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Histoire des frères Shaw, des origines à la Shaw Brothers
Naissance et chute de la Shaw Brothers : de 1958 à nos jours 2/4 - Page 16
Infos
Auteur(s) : Yves Gendron
David-Olivier Vidouze
Date : 19/3/2008
Type(s) : Information
 
 Liens du texte  
Personnes :
Chen Kuan Tai
David Chiang Da Wei
Raymond Chow Man Wai
Chui Chang Wang
Mona Fong Yat Wah
Leonard Ho Koon Cheung
Ho Meng Hua
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Michael Hui Kun Man
Kuei Chih Hung
Anthony Lau Wing
Lo Wei
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Run Run Shaw
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Cannonball
Challenge Of The Gamesters
Dynamite Jones et le casino d'or
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The Delinquent
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Opération Dragon
La Fureur de vaincre
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Heaven And Hell
Hex
Hex Vs Witchcraft
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Karaté en plein ouragan
Désir illicite
Ai Nu, esclave de l'amour
Ninja, les 10 commandements du karaté
The Iron Bodyguard
The Killer Snakes
La Main de Fer
Kung Hei Fat Choy
Lady Exterminator
Le Retour de Cixi
Legend Of Lust
La Légende des 7 Vampires d'Or
Arnaques et séduction
Le Nouveau justicier de Shanghaï
Le Guerrier de Kubilai Khan
Meteor
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Modern School Life
Amour et cruauté
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Notorious Eight
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Seven Man Army
Nuits chaudes à Copenhague
Un dénommé Mr. Shatter
Mélodie pour un truand
Spirit Of The Raped
Le Prix du sang
Inframan
Supermen contre amazones
Les Trois supermen du kung fu
The Tea House
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Le Seigneur de la guerre
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La Fureur du dragon
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Studios :
Golden Harvest
Shaw Brothers
 
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Page 17 : La Shaw Brothers au milieu d’un cinéma hongkongais en pleine évolution


1 : Le développement de la télévision, phénomène social et poison violent

La fin des années 60 voit l’arrivée de la télévision en Asie du Sud Est. C’est un véritable déferlement dans la région et les foyers s’équipent à grande vitesse. Désormais, le divertissement arrive directement à la maison dans la petite lucarne. Les salles de cinéma se trouvent face à un concurrent qu’elles n’ont pas réellement vu venir et qui s’avère des plus redoutables (phénomène vécu par les grands studios américains quelques vingt années auparavant).
Les premiers touchés sont les cinémas cantonais et japonais, pas assez universels dans le sud-est asiatique. Le choc est tel que des studios sont même contraints de fermer leurs portes.

Comme ses pairs, Run Run Shaw panique et ses réflexions immédiates le poussent à jouer la sécurité. Encouragé par le fait qu’aucun concurrent local sérieux n’est capable de lui faire de l’ombre, il estime que les studios Shaw peuvent diminuer leurs standards de qualité sans que cela ne porte préjudice à leurs résultats commerciaux : même si le public s’aperçoit que les années fastes sont désormais révolues pour la firme, il n’aura pas d’autre alternative cinématographique… Ainsi, Run Run songe donc à réduire drastiquement les activités de la Shaw Brothers : coupes dans les budgets de production, licenciement d’une bonne partie des employés, etc. Mais un homme va tenter de s’y opposer : Raymond Chow, bras droit de Run Run. (De directeur de la publicité, ce brillant collaborateur a su au fil des ans s’imposer comme le maître d’œuvre des plus grands succès commerciaux de la Shaw Brothers. Il est également un des instigateurs du développement de la firme, révolutionnant au tout début des années 60 les modes de production et de management.) Visionnaire et aventureux, il prône au contraire en cette période de remous l’adoption d’une stratégie radicalement opposée à celle du nabab. Pour lui, la fermeture de nombreux studios en Asie du sud-est représente une opportunité que la Shaw ne doit pas laisser passer : la disparition de ces sociétés va immanquablement créer un vide dans le marché cinématographique de cette partie du globe. Raymond Chow estime que la firme de Run Run a la possibilité, si elle s’en donne les moyens, de s’approprier ces nouveaux publics en conservant les anciens. Pour y arriver, la Shaw Brothers doit se doter d’une politique de prestige internationale (et pas uniquement centrée sur Hong Kong et la région) ainsi que d’un système de production plus souple.

