Les studios cantonais, eux, se spécialisèrent dans un public plus spécifiquement local et plus populaire (comprendre plus pauvre). D'où des thèmes souvent très conservateurs... Même chez les studios gauchistes. Disposant également de budgets plus limités (beaucoup de films étaient tournés en une semaine), ils privilégièrent logiquement les drames contemporains, moins chers à produire. In The Face of Demolition de Lee Tit, The Seventh Heaven de Ng Wui ou Parents' Hearts de Chun Kim en sont des bons exemples, tout en étant le haut du panier de ce type de productions.
Les choses auraient pu demeurer ainsi pendant longtemps mais un évènement changea la donne. En 1967, la télévision fit son apparition à Hong Kong. Le public jusqu'ici habitué des films cantonais abandonna rapidement son ancien loisir pour embrasser la petite lucarne et sa séduisante gratuité.
Le cinéma cantonais ne se rendit toutefois pas sans combattre. Une nouvelle génération de cinéaste apparut en son sein et déploya d'importants efforts pour en renouveler le contenu thématique et améliorer ses standards techniques. Les hommes à la pointe de cette tendance furent les réalisateurs Chor Yuen et Patrick Lung. Story of a Discharged Prisoner et Teddy Girls, tous deux par Lung, furent assurément ce que le cinéma cantonais donna de meilleur à cette époque.
La lutte était malheureusement vaine et, malgré tous les efforts consentis, le cinéma cantonais expira définitivement au début des années 1970... La Cathay mourut durant la même période, laissant le champ libre à une Shaw Brothers soudainement toute puissante. Mais le studio de Run Run Shaw créa sa propre concurrence quand Raymond Chow, accompagné de bon nombre de réalisateurs, acteurs et techniciens, quitta la firme pour fonder sa firme, la Golden Harvest.
Ces luttes commerciales ne changèrent pas grand chose au monopole linguistique nouvellement établi. Shaw Brothers et Golden Harvest produisirent ainsi toutes deux leurs films en mandarin. Ce fut le cas des Bruce Lee comme La Fureur du Dragon contrairement à beaucoup d'idées reçues sur le sujet.
L'instrument coupable de la mort du cinéma cantonais fut aussi celui responsable de sa résurrection. La télévision donna sa chance à de nombreux artistes locaux, leur permettant d'exercer leur talent dans leur langue maternelle à l'image de Patrick Tam et la série CID. La mise en place d'une politique gouvernementale de reconnaissance d'une identité hongkongaise suite aux insurrections de 1967 se conjugua pour renforcer l'envie chez les artistes de faire un cinéma propre, spécifiquement hongkongais dans ses thèmes et dans son expression. Un des premiers hommes à affirmer cette volonté sur les grands écrans de la colonie Britannique fut le comique Michael Hui avec des films comme The Private Eyes. |