Ces films ne sont pas pour autant de simples photocopies surannées d'une époque glorieuse, comme peut l'être par exemple le 14 Blades de Daniel Lee. Pour éviter l'écueil, les 2 réalisateurs ont la même approche. D'abord, ils osent renouveler les acteurs. Finies les stars vieillissantes du cinéma de Hong Kong. Stephen Chow a l'intelligence de ne pas se donner un rôle et de rester derrière la caméra pour laisser la place à Wen Zhang, qui parvient à reprendre à son compte le type de personnage qu'interprétait Stephen Chow quand il était jeune.
De même Tsui Hark remplace Andy Lau (choisi pour incarner Detective Dee en 2010) par Mark Chao, un jeune premier capable de devenir la star des jeunes. Il a d'ailleurs cartonné en 2013 avec So Young, une production Stanley Kwan calibrée pour séduire les jeunes adultes. Ensuite les 2 réalisateurs réinvestissent l'univers du wu-xia en utilisant massivement l'imagerie numérique. Là où dans une production comme 14 Blades, les images de synthèses ne servent que d'effets spéciaux ponctuels, remplaçant les trucages traditionnels, Journey To The West et Young Detective Dee créent une esthétique numérique à part entière. L'utilisation de ces images devient ludique, poétique, absurde ou comique. Sur le net, les critiques se sont souvent limités à reprocher la mauvaise qualité technique des images numériques de ces films, avec en ligne de mire une définition de la qualité basée sur l'hyper-réalisme. Il faut dire que c'est le projet américain. Fournir des images de synthèses plus vraies que nature. Il est certain que la « mauvaise » qualité des effets numériques dépend des budgets encore modestes de ces productions au regard des films américains. N'oublions pas que nous sommes au début d'un renouveau de cette industrie et, en hommes d'affaire avisés, les producteurs locaux ne peuvent risquer de faire exploser les budgets. N'oublions pas non plus que le cinéma de Hong Kong n'a pas pour habitude de subordonner son imagination aux contingences techniques. Journey To The West et Young Detective Dee sont une parfaite illustration de cet état de fait. L'idée plutôt que sa concrétisation. La bataille navale qui ouvre Young Detective Dee est certes d'un niveau de réalisme insuffisant, mais quel plaisir de voir couler 10 « Titanic » en une séquence ! De même les combats du roi singe sont homériques dans Journey To The West, même si il est clair que la technique ne suit pas.
Enfin nos deux réalisateurs n'hésitent pas à s'inscrire résolument dans la culture chinoise, favorisant l'adhésion du public local. Stephen Chow réadapte une nouvelle fois le classique de la littérature basé sur les aventures du roi singe. Quant à Tsui Hark, il reprend la narration à rebondissements et à personnages multiples typique des wu xia pian. Les métaphores, les couleurs, les références culturelles
contribuent également à inscrire ces films dans un univers chinois, mais finissent par rendre ces spectacles hermétiques pour les spectateurs occidentaux. De fait, ces films ont du mal à s'exporter comme le montre la sortie récente en France du très réussi Flying Swords of Dragon Gate (2011) de Tsui Hark. En dépit de la présence de Jet Li et d'une 3D époustouflante, le film a été distribué directement en vidéo, dans l'indifférence la plus totale. |