Le film comporte plusieurs difficultés pour pouvoir saisir le message de Zhang Yimou. Premièrement, le film est en mandarin et en vers. Ce choix s'explique par le respect au genre littéraire dont le film est issu. Le film s'inspire d'une des nombreuses légendes autour du roi de Quin. Il ne faut donc voir dans ce film aucun réalisme historique. C'est la poésie qui prime. Notamment dans les dialogues. Mais la ressentir n'est pas forcément chose aisée, surtout avec la décevante traduction française présentée à Deauville. Par exemple le signe écrit par Broken Sword dans le sable pour Nameless a été traduit en anglais "All under heaven" (tout sous le ciel) et en français par le simple mot "pays". Je ne parlerai pas de la traduction du grand coup de Jet Li : "la mort à dix pas"… La poésie des dialogues était donc absente de cette VOSTF, et c'est bien dommage.
Deuxièmement, le film m'a surpris car il diffère des wu xia pian hongkongais que j'ai déjà vu sur deux points principaux. D'abord si les combats sont magnifiques, regorgeant de très belles idées poétiques, ils ne possèdent pas la folie, ce sursaut et ce déferlement d'énergie qui caractérisent les plus belles scènes des wu xia pian que je connais. Il n'y a aucune scène dans Hero se rapprochant du moment de folie dans Les Cendres du Temps où Brigitte Lin combat son reflet dans un lac, faisant jaillir des geysers à chaque coup d'épée. Ou bien sur de l'incroyable scène finale du superbe Jiang Hu : The Bride with White Hair, autre wu xia pian esthétiquement impressionnant. Ensuite la plupart des combats n'ont aucune tension dramatique car on en connaît déjà l'issue. Mis à part son opposition contre le roi de Quin, on sait que Nameless ne perdra aucun combat, on sait pertinemment que Moon n'a aucune chance contre Flying Snow, et on connaît l'issue du combat entre le roi de Quin et Broken Sword avant de le voir à l'écran. C'est que le réalisateur préfère une approche esthétique et mentale pour traiter les scènes d'action. Zhang Yimou a alors naturellement choisi une narration lente, poétique, nous laissant le temps de réfléchir et d'admirer chaque image comme un tableau. Les combats sont donc fluides, maîtrisés, par moment presque doux. On est bien loin des combats des films de la Film Workshop.
Et enfin, la troisième et principale difficulté vient du fait que le film est tout en symbolismes. Ainsi tous les personnages sont des symboles. Ils n'ont pas vraiment d'existence propre. Lorsque deux d'entre eux se rencontrent, se défient, c'est en réalité l'opposition/confrontation de deux pensées symbolisées par deux de ces personnages. Ce sentiment est renforcé par le choix du type de scénario.
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