À la fin de la guerre, les Japonais laissent derrière eux une Asie du Sud-Est en ruines. A l'image de ce que l'on observe alors en Europe, la population locale se remet doucement des bouleversements provoqués par le conflit mondial et cherche à se distraire. Le cinéma, divertissement populaire et peu onéreux qui répond parfaitement à cette attente, voit alors sa fréquentation exploser : les spectateurs réclament des films, les exploitants des copies et des nouveautés ! Malheureusement, en ces temps d'après-guerre, l'industrie locale n'est pas immédiatement en mesure de satisfaire tout à fait ce besoin. En effet, les infrastructures des studios ayant été presque toutes détruites, plusieurs années seront nécessaires à l’industrie cinématographique pour retrouver sa force productive d’antan.

Rédition des Japonais en 1945
Entre-temps, les frères Shaw s’attèlent à la reconstruction de leur vaste réseau de distribution. Run Run saisit l'opportunité pour se rendre en Europe et y étudier les nouvelles technologies dans le domaine du cinéma. A son retour, il entreprend un programme de rénovation et de modernisation des salles à l'image des infrastructures que l'on peut trouver en Occident. L'ancien slogan "une nouvelle salle par mois" est lui aussi relancé, les Shaw n'ayant pas perdu de vue leurs objectifs de croissance. Runme retourne quant à lui à Singapour pour reconstruire le réseau d’Asie du Sud-Est. Il est sur place dès décembre 1945 avec des copies réquisitionnées à Hong Kong. Les frères Shaw commencent également à diversifier davantage leurs activités en se lançant notamment dans la spéculation immobilière et les placements bancaires.
Tandis que Runme et Run Run s’affairent à reconstituer le circuit de salles de la compagnie, Runde cherche à relancer les Shaw dans la production cinématographique. De retour à Hong Kong en 1946, après 5 années passées à Shanghai où il avait trouvé refuge, Runde reprend possession de la Nanyang. Etant toujours doté d’aussi peu d’expérience réelle ou de goût prononcé pour la production, il place la société sous l’égide de laGreat China Film Company (Dazonghua), une entreprise fondée par des immigrés de Shanghai et dirigée par Jiang Boying dans laquelle il a des parts. Il y occupe le poste de Responsable de la distribution. C’est la première fois qu’une entreprise Shaw déroge un tant soit peu à la sacro-sainte règle de l’organisation clanique et qu'elle est dirigée par un autre frère Shaw. Le premier film exploité par la Great China Film Company est "Gone Are The Swallows When The Willow Flowers Wilt/ Luhua Fan Bai Yanzi Fei" (1946). Loin des succès d'avant-guerre, le film échoue lamentablement au box-office, ce qui semble avoir refroidit considérablement l'enthousiasme de Runde envers son nouveau partenariat. En 1948, Great China déménage à Shanghai mais Runde, lui, reste sagement à Hong-Kong. Il récupère la Nanyang en 1949 et la renomme Shaw and Sons Limited. Une nouvelle ère va alors commencer pour les frères Shaw.

Les troupes communistes entrent dans Pékin en 1949
Durant toute la période d’après-guerre, les Shaw ne semblent faire aucune tentative sérieuse de développement en Chine continentale. Une des raisons que l’on peut invoquer est l’instabilité chronique de la région due au conflit entre forces nationaliste et communistes qui se développe en féroce guerre civile. D’ailleurs, la Great China doit fermer ses portes quelques temps après son arrivée à Shanghai, preuve des grand risques encourus pour quiconque s’essaie dans la mère patrie chinoise ainsi que de la perspicacité de Runde qui lui est resté bien tranquilement à Hong-Kong. La victoire de l’Armée populaire de libération et la proclamation par Mao Zedong de la République populaire de Chine le 1er octobre 1949 à Pékin, à l’issue d’une longue guerre civile, mettent fin à toute ambition des frères Shaw sur le territoire. Désormais, la destinée des Shaw se trouve plus que jamais en Asie de Sud-Est et notamment à Hong-Kong.
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