Et alors, artistiquement que vaut le film ? Tout simplement une accumulation quasi sans interruption de scènes d'anthologies que le fan de base du cinéma d'arts martiaux connaît par cœur (toutes les scènes de combat de Bruce Lee, la scène de bagarre avec Angela Mao, Bolo Yeung contre les gardes, Jim Kelly contre Sek Kin). Ne dépassant le cadre du cinéma d'exploitation, Opération Dragon reste un monstrueux divertissement, le genre de films que l'on ne se lasse pas de revoir en boucle.
Malgré les énormes difficultés rencontrer au cours du tournage Robert Clouse et son directeur de la photographie Gilbert Hubbs ont su donner un lustre inusité à Opération Dragon qui demeure un des films de kung-fu les plus luxurieux jamais fait . Puis comment ne pas parler d'Opération Dragon sans évoquer le thème de Lalo Schiffrin : superbe, et tout simplement considéré comme le thème du cinéma martial. Souvent utilisé dans des documentaires de films ou lors des festivals d'arts martiaux tels que Bercy, cette musique ne peut s'oublier une fois entendue et colle à la perfection au film.
Et Bruce Lee lui-même ? Rien à redire, Toujours aussi impressionnant et charismatique, superbement épaulé par un casting en or. D'ailleurs c'est tout le casting (une première pour un film de Bruce Lee) qui cette fois est exploité comme il se doit.
Et bien entendu, question principale : les combats ? Mis à part le court intermède martial avec les quatre gardes (dont Bolo Yeung punira leurs incompétences lors d'une scène brutale), toutes les scènes martiales sont des morceaux d'anthologie (Le combat de départ, l'affrontement contre Bob Wall, la scène du tunnel, le final dans le labyrinthe aux miroirs). Bruce a abandonné le style de combat réaliste et basé essentiellement sur le Jeet Kune Do de La Fureur du Dragon pour revenir à des combats moins crédibles, plus violents comme dans La fureur de vaincre mais pour un résultat toujours aussi spectaculaire.
L'histoire du film n'est prétexte qu'à une accumulation d'affrontements dans un cadre fastueux et exotique : Monsieur Han (Sek Kin) vit sur une île qui est en fait une base fortifiée et qui lui sert pour le trafic d'opium et la prostitution. Le seul contact qu'il a avec le monde extérieur est le tournoi d'arts martiaux qu'il organise tous les trois ans et qui lui sert à repérer des professionnels qui seraient susceptibles de faire partie de son organisation. Lee (Bruce Lee) fait partie d'un temple de Shaolin dont Han est membre renégat. Il reçoit la visite d'un dirigeant d'un service spécial lui demandant d'aller sur l'île pour participer au tournoi et pour ramener des preuves de ces trafics.
Voyant l'occasion de se venger de Han mais aussi de son garde du corps (Robert Wall) responsable du suicide de sa sœur ( Angela Mao ) Lee accepte et va croiser sur sa route deux participants au tournoi (John Saxon et Jim Kelly) qui vont essayer de l'aider à détruire l'organisation de Han.
Le seul gros défaut du film est que l'affrontement Bruce Lee - Bolo Yeung n'ait pas eu lieu. (D'ailleurs à croire que cette petite frustration eut un violent impact chez les réalisateurs de « Fake Bruce Lee », Bolo Yeung étant utilisé dans un nombre conséquent de faux Bruce Lee. Première scène : sur une plate forme de combat dans un temple Shaolin, Bruce Lee affronte Sammo Hung, dès le départ le ton est donné, ce film sera un monument de coups et blessures porté par un casting des plus alléchants.
Jim Kelly, authentique pratiquant de Karaté, deviendra une star (de courte durée) et se lancera dans tout un tas de films de Karaté assez médiocre parmi lesquelles il faut retenir La Ceinture Noire (Black Belt Jones) également mis en scène par Robert Clouse. Son personnage de Williams dans le film capte toute notre attention à chacune de ses apparitions. John Saxon est limité sur le plan martial mais nous convainc sans problème dans l'interprétation de son personnage Ropers. La star Angela Mao venue jouer la sœur de Bruce Lee nous offre un très bon combat où elle poursuivit dans un petit village par Bob Wall et ses hommes (parmi lesquels on compte Wilson Tong de même que Tai Bo le future comparse de Jackie Chan dans nombre de ses films).
Bruce nous offrira un combat à un contre plusieurs tout simplement ébouriffant : la scène dans le tunnel où le Petit Dragon affronte une trentaine d'adversaires à mains nues mais aussi à l'aide de bâtons, matraques, nunchaku... A noter que Jackie Chan sera présent à deux reprises au cours de cette scène : une première fois en agrippant Bruce par derrière, puis en lui faisant face alors que le Petit Dragon est armé d'un bâton et plus tard d'un nunchaku .
Puis la scène finale des miroirs, ou l'image de Bruce tout griffé et multiplié à l'infini (jolie fleur à son narcissisme). Plastiquement superbe .
Il faut noter toutefois que le critique et essayiste Stephan Teo, a fait remarquer que Bruce Lee jouait dans son film son personnage le plus impersonnel et stéréotypé. Il n'est plus le héros fier, rageur et tourmenté ou le pèquenot martial si cher au public hongkongais, comme dans ses films précédents mais joue à la place le chinois impavide et mystérieux comme se les imaginent les occidentaux. Bruce était d'ailleurs très soucieux de l'image qu'il projetait dans le film, car il ne voulait pas passer pour un larbin aux services des occidentaux. Ces appréhensions étaient justifiées puisque Opération Dragon connut à Hong Kong un succès moindre que ses deux films précédents. Le public hongkongais était encore sous le choc de la mort subite du Petit Dragon mais aussi ils n'appréciaient pas le rôle qu'il lui était assigné.
|