Mais Run Run Shaw, peu enclin à lâcher de son pouvoir et ses deniers, s’y oppose. En père de famille timoré et d’une autre époque, il s’assoit au lieu de marcher.



2 : L’Entrée en scène de Mona Fong

Mona Fong, née à Shanghai, est la fille d’une vedette de night-club des années 30, Fang Wenxia. Arrivée à Hong Kong à la fin des années 40, elle chante des succès occidentaux dans les cabarets. C’est là qu’elle fait la connaissance de Run Run Shaw en 1952. Elle le fréquente régulièrement et il lui propose, en 1969, de prendre la tête du Département Achats de la Shaw Brothers, avec les pleins pouvoirs.

Son entrée à un si haut poste provoque des remous parmi les cadres dirigeants qui ne lui accordent aucune légitimité. La colère gronde…

Cet événement est également pour Raymond Chow l’occasion de prendre conscience que le système Shaw repose sur les liens familiaux. La « danseuse » de Run Run le prive ainsi de toute perspective au sein du studio.


3 : La création de la Golden Harvest
En réponse au parachutage à un poste de responsabilité de Mona Fong et à la rigidité chronique de Run Run Shaw, un certain nombre de cadres décident de quitter la Shaw Brothers. En juin 1970, le manager de production Raymond Chow accompagné du superviseur de production Leonard Ho, de l’éditeur Lian Feng (nom de plume au Southern Screen : Leung To-kin) et de Cai Lichang (Cai Dusheng) créent avec un capital de 400 000 HK$ la Golden Harvest (HK) Limited (Jiahe). Ils sont bientôt rejoints par les stars Jimmy Wang Yu, Lo Wei, Hsu Tseng-hung, Huang Feng et Wu Jiaxiang.

La grande nouveauté apportée par la Golden Harvest est le partage des profits entre producteurs, metteur en scène et vedette : un mécanisme tout bonnement impensable à la Shaw Brothers ! Ce mode de collaboration inédit, initié sur The Big Boss, devient une marque de fabrique de la société de Raymond Chow. En permettant à ses acteurs de créer des sociétés de production, la Golden Harvest brise l’éternelle relation employeur / employé pour instaurer un mode de rémunération basé sur le partage des profits selon les fonds investis. On passe alors ainsi de l’organisation ultra centralisée de la Shaw Brothers à celle reposant sur des sociétés indépendantes de la Golden Harvest : plus de flexibilité et plus de justice !

 
4 : Une première manche remportée par la Shaw

Run Run Shaw prend la création de la Golden Harvest par certains de ses anciens employés comme un affront personnel. Vexé et assez peu habitué à ce qu’on lui résiste, il n’aura dès lors de cesse de la faire disparaître et de montrer aux « traîtres » qui est l’homme puissant de l’industrie cinématographique locale.

Son premier coup d’éclat est de louer tous les plateaux de tournage de l’ancienne colonie afin d’obliger les équipes de la Golden Harvest à se déplacer à Taiwan, en Thaïlande ou en Corée. Il contraint ainsi ses rivaux à consacrer plus de budget aux tournages, grevant ainsi leurs capitaux et réduisant leurs marges de manœuvre financières.

Afin d’éviter de futurs écueils et désireux de s’implanter solidement, le jeune studio loue en 1971 les anciens studios de la Cathay sur Hammer Hill Road (Yung Hwa Motion Pictures Studio) et conclut un accord de distribution avec la Cathay Organisation (Malaisie, Singapour).

Au même moment, la Shaw Brothers traîne la Golden Harvest et Jimmy Wang Yu devant les tribunaux pour l’utilisation abusive du personnage du sabreur manchot (l’acteur renégat avait « exporté » le héros qu’il avait interprété chez Chang Cheh à la Golden Harvest en le rebaptisant « One-Armed Boxer »).

