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Johnnie Got His Gun !    (2010)
Il y a des noms qui ont marqué des époques. Des réalisateurs qui ont su se montrer suffisamment inventifs pour marquer toute une génération. Ceux qui ont dépassé le stade de simple artisan pour développer un univers qui leur est propre, soit en créant un style visuel très créatif, soit en se faisant les spécialistes de thématiques fortes et récurrentes. Si Johnnie To s’est d’abord présenté comme un touche à tout efficace, d’abord en travaillant pour la télévision, puis au cinéma, il a compris dans les années 90 qu’il devait devenir un auteur s’il voulait s’illustrer réellement. La création en 1996 de sa propre société de production, la Milkyway Image (HK) Ltd. marque un tournant dans sa carrière, mais c’est surtout en 1998 avec la réalisation de A Hero Never Dies que le metteur en scène va affirmer son style et se faire le spécialiste des polars. Il passera les années suivantes à perfectionner son style, magnifiant à chaque fois la ville qui l’a vu grandir, Hong Kong, jusqu’à livrer une succession d’œuvres extrêmement ambitieuse visuellement dans les années 2000 et jusqu’à aujourd’hui. C’est justement la période durant laquelle le réalisateur Yves Montmayeur a choisi de suivre l’artiste hongkongais afin de faire découvrir au public français l’envers du décor.
Yves Montmayeur, véritable passionné de cinéma, a débuté comme journaliste spécialisé en cinéma avant de devenir réalisateur en 2000 avec un documentaire sur Juliette Binoche. Son amour du 7ème art et en particulier des films asiatiques s’est manifesté à travers des documentaires sur les fameux studios Ghibli, ou encore les yakuzas eigas, mais aussi et surtout sur le cinéma de Hong Kong et sur le directeur de la photographie Christopher Doyle, connu pour son travail avec Wong Kar-wai.

Tourné entre 2004 et 2010, Johnnie Got His Gun ! est monté avec un souci évident d’esthétique, comme en témoignent les plans d’ouverture, filmés en caméra à l’épaule, et présentant des gros plans sur un Johnnie To qui fume avec l’élégance d’un héros de film noir. Le grain de l’image donne la sensation d’épier l’artiste à travers une caméra de sécurité, renforçant l’ambiance de polar dont il s’est fait le spécialiste. Une caractéristique constamment revendiquée par To, comme l’illustre sa première intervention en voix off. Cette introduction très travaillée est représentative de la volonté d’immerger le spectateur dans l’intimité du metteur en scène hongkongais, mais aussi dans la ville qu’il se plait à explorer dans ses moindres ruelles depuis tant d’années. Car ce qui fait la force du cinéma de To, ce ne sont pas tant les thèmes qu’il décrit comme siens en début d’intervention, c’est surtout sa capacité à donner vie à la ville, et à en faire le personnage le plus important de ses récits. A ce titre, les différentes explorations de décors se révèlent passionnantes, notamment parce que le montage alterne les prises de vue avant, voire pendant les tournages, avec les scènes de film. Car comme l’artiste l’explique lui-même, il lui faut un bon décor pour être en mesure de réfléchir à ce qu’il va mettre en scène, à ce qu’il va raconter. Et si sa caméra se meut toujours avec une pertinence adaptée au décor, qui ne se dément pas d’un film à l’autre, on est surpris d’apprendre à quel point le choix des lieux de tournage fait l’objet de recherches approfondies.

Qu’il s’agisse d’un ascenseur dont l’ascension offre des jeux de lumière intéressant pour développer l’attitude d’un personnage, ou d’un restaurant semblable à ceux dans lesquels les policiers en patrouille de nuit se reposent quelques instants, ce souci permanent de la cohérence et de la crédibilité nous rappelle immanquablement pourquoi les films de Johnnie To offrent une vision unique de Hong Kong. Pourtant, comme il le déclare lui-même, on ne peut pas dire que ses films sont réalistes. Il suffit d’admirer les éclairages très travaillés de PTU, et de les comparer aux prises de vues de Hong Kong la nuit qu’a faites Yves Montmayeur pour constater à quel point il s’agit de deux univers si différents. Mais c’est ce paradoxe qui fait la force du cinéma de Johnnie To : son souci du plan réussi, beau, percutant, n’empêche pas son univers de retranscrire l’ambiance si particulière des ruelles étroites de Hong Kong. Breaking News, dont le tournage ouvre le documentaire, en est un parfait exemple, tant par son plan séquence aussi spectaculaire que riches en saynètes fidèles à la vie quotidienne, que par les scènes dans l’immeuble aux couloirs étroits, qui ne sont d’ailleurs pas sans rappeler les locaux étouffants du climax de Long Arm Of The Law. Et cette maîtrise du cadre, du lieu, est caractéristique de la façon de travailler de l’auteur, qui s’investit totalement dans ses œuvres. Assister aux coulisses du tournage de ses polars est ainsi très révélateur, comme lorsque To et ses acteurs observent les rushes du tournage : tout dans son attitude rappelle un gradé de la police briefant ses hommes avant de mener une intervention. Une impression confirmée par les collaborateurs de To, notamment l’acteur Simon Yam qui le décrit comme un homme colérique, qui crie s’il ne travaille pas avec une équipe qui comprend immédiatement ses intentions. Cette volonté de tout contrôler, d’avancer en sachant précisément quoi faire se justifie par les contraintes de tournage propres au cinéma de l’ex-colonie. « On n’est pas à Hollywood », les budgets ne sont pas les mêmes, et les équipes de tournage n’ont pas la possibilité de bloquer des rues entières. On découvre ainsi avec beaucoup d’intérêt les astuces déployées pour réaliser des travellings efficaces, collant au plus près de l’action. L’utilisation de grues se révèle également un peu plus archaïque que ce qu’on pourrait croire.

