BATTLEFIELD HEROES (BA) est le troisième film historique du réalisateur Lee Jun Ik à être présenté à Fantasia après THE KING AND THE CLOWN et BLADES OF BLOOD. C'est la suite de sa première œuvre historique ONCE UPON A TIME IN A BATTLEFIELD qui hélas n'a jamais été présenté au Festival. Comme ce film, BATTLEFIELD traite en comédie à la fois burlesque et satirique une des grandes batailles du passé, dans le cas présent le siège du château de Pyongyang qui mena à la fin de la période dite des "Trois_Royaumes" et à l'unification de la péninsule coréenne. Le conflit est relaté non seulement du point de vue de chaque camp mais de chaque classe sociale des généraux aux petits troupiers.
Tant physique que verbale (le film jouant la carte de l'argot et des dialectes régionaux), la comédie de BATTLEFIELD est suscitée à la fois par la truculence burlesque des personnages, leurs « vécus» différents de la guerre (les soldats servant de chair à canon, les généraux observant les batailles à distance et les conflits d'ego ou de stratégie entres les chefs de chaque camp. Malgré toute la rigolade, le films est tout le temps soucieux d'humaniser presque tous ses personnages (à l'exception des fiers à bras chinois) et surtout de mettre en avant l'effroyable réalité de la guerre.
Le cinéaste est lui-même venu présenter le film en personne et a avoué avoir quelques inquiétudes étant donné que son œuvre était centrée sur un épisode historique complètement inconnu de la plupart des occidentaux, avec un casting de deux à trois douzaines d'acteurs et un humour verbal typiquement coréen. Toutefois, Lee se faisait du souci pour rien car si effectivement il est d'abord un peu difficile de s'y retrouver, les personnages sont s'y bien typés et la comédie est si truculente qu'on a vite fait de comprendre et de rigoler. C'est un Lee bien content qui est revenu au devant de la scène pour recevoir l'ovation du public. Selon lui, le public Fantasien avait fait un bien meilleur accueil à son film que celui de Corée. Un des spectateurs lui fit d'ailleurs le compliment que malgré ses moyens limités (ne film ne coûta que 5 millions), il réussissait bien mieux ces épopées historiques que les grands studios hollywoodiens.
Plusieurs semaines après la fin du festival, j'ai pu mettre la main sur ONCE UPON A TIME in A BATTLEFIELD (BA) pour voir de quoi avait l'air le premier essai de Lee à la fresque guerrière comique.
Alors que BATTLEFIELD HEROES traitait du dernier conflit crucial de la Guerre des Trois Royaumes, ONCE UPON A TIME traitait lui de la toute première : la bataille de Hwangsanbeol au cours de laquelle une garnison de 5000 soldats avait résisté héroïquement à une armée dix fois supérieurs.
De nombreuses critiques ou commentaires lus sur le film l'ont comparé au Sacré Graal! des Monty Python, réminiscence probablement provoquée en grande partie par la récupération (et l'adaptation) d'un gag mémorable de GRAAL dans ONCE UPON A TIME. Toutefois, il y a plus puisque l'approche comique des deux œuvres est à peu près la même : une épopée historique habituellement révée y étant prise à contre-pied par un traitement truculent, irrévérencieux, et anachronique des personnages et des faits légendaires. GRAAL et ONCE UPON A TIME ont également en commun une approche dans la reconstitution historique : relativement modeste mais réaliste et convaincante contrastant avec l'esprit facétieux ambiant.
Là où il y a une différence marquée dans l'approche des deux films, c'est le traitement de la violence et des exploits guerriers : à la blague chez les Monty Python (même si c'est parfois très sanglant) alors qu'au contraire ONCE UPON met en avant l'effroi et l'odieux de la guerre encore bien davantage que BATTLEFIELD HEROES au point que de bouffon au départ, le film prend à mi-chemin une dimension véritablement tragi-comique culminant pendant une fin particulièrement amère et violente. Il faut dire que la bataille de Hwangsanbeal s'est terminée par un massacre et que ONCE UPON A TIME a été réalisé en 2003, année qui a vu le début de la Guerre d'Irak par les USA (le terme « trois axes du mal » est d'ailleurs utilisé par un des personnages), d'où cette volonté marquée du film de stigmatiser la guerre, ses « décideurs » et ses sanglantes conséquences.
En tant que suite réalisée 8 ans plus tard, BATTLEFIELD reprend l'approche comique de son prédécesseur, la moitié des personnages (ceux qui ont survécu au premier) et bien que les violences guerrières soient toujours présentées de façon aussi sanglante que satirique, l'aspect tragique n'est par contre pas aussi prévalant. Entre les huit ans séparant ONCE de BATTLEFIELD, Lee Jun Ik s'est développé en tant que cinéaste et a offert un film un brin plus complexe et nuancé tant dans sa narration, sa comédie et son rendu des personnages. |