Si la Golden Harvest parvient tout de même à sortir ses premiers films, fort est de constater qu’ils ne rencontrent pas leur public. Au mieux ils remboursent l’investissement initial, au pire ils font perdre de l’argent au studio. Il est vrai que les modestes wu xia pian – on pourrait dire fauchés - qu’il produit ne peuvent rivaliser avec les prestigieuses œuvres de la Shaw Brothers (ironie du sort, Run Run a finalement adopté la stratégie de Raymond Chow !).


5 : Bruce Lee : la riposte de la Golden Harvest

Quelque temps avant le départ de Raymond Chow de la Shaw Brothers, Bruce Lee est venu frapper à la porte du studio de Run Run. De retour des Etats-Unis, celui qu’on n’appelle pas encore le « Petit dragon » n’a à son palmarès qu’une expérience télévisuelle décevante dans la série Green Hornet (il y interprète le faire-valoir d’un justicier bien blanc) et quelques apparitions peu convaincantes au cinéma (là encore, il ne doit sa participation qu’à son côté exotique). Néanmoins conscient de sa valeur, Bruce Lee apparaît trop exigeant aux yeux du nabab qui le renvoie. Pas question pour Run Run qu’un acteur ne se plie pas aux règles maison !

Une fois la Golden Harvest créée, Raymond Chow se souvient de Bruce Lee et ne tarde pas à lui faire une proposition qu’il accepte. Son premier film sera The Big Boss (1971), en co-production avec la société du réalisateur Lo Wei, la Siwei Film Company, et des capitaux thaïlandais. Le film est un triomphe dans toute l’Asie du Sud-est et sauve la Golden Harvest de la faillite. Run Run Shaw prend brusquement conscience qu’il faudra compter sur ce concurrent et renonce aux mesures drastiques qu’il souhaitait mettre en œuvre : la fermeture de la moitié du studio et la réduction de la production sont abandonnées…

C’est sur Bruce Lee que reposent maintenant tous les espoirs de Raymond Chow qui met en chantier, dès l’année suivante, Fist Of Fury et The Way Of The Dragon. En 1973, le désormais acteur-réalisateur-chorégraphe se paie le luxe de retourner aux Etats-Unis en conquérant pour y tourner Enter the Dragon, co-production entre la Golden Harvest et la Warner Bros, mythique studio américain presque quinquagénaire. Ce projet international est important à plus d’un titre : s’il est un énorme succès financier (après l’Asie du sud-est, le Japon, c’était au tour des Etats-Unis et de l’Europe de succomber à la tornade Bruce Lee), il est également la preuve que le studio de Raymond Chow joue, seulement deux années après sa création, dans la cours des grands. (1)

(1) Mais placer l’avenir de sa compagnie sur un seul acteur n’est certainement pas la stratégie la plus sûre. La disparition soudaine de Bruce Lee le 20 juillet 1973, en plein tournage de son prochain film pour la Golden Harvest, The Game Of Death (et avec de nombreux projets en tête), a retenti comme un séisme et mis le studio en grand danger.

6 : La Shaw Brothers ne doit pas se laisser dépasser !

a. Contrer Bruce Lee
Face au phénomène Bruce Lee, qu’il est impossible de nier ou même de minimiser, la Shaw Brothers se met en quête d’un véritable artiste martial pour en faire la vedette du studio (Ti Lung et David Chiang, les deux stars maison du genre n’étant plus, à cette époque, des « jeunots »).

