Arthur Wong : Je n'avais que 17 ans en 1972 quand je suis entré dans ce business et j'en ai 49 cette année. C'était il y a plus de 30 ans. En fait, mon vieux était un cameraman réputé dans les années 1950. [Mais] je ne sais pas pourquoi, lorsque j'étais jeune, je n'avais aucun intérêt pour la photographie. J'aimais simplement regarder
des films. A chaque fois que j'avais de l'argent de poche j'emmenais mes deux petits frères au cinéma pour voir les films qui passaient après les heures
d'affluence. Le prix était bas et c'étaient tous des films étrangers. A cette époque j'étais vraiment jeune et ne comprenais pas les sous-titres. Mais j'adorais aller dans une salle obscure avec une foule, cela me transportait dans un autre monde dans lequel je me laissais
aller volontiers. [Les films m'apportaient] ce genre d'émotions.
Au final, mes deux petits frères sont entrés dans cette industrie.
Le premier travaille comme réalisateur à la télévision, sur la plus grande chaîne, la TVB, et il a travaillé à la télé pendant 20 ans. Et
le second est aussi un cameraman et un réalisateur.
Moi, j'ai travaillé pendant près d'un an en extérieur sur le tournage d'un film local. J'ai eu ce travail grâce à mon père. En ce temps-là, nous n'avions aucune école de cinéma à HK. Après un an, je suis parti travailler sur une production internationale. Il y a eu une époque, suite à Bruce Lee, où les équipes de tournage internationales venaient toutes à HK faire des films de kung fu. Et j'étais uniquement responsable de charger la pellicule dans la caméra. Cela m'a vraiment attiré vers la production car je sentais que je faisais parti d'une vraie équipe.
A cette époque dans les années 70, les équipes de films locaux ont abandonné l'idée du son synchrone car ils pensaient que les caméras
utilisant cette technologie étaient trop grandes et le temps de préparation
et de mise en place trop long. Donc on utilisait une petite caméra 2C, un support et un trépied. L'on pouvait la monter d'une main. N'importe qu'elle mise en place était très rapide à faire.
Donc une fois accoutumé aux productions internationales, j'étais très motivé car le directeur de la photographie faisait des éclairages très précis et quand on tournait tout le monde restait très silencieux et était emporté par l'atmosphère de la scène. Cela a developpé considérablement mon goût pour le cinéma. Ensuite je suis entré à la Golden Harvest, pour une année en tant que second-assistant caméraman. Puis j'ai travaillé sur deux productions internationales, qui étaient des co-productions entre la Golden Harvest, l'Australie et l'Amérique.
Après une année, l'assistant de mon père voulait que je l'aide et que je travaille avec lui. Mon père travaillait pour la Shaw Brothers à l'époque, le plus grand studio de HK, qui produisait plus de 130 films par an. Je n'aimais pas travailler avec mon père. Même si j'ai été promu au poste de cameraman, les gens disaient que c'était grâce à mon père.
Après cela, un vieux producteur qui était mon oncle est venu me dire : "Peu importe que tu suives ton père pour avoir du succès, ce qui compte c'est que tu crois en toi-même, et tu pourras alors avoir le succès que ton père
a. Il se fait vieux maintenant. Si tu peux lui donner un coup de main et lui rendre la vie plus facile, alors il pourra continuer à travailler plus longtemps." C'est ce qu'il a dit. A la Shaw Bros, on a beaucoup d'opportunités. A l'époque, il y avait 15 à 16 membres dans l'équipe des cameramen. Mon oncle m'a dit : "Si tu as confiance en toi, il y a de grandes chances pour que tu deviennes cameraman ici."
J'ai donc sauté le pas et suis allé à la SB et ai reçu un accueil royal. Cette année-là, ils avaient changé leur mode de recrutement à la SB. Avant, les cameramen voulaient toujours choisir eux-mêmes leur assistants [contractuellement]. L'année où je suis entré à la SB, ils ont changé leur système. Aucun cameraman ne pouvait choisir son propre assistant. C'était une chance pour moi. J'ai bossé sur 13 films en 13 mois (rire)
[Arthur Wong a pu grâce à cette réforme travailler avec plusieurs
cameramen et ne pas être assigné à un seul, ndlr]. Au début, j'espérais avoir la chance de pouvoir tous les assister.
Mon look d'assistant était bien différent de celui des autres. Aujourd'hui, on peut voir l'assistant cameraman porter beaucoup d'outils [à la ceinture], mais à l'époque les choses étaient moins compliquées. Un assistant cameraman avait juste un papier à objectif dans la poche de sa chemise et rien d'autre. Tout le reste était simplement posé derrière le trépied de la caméra. Comme j'avais travaillé sur des productions internationales, j'ai beaucoup appris et j'avais l'air différent et sortait du lot [en comparaison avec les autres assistants des productions locales,
ndlr]. Donc tous les cameramen me voulaient dans leur équipe. Certains d'entre-eux étaient des amis de mon père. D'autres avaient entendu dire que j'avais travaillé sur des productions internationales. Ils voulaient tous me rencontrer pour voir ce que je pouvais faire pour eux.
Wong mesure
l'exposition sur le tournage de The Warlords, avec l'actrice Xu Jinglei
La façon dont les choses marchent en occident est très différente de notre mode de fonctionnement ici. A l'Ouest, seul le chef opérateur a le droit de mesurer l'exposition avec le luxmètre. Mais ici, l'assistant mesure l'exposition pour le cameraman et lui fait un compte-rendu sur l'éclairage de la scène. Donc j'étais d'une grande aide [pour les chefs op de HK]. Ils me faisaient confiance pour mesurer plus de choses, comme les contrastes. Et ils m'appréciaient beaucoup. Depuis lors, j'ai toujours eu un traitement royal [de leur part].
A un moment, je n'ai pas dormi pendant 7 jours et 7 nuits. J'étais sur 4 unités de production (soit 4 films)
en permanence. Donc tous les jours j'avais 2 ou 3 unités en tournage au même moment. Si je pouvais m'occuper des équipes A et C en même temps, je le faisais et j'embauchais quelqu'un pour couvrir l'équipe B pour moi. Puis je disais à tous les cameramen que j'étais déjà sur 3 tournages et ils répondaient : "C'est
pas grave, untel travaille avec moi pour l'instant. Pour les grosses scènes, on t'appellera et tu viendras, OK ?"
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