Auteur : Pu Song Ling
Contes traduits du chinois par André Lévy
Titre original : Liaozhai Zhiyi
Résumé : 500 nouvelles réparties sur 12 rouleaux
Critique d'Annabelle: « Sans avoir le talent d'un Gan Bao, j'aime aussi intensément me lancer à la recherche des esprits » écrit Pu Sonling dans son autochronique faisant référence à l'auteur du Soushenji / A la recherche des esprits (recueil d'anecdotes fantastiques compilées au IVème sècle par Gan Bao).
Le décor est donc planté, en ouvrant les Chroniques de l'étrange on pénètre dans le monde du bizarre mais un étrange pas forcément hostile, juste différent de ce que nous connaissons. Les spectres n'y sont pas nécessairement malveillants, les renards et renardes pas toujours animés de mauvaises intentions, les humains quelquefois malhonnêtes et les lettrés souvent bornés. Il faut dire que Pu Songling (1640-1715) devait avoir quelques comptes à régler avec le système mandarinal n'ayant jamais réussi à passer avec succès les examens supérieurs qui menaient aux fonctions les plus importantes.
Ces Chroniques de l'étrange représentent donc à peu près 500 nouvelles réparties sur douze rouleaux, rassemblées par l'auteur durant une grande partie de sa vie, dans lesquelles la frontière entre réalité et fantastique est plus que floue pour ainsi dire inexistante et où l'on croise, le plus souvent, les classiques fantômes et renards qui viennent se mêler aux humains pour les ensorceler ou juste pour avoir un peu de compagnie. Dans ces anecdotes il est assez commun d'être convoqué pour faire un remplacement au tribunal des Enfers, comme Li Boyan appelé le temps d'un procès à sièger à la place de Yama (le juge des Enfers) momentanément en congé (Intérimaire aux Enfers), d'y voir l'âme d'un jeune homme s'échapper de son corps pour suivre sa bien aimée (Le Perroquet amoureux) et même d'être témoin d'une guerre entre humains et renards pour une question d'honneur bafoué (Monsieur Goupil).
Mais l'on y trouve aussi à quelques occasions des histoires que l'on pourrait qualifier de « policières », l'auteur mettant alors en avant la perspicacité de juges extraordinaires face à l'attitude bornée et corruptible de la bureaucratie judiciaire (La Piste du poème, Affaires criminelles, L'Affaire du chausson brodé, L'Affaire de Taiyuan , Le Procès de Xinzheng …)
A cela s'ajoute une floppée de figures fantastiques : monstres, cadavres animés, bêtes surnaturelles, animaux dotés de raison, dragons, exorcistes, immortels et prêtres taoïstes… La liste serait trop longue à dresser.
C'est ainsi que tout un pan du fantastique chinois se dévoile sous nos yeux au fur et à mesure que les rouleaux révèlent leurs secrets. Ce recueil est aussi une mine impressionnante de renseignements sur la société de l'époque, Pu Songling en profitant pour égratigner quelques aspects de ce monde.
Les presque 500 anecdotes si on les lit à la suite peuvent certes paraître par moment répétitives mais ne perdent jamais de ce charme incomparable qu'ont les histoires qui sortent de l'ordinaire.
Cet ouvrage a bien sûr inspiré un grand nombre d'adaptations cinématographiques parmi lesquelles on peut citer :
Enchanting Shadow (1960) de Li Hanxiang et A Chinese Ghost Story (1987) de Tony Ching Siu Tung tout deux tirés de Petite Grâce (Nie Xiaoqian) narrant la rencontre entre Ning, un lettré venu passer les examens provinciaux, et Xiaoqian, une jeune fille morte vivant sous le joug d'un monstre qui l'oblige à séduire les hommes pour ensuite les tuer ; deux films de King Hu, A Touch Of Zen (1971) en partie basé sur la nouvelle intitulée Vengeresse (Xia Nu) et Painted Skin (1993) un peu plus fidélement adapté de Peau Maquillée (Hua Pi) mettant en scène une démone qui s'habille de peau humaine pour tromper ses victimes ; un film composé de trois sketches de Tong Wong Fairy, Ghost, Vixen(ou Liaozhai Zhiyi) (1965) ; Beyond The Grave (1954) de Doe Chin d'après la nouvelle Les Oiseaux Bleus (Lian Suo) ; The Scholar And The Woman Ghost (1962) de Lee Sun-Fung…
Annabelle Coquant (Novembre 2006)
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