Le choix se porte sur Chen Kuan Tai, un jeune acteur, champion de boxe chinoise du sud-est asiatique en 1969 (sacré au tournoi de Singapour). Après deux films indépendants (Redress et Modern School Life, pour les compagnies Wing Gin et Yue Lok), il rejoint la Shaw Brothers en 1970 pour jouer des rôles de figurants martiaux, plus proche d’un cascadeur que d’un véritable acteur. Il poursuit également une carrière en parallèle, hors du studio (on le retrouve dans Huang Fei Hong : Bravely Crushing the Fire Formation et même dans une production Golden Harvest, The Hurricane !). C’est en 1972, après un dernier film alimentaire pour la Saam Cheung (The Invincible Iron Palm), que Run Run Shaw décide de lui donner un premier rôle : Chen Kuan Tai endosse alors les habits du héros myhthique Ma Yung Chen sous la direction conjointe de Chang Cheh et Pao Hsueh Lieh.

Comme Bruce Lee, Chen Kuan Tai est un véritable athlète martial. Comme lui également, c’est un homme du peuple auquel peut s’identifier un public avide de modèles. Il fera une très belle carrière au sein de la Shaw Brothers et embrassera presque tous les genres, des films d’arts martiaux (Boxer From Shantung, Man Of Iron, The Bloody Escape, Five Tough Guys, Iron Bodyguard…) au cinéma d’exploitation (The Tea House, Big Brother Cheng, Challenge Of The Gamesters…). Cette boulimie cinématographique lui vaudra le surnom de « Mister Shaw Brothers ».

Même si Chen Kuan Tai ne sera jamais l’égal de Bruce Lee, il occupe incontestablement la place de plus solide vedette martiale de la Shaw Brothers entre 1972 et 1977.

1972 est également l’année où la Shaw Brothers fait trembler les box-offices asiatiques et occidentaux avec le hit King Boxer / La Main de fer, mis en scène par un réalisateur coréen, ouvrant la voie aux films de kung-fu.

b. Miser sur les cinéastes et les acteurs

- Chang Cheh devient incontournable : En cette période de vive concurrence, Run Run Shaw s’en remet à Chang Cheh qui devient le metteur en scène incontournable des films d’arts martiaux et d’action du studio, réalisant ou supervisant des dizaines d’œuvres en quelques années seulement (huit en 1972, sept en 1973 et en 1974…). Officiant dans tous les genres, celui qu’on appelle « l’ogre de Hong Kong » dirige pendant cette période pour la Shaw Brothers œuvres prestigieuses (The Water Margin, The Blood Brothers…), drames contemporains (The Delinquent…), film de jeunes contemporain (Young People, Generation Gap…), films historiques (Boxer Rebellion, Marco Polo…), films de guerre (Seven Man Army, Naval Commandos…) et même comédies musicales psychédéliques (The Singing Killer, Heaven And Hell Gate – sorti avec quelques années de retard -…).

Le génie de Chang Cheh est de mettre le pied à l’étrier à de nombreux jeunes, tout d’abord en tant qu’assistants-réalisateurs, puis co-réalisateurs. Parmi les plus célèbres, on retrouve Wu Ma, Pao Hsueh Lieh et John Woo.

Le départ de Chang Cheh pour Taiwan en 1974 ne remet pas en cause son statut au sein de la Shaw Brothers – même s’il est alors considéré par certains comme une défection –, puisque la société qu’il y fonde (la Chang’s Film Company) n’est en fait qu’une filiale du studio de Run Run destinée à dépenser localement les bénéfices qui étaient légalement bloqués sur l’île. (Une situation identique à celle qui existait en Angleterre dans les années 50 : les majors américaines ne pouvant rapatrier aux Etats-Unis les bénéfices que faisaient leurs productions sur le sol anglais, elles étaient contraintes d’y tourner pour ne pas perdre cet argent.)

- Une nouvelle génération d’acteurs et metteurs en scène : Run Run Shaw sait que pour rester dans la course, il a besoin de nouveaux talents. Avec l’aide de Mona Fong, il engage de jeunes acteurs pour remplacer ou seconder la « vieille » génération (David Chiang, Ti Lung, Lo Lieh…) : Chen Kuan Tai, Alexander Fu Sheng, Anthony Lau Wing, Wong Chung.
De même, il donne sa chance à des réalisateurs débutants sous les conseils de Mona Fong (Liu Chia Liang, jusqu’alors chorégraphe attitré de Chang Cheh) ou de Chang Cheh (Wu Ma, Pao Hsueh Li).

