dans le style des kung fu pian, le gore en plus. Tous les genres sont mélangés, de façon plus ou moins homogène, et avec un goût certain pour l’excès : plus de violence, plus de sang, plus de scènes de nu. Preuve que beaucoup de films category 3 font plus fonction de machines à sous que de brûlots osés (on préfère la violence gratuite aux sujets politiques chauds), des réalisateurs qu’on cataloguait et enfermait dans certains styles viennent se compromettre dans ce genre de productions dans le même but que les réalisateurs de comédies niaises actuelles désirant se faire de l’argent de poche sans se fatiguer.

L'un des crucifiés de l'ignoble Men Behind the Sun (Camp 731)
En vérité, category 3 ne désigne pas un genre mais, comme son nom l’indique, une catégorie de classification dans laquelle le comité de censure inscrit des œuvres « qui gênent », que ce soit au niveau de la violence visuelle, morale, des séquences à caractère sexuel explicite ou d’un message politique. C’est arrivé à ce point de compréhension qu’on distingue deux types de films de category 3. D’une part, il y a les films dont les excès visuels sont volontairement empilés afin d’obtenir l’interdiction aux spectateurs âgés de moins de 18 ans (bien souvent, ces films classés category 3 correspondent à notre interdiction -16 française) et dont le but est de faire parler d’eux justement grâce à cette interdiction. En somme, une stratégie de publicité qui mise sur l’immoralité et la violence à gogo et souvent sans justification. D’autre part, il y a les réalisateurs -parmi eux, les auteurs- qui refusent de se plier aux règles du « tout public » imposées par le comité de censure et qui, en traitant de sujets politiques ou en montrant des scènes osées sans verser dans la complaisance des œuvres de l’autre type de cat.III, se font épingler et voient leurs œuvres soumises à la fameuse interdiction. Triste sort pour les cinéastes désirant faire passer un message sans en adoucir le propos à l’écran, surtout quand on connaît la frilosité de la censure vis-à-vis des sujets politiques, source d’un cinéma hong kongais majoritairement orienté vers le divertissement.
Le premier type de category 3, toujours dans un but d’attirer le spectateur en lui promettant des sensations fortes, nourrit ses scénarios de tout ce qui lui passe sous le nez. On retiendra une préférence pour les serial killers psychopathes, cannibales voire obsédés sexuels et dont le parcours est si possible inspiré de faits divers réels ! Autrement dit, la porte ouverte à toutes les interprétations déjantées possibles et où le mot « moralité » a été oublié. La vague category 3 n’a pas longtemps déferlé sur le paysage cinématographique de Hong Kong, puisqu’en quelques années seulement la mode s’est essoufflée pour ensuite mourir avec des œuvres affligeantes de médiocrité. Restent quelques joyeux foutoirs décomplexés, souvenirs d’un désir soudain de commercialiser le politiquement incorrect.
Florent D'Azevedo (octobre 2005) |