HKCinemagic.com : Comment est née cette collection ?
JCF : La collection est née d'une frustration. Celle de ne pas trouver le genre de livres que nous aurions aimé lire, c'est-à-dire de vrais essais personnels sur des films. Et non pas des sommes théoriques ou des livres de vulgarisation. Elle est née d'une volonté de retour aux films. Car l'amour du cinéma se nourrit de l'amour de certains films.
HKCM : Comment s'est effectué le choix des titres ?
JCF : Nous avons choisi des films que nous aimions et auxquels nous voulions rendre justice. Et des auteurs dont nous admirions le style et la pensée. Nous avions choisi des films qui nous paraissaient mal compris ou mal analysés. HKCM : La plupart des films de la collection sont relativement connus des cinéphiles. Beaucoup de choses ont été écrites et dites sur eux. Que pensez-vous apporter de plus ?
JCF : Non, précisément, peu de choses ont été écrites sur ces films en particulier. Il y a, bien sûr, des livres sur Ray, Grémillon, etc… Mais pas de livres qui se focalisent sur les films que nous avons choisis. Nous apportons ainsi un approfondissement de l'analyse.
HKCM : Pouvez-vous nous présenter les auteurs des divers titres ?
JCF : Dana Polan enseigne à l'Université de Pittsburgh, Jonathan Rosenbaum écrit au Chicago Reader, Jean-christophe Ferrari est critique de cinéma à Positif.
HKCM : On a l'impression qu'en France, il y a deux types d'auteurs qui écrivent sur le cinéma : ceux qui font partie d'un courant, d'une école, d'un réseau de presse (universitaires et/ou journalistes « reconnus » ) et ceux qui sont des passionnés fous ( de cinéma bis, de cinéma de Hong Kong, de films d'horreur… ). Ces derniers, même lorsqu'ils écrivent de bons livres, sont rarement cités dans la presse – on ne les prend pas au sérieux. Quel est votre point de vue ?
JCF : Je pense que pour écrire de beaux et justes textes sur le cinéma, il faut un minimum de culture générale (qui ne se réduit d'ailleurs pas au cinéma mais qui comprend la littérature, la peinture, la musique etc). Après, on peut se spécialiser. Le regard des « passionnés fous » de tel ou tel genre manquent la plupart du temps d'ampleur.
HKCM : Avec le Bac Cinéma, on voit fleurir des collections destinées aux lycéens, en général des analyses de films au programme du baccalauréat. Est-ce aussi votre désir de voir un jour un ou des titres de la collection inscrits au programme des examens ?
JCF : Nous n'allons pas choisir des titres dans cet objectif. Mais si, par hasard, cela arrivait, nous en serions très contents.
HKCM : Pourquoi ne pas avoir proposé aux détenteurs de droits des films analysés une sortie conjointe « livre + DVD » ?
JCF : Nous y songeons pour l'avenir. Nous faisons même plus qu'y songer puisque le livre de Jean-Christophe Ferrari sur « Les Amants crucifiés » de Kenji Mizoguchi accompagnera le DVD du film (édité par Films sans frontières) à paraître début octobre.
HKCM : Quels seront les prochains titres ?
JCF : « La Ligne rouge » par Michel Chion, « Les Amants crucifiés » par Jean-Christophe Ferrari, « Le Feu follet » par Alain Ferrari, « Heat » par Nick James.
HKCM : Y aura t-il des films de la marge de la cinéphilie « officielle » - un film d'action de Hong Kong, un western spaghetti, etc. ?
JCF : Bien sûr. Je crois que la notion de « cinéphilie officielle » perd de toute façon de plus en plus de son sens.
HKCM : Sur « In the Mood for Love » : comment s'est effectuée la division du travail entre les différents participants ?
JCF : On a d'abord choisi les thèmes qui nous paraissaient structurer le film. Puis chacun, selon ses compétences et sa sensibilité, a développé tel ou tel thème.
HKCM : Comment expliqueriez-vous cet engouement des cinéphiles occidentaux pour Wong Kar Wai - et son insuccès à Hong Kong même ?
JCF : Je ne me l'explique pas.
HKCM : A force de faire des films avec de très beaux acteurs et de très belles actrices ( qui sont néanmoins très doués ), traitant souvent du même thème ( la déception amoureuse… ), ne risque t-il pas de nous lasser un jour ?
JCF : Non car, malheureusement, nous continuerons à souffrir en amour.
HKCM : Wong Kar Wai serait-il un héritier de Douglas Sirk, un auteur de grands « mélos flamboyants » ?
JCF : Le lien avec Douglas Sirk ne me semble pas s'imposer. J'évoquerais plutôt Fassbinder pour le côté morbide, Visconti pour l'aspect opératique, Kubrick pour la dimension cosmique, Garrel pour la rêverie sur l'amour.
HKCM : Connaissez-vous l'autre facette de Wong Kar Wai : le scénariste des débuts, l'auteur et le producteur de grosses comédies cantonaises (avec son comparse Jeff Lau) ?
JCF : Non. Est-ce important ?
HKCM : Pourquoi Wong Kar Wai refuse t-il d'enlever ses lunettes noires ???
JCF : Parce que la vérité du réel ne se donne que tamisée.

Interview réalisée par Van Thuan LY en août 2005. Merci à Jean-Christophe Ferrari pour sa gentillesse et sa disponibilité. |