- Les anciens : Li Han Hsiang avait quitté la Shaw Brothers pour vivre son aventure taiwanaise au sein de son propre studio. Las, l’expérience ne s’avère pas des plus fructueuses et c’est ruiné qu’il revient à Hong Kong en 1970. Run Run Shaw lui ouvre sa porte sans rancune et se réjouit du retour du fils prodigue. Il ne le sait pas encore, mais c’est commercialement une des meilleures opérations qu’il fera au cours des années 70 !

Les grands mouvements de libération des mœurs ayant eu des effets jusqu’à Hong Kong, Li Han Hsiang s’essaie à un genre nouveau : la comédie érotique (polissonne serait peut-être plus appropriée, tant elle reste pudique…). Legend Of Lust, Happiest Moment ou Golden Lotus, adaptation d’un grand classique de la littérature chinoise, sont de francs succès qui révèlent une nouvelle génération d’actrices « spécialisées » (Hu Chin, Chen Ping, Tien Ni, Siu Yam Yam, Shirley Yu…). Toutefois, loin de s’enfermer dans cette catégorie, il poursuit sa grande œuvre en réalisant, de temps à autre, des superproductions prestigieuses au succès jamais démenti : le diptyque Empress Dowager / The Last Tempest ou quelques comédies irrévérencieuses dans lesquelles il nous révèle un futur grand, Michael Hui (The Warlord, The Happiest Moment…).

C’est à cette époque que Run Run Shaw engage également un vétéran du cinéma cantonais, le prolixe Chu Yuan, ancien acteur, scénariste puis metteur en scène. L’année 1972, il réalise pour le studio deux films qui feront date dans l’histoire du cinéma hongkongais : Intimate Confessions Of A Chinese Courtesan, drame saphique et pur joyau esthétique, et le seul film qui détrône en 1973 un Bruce Lee alors tout puissant, la comédie cantonaise The House of 72 tenants (Enter The Dragon n’est que second au box office national).


c. Offrir au public des productions prestigieuses
Une jeune société a rarement une assise financière des plus solides et les investisseurs font montre d’une certaine frilosité. Devant cette malheureuse – mais bien réelle – règle de nos économies de marché, Run Run Shaw fait le calcul suivant : la balbutiante Golden Harvest ne pourra jamais, tout au moins pendant un bon moment, se lancer dans des productions hasardeuses et chères, susceptibles de mettre en péril son existence même (un échec et c’est la clé sous la porte !). Dès lors, quoi donc de plus facile pour la Shaw Brothers de se lancer dans une politique de productions prestigieuses, laissant à son nouveau concurrent le soin d’œuvrer dans la série B, voire de flirter avec la série Z ?

La Shaw sort donc à tours de bras des films destinés à montrer au public sa toute puissance, soignant les décors, les costumes, les scénarios, la mise en scène et multipliant les stars au générique (Flying Guillotine…). L’exemple le plus fameux reste les 14 Amazones, épopée kitch façon péplum où le nombre de figurants n’a d’égal que les stars qui défilent à l’écran.

La Golden Harvest ne peut, à cette époque, rivaliser avec tant de moyens.


Les 14 Amazones

d. Toucher un plus grand nombre de spectateurs en abordant tous les genres
Les années 70 sont également une période au cours de laquelle la Shaw Brothers va se lancer dans une politique de production très éclectique. A l’image des grands studios américains (que Run Run cherchera sans cesse à imiter), la Shaw aborde alors tous les genres cinématographiques : le polar, le film d’horreur, le film érotique… et au début des années 80 le film de jeux, invention d’un futur grand, Wong Jing. Si ces productions ne se sont quasiment jamais hissés au-dessus de l’exploitation et n’ont livré que peu de véritables réussites critiques, elles ont été pour beaucoup de grands succès commerciaux.