Une façon de travailler à l’ancienne, qui est également au centre de l’écriture des scénarios : on découvre un travail d’investigation afin d’obtenir des histoires aussi croustillantes que proches de la réalité. Une approche surprenante, puisqu’on découvre que le frère de Simon Yam est l’adjoint du chef de la police à Hong Kong, mais qu’il refuse de transmettre des informations ! On découvre également les informations hongkongaises, dont la forme est tellement glamour qu’on en vient à se demander s’il s’agit d’une vraie émission, ou d’un extrait de film. En effet, le travail sur la forme d’Yves Montmayeur est tellement important qu’un spectateur qui ne connaîtrait pas le travail de Johnnie pourrait par moment avoir du mal à distinguer les extraits de films des passages du documentaire. Il faut dire que l’utilisation d’extraits est souvent pertinente et intéressante, mais peut être également un peu envahissante, notamment lorsque certains extraits durent plus d’une minute, sur une durée de 1 heure, cela fait tout de même beaucoup. D’ailleurs, à mesure que le temps passe, on constate que les interventions de Johnnie To ne sont pas si nombreuses que ça, et si les interviews de collaborateurs proches sont intéressantes, et que certains éléments, comme le travail sur les décors évoqués plus haut, sont passionnantes, on n’apprend finalement peu de choses sur le cinéma de To. Si on oublie la réalisation dynamique de Montmayeur, avec ses split-screen, et sa bande originale alternant morceaux des films de To et musiques dignes de Yakuzas eigas, on a plus l’impression de regarder une succession de making off montrant les coulisses des films qu’un documentaire décortiquant avec précision et méthode le travail de l’artiste.

Le parti-pris de présenter les scènes chronologiquement a une certaine logique, mais n’apporte pas vraiment d’évolution, puisque durant cette période, To a continué son processus en développant les mêmes thèmes et les mêmes techniques sans vraiment changer de trajectoire, comme l’ont ressenti beaucoup de spectateurs à la vision de Vengeance, très réussi esthétiquement, mais qui trahissait un manque de renouveau dans l’œuvre du réalisateur. On regrettera de ne pas voir une construction plus thématique, car le propos reste un peu trop diffus. C’est d’autant plus regrettable qu’on apprend quelques anecdotes intéressantes, comme l’enfance de To, sa découverte du cinéma (confession qui rappelle la nostalgie de Just One Look), et ses réflexions sur la mise en image, mais l’éparpillement des interventions ne permet pas de construire un discours construit, et on a trop souvent l’impression d’un manque de consistance, d’une vision qui reste en surface. La passion de Montmayeur est manifeste, et on comprend qu’il veut donner un aperçu le plus complet possible de ce qui rend le cinéma de To si distinctif, mais cette volonté de tout montrer, et l’usage peut-être trop appuyé des extraits ne permet pas une analyse qu’on aurait souhaitée plus détaillée. Entre les photos de tournage, les images d’archives, ou les passages au 58ème festival de Cannes, To se confie tout de même sur sa conception du polar, sur l’analogie qu’il en fait avec les films de sabre, et sur son changement de regard sur le rôle du cinéma. Une déclaration qui donne fortement envie de redécouvrir ses 2 Election, dont il revendique la vision réaliste, en opposition à l’héroïsme très appuyé des personnages de A Hero Never Dies par exemple, dont le code d’honneur ne correspond plus (pas ?) aux membres de triades tels que To les conçoit aujourd’hui. Cet ancrage dans la réalité, et l’imaginaire qui entoure cet univers s’explique également par le nombre incroyable de membres (330 000 sur 6 millions d’habitants d’après To), qui fait que presque tout le monde connaît au moins un membre des triades, l’artiste en ayant lui-même plusieurs dans son entourage.

On finit sur une note intéressante, puisqu’on assiste à une scène de tournage du dernier film de Johnnie To, mettant en vedette Lau Ching-wan, Life Without Principle. Johnnie Got His Gun ! est un documentaire très bien mis en image, au montage dynamique et percutant. Cette plongée dans l’envers du décors est intéressante, mais constitue davantage une introduction à l’univers du réalisateur destinée aux spectateurs qui n’ont pas une connaissance approfondie de son cinéma qu’aux fans désireux de découvrir une analyse approfondie de son œuvre.
Léonard Aigoin 12/13/2010 - haut

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 12/13/2010 Léonard A...

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