Warriors of the Rainbow: Seediq Bale relate la vaillante mais vaine révolte d'une tribu d'aborigènes Taiwanais contre le colonisateur nippon survenue en 1930 et menée par un charismatique chef guerrier Muona Rudo. La version présentée à Fantasia était celle en deux parties totalisant 276 minutes et non la version internationale charcutée de seulement 2 heures et demi. Avec un budget de 23 millions, c'est la production taiwanaise la plus coûteuse jamais tournée, que le réalisateur/scénariste Wei Te-seng a mis dix ans à concevoir, produire puis réaliser. Le tournage, d'une durée de dix mois s'est fait en plein milieu des montagnes tropicales de Taiwan, et a réuni un casting constitué pour la plupart de véritables aborigènes tournant dans leur langue. La production réunit des équipes provenant de Corée, du Japon et d'Amérique et le film a été produit par John Woo.

Évoquant tant le Braveheart et Apocalypto, tous deux de Mel Gibson, Warriors of the Rainbow est une fresque épique impressionnante tant par la beauté de sa photo que la vigueur sanglante de ses scènes d'action et le charisme de ses interprètes constitués en grande partie d'acteurs non-professionels, à commencer par le rôle du chef Muano lui-même (un pasteur protestant dans le vraie vie). Le film a été très soucieux de mettre en avant la culture guerrière des aborigènes tout en ne réduisant pas les occupants japonais en des bêtes meurtrières comme dans les bons vieux films kung-fu chauvins. En fait, bien que les insurgés aborigènes sont présentés comme de valeureux guerriers, le film montre bien que ce sont également des chasseurs de têtes impitoyables qui ont commencé leur insurrection en massacrant une colonie de civils japonais, femmes et enfants compris. Après ce massacre, on pouvait s'attendre à ce que les nippons soient enfin présentés comme des oppresseurs sanguinaires mais ils sont surtout montrés en train d'être trucidés et décapités de cent façons par les guerriers dans la seconde partie du film relatant l'ultime combats des indigènes hallucinant d'action et de violence.
Bien que j'ai trouvé que le film faisait un peu trop dans l'emphase sur-dramatique frôlant le kitch (surtout dans l'emploi d'une musique tragique envahissante), c'est compréhensible vue la nature du sujet et l'ampleur de la vision du réalisateur : une ode guerrière aussi terrible que magnifique qui rive le spectateur à l'écran pendant plus de 4h30. Un des grands visionnements du festival. De tous les films vus à Fantasia, Rainbow est l'un de ceux qui m'a marqué le plus.
Côte : ****1/2

Suivant le visionnement du film, j'ai fait quelques recherches sur le film et les événements décrits (notamment sur se site anglais : http://takaoclub.com/monaludao/ et j'ai pu constaté que la deuxième partie du film qui relate la confrontation des indigènes avec l'armée japonaise venue les mater ne semble pas beaucoup correspondre aux faits historiques. Comme le film se veut une relecture « héroïque » d'une tragédie sanglante (comme les bons vieux films kung-fu), l'ajout de scènes d'action haut en couleurs est plutôt normal vu que suivre le véritable déroulement des événements aurait probablement limité les actes des révoltés à un massacre d'innocents et leur propre annihilation. Comme on le dit souvent, le cinéma vise à divertir, pas a éduquer.
Le film a beau se dérouler à une époque depuis longtemps révolue, il m'a laissé songeur dans sa description viscérale des conflits inter-raciaux et des relations colonisateurs/indigènes. Loin de paraître caricatural et simpliste comme l'on décrit certains critiques ou commentateurs (qui auront probablement vu la version courte du film), Warriors m'a semblé décrire de façon très crédible les relations empoisonnées entre deux peuples dont l'un domine l'autre, ce qui est hélas encore de nos jours un sujet d'actualités tant au Tibet qu'en Israel/Palestine et il faut ajouter à cela les problèmes de racisme vécus par les immigrants tant en Europe qu'en Amérique. Ce qui rend Warriors encore plus pertinent à voir.

Le vrai chef Muona Rundo au centre |