On retrouve souvent les mêmes noms au poste de réalisateur (Ho Meng Hua, Sun Chung, Kuei Chih Hung…) et ceux-ci, à de rares exceptions près, ont eu du mal à s’émanciper de cette catégorie bien particulière de cinéma. Pour les acteurs, force est de constater que les films de genre ont largement bénéficié du déclin des productions martiales : cantonné aux wu-xia pian durant des années, un certain nombre de vedettes est venu illuminer les castings d’œuvres fauchées et leur donner un éclat que beaucoup d’entre elles ne méritaient pas. Combien de Ti Lung, Chen Kuan Tai, Lo Lieh ou Ku Feng se sont retrouvés dans des films aux scénarios improbables et ridicules ?

- Les polars : Presque inexistant au cours des années 60, le polar fait un retour en force à la Shaw Brothers dans la deuxième partie de la décennie 70. Genre peu contraignant (costumes et décors contemporains), peu onéreux, se satisfaisant de conditions de tournage difficiles (les plans caméra à l’épaule sont moins choquants que dans un opéra chinois et ils apportent une touche de modernité), les polars sont rapidement plébiscités par le public. Comme dans les « drames sociaux » (voir ci-après), les héros sont souvent issus du peuple et évoluent dans une ville bien connue des spectateurs, montrée dans fards.

Kuei Chih Hung est le metteur en scène qui a donné le plus au genre, tout en flirtant parfois avec l’exploitation, de Payment In Blood (1973) à Spirit Of The Raped (1976), en passant par le célèbre diptyque The Tea House (1974) / Big Brother Cheng (1975). La série The Criminals, initiée par Ho Meng Hua, Ching Gong et Hua Shan en 1976, reçoit un très bon accueil et compte cinq longs métrages en seulement deux ans ! Un auteur plus classique profite de l’occasion de se frotter au genre pour délaisser le temps d’un tournage les films d’arts martiaux : Chu Yuan réalise The Big Hold Up en 1975.

Côté interprètes, on croise souvent à l’écran deux acteurs bien connus, ex-vedettes martiales en pleine reconversion, le grand Chen Kuan Tai et le palot Yueh Hua.

- Les drames sociaux : La frontière est mince entre les polars et les drames sociaux mais on perçoit dans ces derniers un trait encore plus appuyé sur les problèmes des citoyens hongkongais et notamment de la jeunesse. Chang Cheh avait déjà donné le la en 1969 avec son formidable Dead End, porté par un Ti Lung magnifique. En 1973, c’est un habitué du polar, Kuei Ghih Hung, qui sort The Delinquent, histoire d’un garçon qui ne se voit pas d’avenir dans la société et bascule dans la violence. Œuvre intéressante, elle donne le premier rôle à un jeune acteur prometteur, Wong Chung. David Chiang enfonce le clou une année plus tard avec The Drug Addict qui nous présente un Ti Lung en drogué tout droit revenu des enfers. Wong Chung est encore de la partie.

- Les films d’horreur : Aux Etats-Unis et dans le monde entier, les années 70 voient le triomphe des films d’horreur : l’Exorciste de William Friedkin, la série Damien, la malédiction, Amityville… Fidèle à son habitude, Run Run Shaw lance une partie de ses troupes dans l’aventure horrifique pour inonder l’Asie du sud-est de ses déclinaisons maison. Se sont à nouveau les mêmes qui s’y collent et réalisent Ghost Eyes (Kuei Chih Hung en 1974), le diptyque Black Magic I et II (Ho Meng Hua en 1975) qui recycle dans le genre Ti Lung et Lo Lieh, le diptyque Hex / Hex Vs Witchcraft (Kuei Chih Hung en 1980) ou encore Corpse Mania (toujours Kuei Chih Hung en 1981).

Mais s’il est un genre où les affiches ont toujours été plus impressionnantes que les films, c’est bien celui de l’horreur cinématographique à la hongkongaise. Ces productions Shaw font malheureusement plus sourire que frémir.

