En 1993, sortent en France de manière aléatoire quatre films réalisés par John Woo : A toute épreuve (1992) ouvre le bal, suivie rapidement du Syndicat du crime 1 (1986) et Syndicat du crime 2 (1987) et pour finir avec Une Balle dans la tête (1990). Très vite, les films de John Woo trouvent un écho incroyable dans la presse, y compris les magazines aux choix rédactionnels plus standard (Première et Studios) dressant par la même occasion des portraits incroyablement élogieux. Du jour au lendemain, John Woo passe du rang de cinéastes invisibles à celui de cinéastes cultes. Bien entendu, on peut se demander ce qui a pu pousser les distributeurs à sortir les films de John Woo dans l'hexagone alors que tout accès semblait compromis pour les films de Hong Kong.
En fait, ils existeraient deux raisons, tout à fait plausibles qui expliqueraient ce soudain intérêt pour les films de John Woo. Jean Marc Lalanne, journaliste du Mensuel du Cinéma donne une première raison : "En trois mois, nous aurons donc découvert quatre films de John Woo. Que ce mini raz-de-marée vise à préparer la sortie mammouth de son premier film hollywoodien Hard Target, Chasse à l'homme (1993), avec Jean Claude Vandamne est plus que probable." Cela expliquerait l'intérêt soudain pour les films de John Woo. Sans son départ pour les Etats-Unis et la préparation de son premier film américain, ses films seraient certainement sortis en vidéo.
L'autre raison serait à prendre dans la stylisation particulière des derniers films de John Woo. Pour Léonard Haddad (HK Orient Extrême Cinéma, octobre 1997 N°4 Page76) "il semblerait que dés cette époque (avec la sortie de Once A Thief en 1991) John Woo ait envisagé très sérieusement son départ pour Hollywood et décidé de donner un tour moins spécifiquement chinois à ses films. Cela expliquerait le choix de tourner en France une bonne partie de 'Once A Thief et d'en faire un "caper movie "dans la lignée de La Main au collet de Alfred Hitchcock, un des films préférés des américains".
Jean Marc Lalanne explique dans un autre article Un cauchemar américain (HK Orient Extrême Cinéma, octobre 1997 N°4 Page 77-78-79) de quelle manière John Woo introduisait déjà les mythes et les codes du cinéma américain dans un univers personnel. A propos d'Une balle dans la tête il ajoute que "ce film est pourtant celui qui comprend le plus grand nombre d'emprunts et de citations au patrimoine artistique mondial." Plus loin il ajoutera "dans cette foire aux citations, c'est évidemment le cinéma américain qui se taille la part du lion. Le simple choix de traiter la guerre du Vietnam inscrit le film dans un genre qui s'est institué comme le passage obligés dans la cour des grands (Apocalypse Now (1979) de Francis Ford Coppola, Full Metal Jacket (1987) de Stanley Kubrick, Platoon (1987), Né un 4 juillet 1989) de Oliver Stone et Outrages de Brian De Palma) dans la matrice reste 'oyage au bout de l'enfer (1979) de Michael Cimino".
Le public français étant plus familiariser avec les codes narratifs du cinéma occidental et américain, les films de John Woo sont dés lors plus assimilables qu'un film de Tsui Hark par exemple car celui ci raconte des histoires qui sont avant tout susceptibles d'intéresser un public asiatique. En même temps si le public occidental est aussi à l'aise dans le cinéma de John Woo, c'est aussi parce que le cinéma américain, de son coté, n'a pas hésité a puissé dans le patrimoine du cinéma de Hong Kong comme le confirme Julien Carbon dans Impact, avril 1995 N°56 lors de la sortie du film The Killer : "La situation de The Killer de John Woo est donc tout à fait singulière, puisque pour la première fois sans doute dans l'histoire récente du cinéma de genre, "un classique " vous parvient après avoir subi à de très nombreuses reprises les influences dans une bonne majorité des célébrés en ces pages. Bruce Willis mitraillant allongé sur le sol dans 58 minutes pour vivre (en 1990) de Renny Harlin ? The Killer. Mel Gibson courant en vidant des berreta brandis à chaque main dans L'Arme fatale 2 de Richard Donner (1990) ? The Killer encore. (..) On pourrait ainsi multiplier les exemples à l'infini, tant le cinéma américain semble avoir trouvé dans cet étrange polar hongkongais matière à ranimer la flamme d'un genre sérieusement fatigué ".
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