- Les purs films d’exploitation : La Shaw Brothers rentre également de pleins pieds dans le cinéma d’exploitation le plus pur, où le n’importe quoi le dispute au gratuit. Un seul objectif, choquer, en provoquant le malaise ou la crise de rire. Un quasi sans faute…

L’inénarrable et incontournable Kuei Chih Hung est encore de la partie avec des perles noires : Camps d’amour pour chiens jaunes (1973), où une bande de prisonnières se fait torturer par des gardiens japonais, Killer Snakes (1974), qui raconte comment un attardé se venge de ses ennemis à l’aide de serpents dressés, The Rat Catcher (la même année que les reptiles…) ou encore Spirit Of The Raped(1976), au titre des plus explicites.

Sun Chung, influencé par le cinéma blaxploitation américain des années 60/70, met en scène une série de films où une femme vengeresse donne du fil à retordre à tous ceux qui ont le malheur de lui avoir causé du tort. Sexy Killer (1976), Big Bad Sis (1976) et Lady Exterminator (1977) forment une sorte de trilogie à la gloire de Chen Ping, son actrice fétiche. L’ambiance est à la croisée de Coffy (Jack Hill) et Death Wish (Michael Winner).

Le fade Danny Lee, qui n’a pas véritablement percé dans les films d’arts martiaux, se retrouve embarqué dans une série de films bis assez relevés : The Super Inframan (1975) de Hua Shan, hilarante copie de l’Ultraman japonais des années 60, le Colosse de Hong Kong (1975), navrante transposition de King Kong à Hong Kong, et Oily Maniac, stupéfiante histoire d’un héros qui, tel Hulk, se transforme malgré lui en autre chose (là, une masse huileuse…), tout deux du réalisateur culte Ho Meng Hua (à qui on doit l’adaptation du classique la Pérégrination vers l’Ouest en plusieurs films pour la Shaw Brothers dans les années 60).

- Les films érotiques : Li Han Hsiang est le chef de fil d’une tribu de metteurs en scène qui se lance dans le créneau des films érotiques (That’s Adultery, Moods Of Love, Love Swindlers…). Gentiment licencieux mais jamais pornographiques (la pornographie est encore aujourd’hui interdite à Hong Kong), ils ont très souvent pour origine des romans classiques de la littérature érotique chinoise (Illicit Desire, Golden Lotus…). On trouve également les mélodrames (Girlie Bar), des comédies (Legend Of Lust), des films d’arts martiaux (Intimate Confession Of A Chinese Courtesan, Killer Kiss) et quelques bizarreries (Sexy Girls Of Denmark).
Le vivier féminin est constitué d’actrices majoritairement d’origine taiwanaise (Hu Chin, Chen Ping, Pei Ti…) et, malheureusement, cantonnées dans ce genre.
De 1972 à 1975, les films érotiques ont tellement de succès auprès du public qu’ils volent souvent la vedette aux films d’arts martiaux ! En cette période de crise, nul doute qu’ils demeurent un des piliers de la réussite de la Shaw Brothers.

- Les films de jeux : C’est à la fin des années 70 qu’apparaissent les films de jeux ou « gambling movies ». Le grand initiateur du genre, qui fait encore aujourd’hui des petits (Conman In Tokyo, Kung Hei Fat Choy…), n’est autre que le prolixe Wong Jing. Son Challenge Of The Gamesters (1981) en est en quelque sorte le film fondateur. Patrick Tse et Chen Kuan Tai reprennent du service l’année suivante devant sa caméra dans Winner takes All (1982), tandis que Sun Chung livre entre les deux œuvres un Notorious Eight (1981) réunissant Chen Kuan Tai, Lo Lieh et le chouchou de Mona Fong, Anthony Lau Wing.
Le principe de ces films est simple : une intrigue criminelle se greffe sur une partie de cartes à fort enjeu, maîtrisée par le méchant. Les protagonistes passent énormément de temps autour d’une table et lorsqu’ils se battent, les cartes qu’ils se lancent deviennent coupantes comme des rasoirs…

La réalisation de films d’arts martiaux n’est pas abandonnée pour autant par la Shaw Brothers. Elle diversifie simplement son offre, comme le ferait un industriel conscient que le marché et la concurrence évoluent.

d. Toucher un plus grand nombre de spectateurs en tentant l’aventure occidentale : la Shaw International
Le succès international de Bruce Lee, et notamment dans des pays occidentaux, a ouvert de nouvelles perspectives aux grands studios de cinéma. Run Run Shaw, lui, a retenu une chose fondamentale de l’aventure Enter The Dragon : il est plus facile de pénétrer un nouveau marché dans le cadre d’une coproduction avec une compagnie étrangère. Dès lors, il n’a de cesse de s’essayer à ce type de montages financier et artistique. Les projets vont donc s’enchaîner, sans pour autant dépasser, au mieux, le stade d’aimable divertissement.
En 1974, la Shaw Brothers s’associe avec la prestigieuse firme anglaise Hammer, spécialisée dans les films d’horreur gothiques, pour produire La Légende des sept vampires d’or et Un dénommé Mr. Shatter. Le casting du premier est des plus impressionnants : Peter Cushing, star anglaise interprète mythique de Van Helsing, David Chiang, Liu Chia Liang, Tong Gaai, Roy Ward Baker (un des piliers de la Hammer) et Chang Cheh. Le résultat est bancal mais fort sympathique. Le second, quant à lui, est un film policier plutôt molasson dans lequel on peut retrouver en vedettes locales Ti Lung et Lily Li Li Li.
La même année, deux ovni sont réalisés en coproduction avec l’Italie : Supermen Against The Orientde Bitto Albertini et Kuei Chih Hung, avec Lo Lieh et Shih Szu, et Supermen contre amazones de Alfonso Brescia avec Yueh Hua.
Toujours en 1974, l’inépuisable Kuei Chih Hung met en scène avec l’Allemand Ernst Hofbauer le film d’action érotique Virgins Of The Seven Seas. Ce nanar raconte les aventures de cinq jeunes filles occidentales kidnappées par des pirates chinois et vendues à un bordel, auxquelles vont venir en aide un couple qui leur enseigne le kung-fu…
L’année 1975 est plus réjouissante avec la coproduction entre la Shaw Brothers et la Warner Brothers pour Dynamite Jones et le casino d’or de Charles Bail, suite du succès américain de la blaxploitation « Dynamite Jones ». Le film se déroule à Hong Kong et bénéficie de la présence de nombreux acteurs de la Shaw Brothers.
Le western n’est pas oublié avec la Brute, le colt et le karaté (1975) d’Antonio Margheriti, collaboration entre Hong Kong, l’Allemagne, l’Italie et les Etats-Unis. Ce film est l’occasion d’une rencontre entre l’icône des westerns spaghettis, Lee Van Cleef, et la star des films d’arts martiaux, Lo Lieh. Pour le plus grand plaisir des chinois, le casting fourmille d’acteurs de l’ancienne colonie.
Un an plus tard, Run Run Shaw est producteur exécutif de Cannonball, mis en scène par l’Américain Paul Bartel. L’histoire est des plus simples : un coureur automobile (interprété par David Carradine) doit relier les deux côtes des Etats-Unis au cours d’une course illégale. On nage une fois de plus en pleine série Z…
Devant les succès tout relatifs de ces films, la Shaw Brothers va petit à petit arrêter de s’engager dans ce type de coproduction. Les dernières œuvres notables sont Meteor (1979 et 16 millions de US$ investis), film catastrophe de Ronald Neame avec Sean Connery, Natalie Wood et Henry Fonda, et le classique de Ridley Scott Blade Runner (1982) avec Harrison Ford.


e. Communiquer
Résister et montrer qu’on se porte bien, c’est aussi communiquer et s’occuper d’œuvres de charité. La Hongkong Shaw Foundation fut ainsi créée en 1973 pour venir en aide à diverses associations à vocations scolaires.

Ainsi, malgré l’émergence d’une nouvelle et rude concurrence, la première moitié des années 70 fut tout de même une période de succès pour la Shaw Brothers.
Financièrement, la firme de Run Run émit des actions et fut cotée en bourse dès 1971.

 
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