Un des petits regrets que j'ai éprouvé pendant le festival c'est de ne pas voir plus de films de la rétrospective : Frissons à L'érable : un hommage à John Dunning et Andrée Link qui s'est juste limité à : SHIVERS de David Cronenberg. Le cinéma d'horreur made in canada étant terra incognita pour moi, j'aurais aimé en découvrir un peu plus. Malheureusement, non seulement je n'ai pas pu voir le restant de la sélection pendant le festival mais la plupart de ces films n'ont pas encore été édités en DVD. Finalement, toutefois j'ai pu mettre la main sur DEATH WEEKEND (BA) aussi connu sous le titre de HOUSE BY THE LAKE.
Le film est un récit « d'invasion de domicile » un sous-genre du cinéma d'effroi dans les années 70 dont les exemples les plus fameux sont STRAW DOGS de même que LAST HOUSE ON THE LEFT et HILLS HAVE EYES tous deux de Wes Craven. La trame typique de ce genre de film voit le plus souvent une bande de loubards patibulaires envahir une demeure et faire subir les pires sévices à leurs occupants terrorisés, scénario cauchemardesque inspiré par les craintes ataviques des classes aisées envers les marginaux, qu'il s'agisse de péquenots ruraux, de motards ou de hippies. Or, selon le catalogue du Festival, DEATH WEEK END offrait une variation inusitée sur certaines des conventions du film "d'invasion" en présentant le propriétaire du domicile envahi (un dentiste) comme un personnage tout aussi douteux que les loubards et en faisant du personnage féminin non pas une proie fragile mais une femme débrouillarde au caractère bien trempé.
Tout en reconnaissant intellectuellement la démarche du film et son efficacité, je dois avouer toutefois que je n'ai éprouvé presque aucun enthousiasme envers le film, un dédain que j'ai attribué à l'age du film, à la pauvre qualité de la copie vidéo et ma trop grande familiarité avec les conventions de ce type de film. Ceci dit, deux moments vers la fin m'auront frappé : un moment fugace presque tendre entre l'héroïne et le chef des loubards et un autre qui voit l'héroïne réagir à la plainte d'un des loubards en danger de mort. Une fois le film passé, je l'ai vite oublié et je suis passé à autre chose. Détail intéressant, le producteur exécutif du film n'est nul autre qu'Ivan Reitman qui huit ans après DEATH WEEK allait mettre en scène le classique du cinéma de fantôme comique : GHOSTBUSTERS (Aka S.O.S FANTÔMES).
DEATH WEEK END n'était pas le seul film d'invasion de domicile présenté au Festival, loin de là. Deux autres films présentés cette année découlaient directement de ce genre : KIDNAPPED de même que KNIFEPOINT et parmi les films que j'ai vus, au moins une demi-douzaine avait une ou des scènes d'invasion même s'ils appartenaient à d'autre genres : ATTACK THE BLOCK, HELLDRIVER, DETENTION, DON'T BE AFRAID OF THE DARK, LITTLE DEATH et SINT.
THE WOMAN (BA) est un cas un peu spécial dans lequel la prémisse habituelle du film d'invasion se trouve inversée : au lieu de cannibales s'attaquant à une famille, il présente plutôt « une » cannibale capturée et retenue prisonnière par une famille. Or, derrière une façade de normalité bien américaine, il s'avère, petit à petit que cette maisonnée est en fait passablement tordue. C'est ainsi que le père derrière son look d'un monsieur tout le monde bien bonasse est un tyran pervers dont la personnalité déteint sur le fils et écrase tant sa femme que sa fille.
La tension dramatique sur laquelle repose le film est donc double : d'une part il y a le climat de menace suscité par la présence de la captive, véritable fauve qui bien qu'enchaînée attend son heure. D'autre part, il y a le climat de malaise oppressant suscité par la tyrannie « soft » du pêre qui va en s'accentuant au fur et à mesure que sa perversité se communique à son fils encouragé par l'arrivée d'une proie en apparence facile : la captive cannibale. Bref, THE WOMAN oppose la férocité animale contre la dépravation du civilisé.
Naturellement le film se dénoue dans une orgie de violence cathartique des plus gore avec visages déchiquetés, corps dévorés et cœurs arrachés. Jusqu'à cette fin sanglante toutefois le film a presque toujours évité la violence graphique, se concentrant à la place à créer une atmosphère de tension et de malaise sous-entendue ce qui fait ressortir davantage les brefs moments de brutalité verbale ou physique que le père afflige épisodiquement à sa famille lorsqu'il est contrarié. Sean Bridgers est excellent dans son rôle de père dénaturé comme sont le restant des acteurs jouant sa famille, du fils « contaminé », à la mère docile en surface mais chez qui un vague sentiment de révolte et de répugnance commence à se fait sentir. Et puis il y a l'interprétation viscérale de Pollyana Mcintosh en femme fauve au regard de braise. Excepté pour quelques effets de style ici et là, la mise en scène fait plutôt TV mais c'est une approche qui convient parfaitement pour capturer le jeu de chacun des acteurs. Des pauses silencieuses, l'emploi du non-dit, du hors champ et une trame musicale discordante contribue également a crée l'atmosphère particulière du film.
THE WOMAN est l'adaptation de la troisième partie d'une trilogie des cannibales rédigée par Jack Ketchum spécialiste du genre d'horreur littéraire appelé « Splatterpunk » dont une autre œuvre adaptée THE GIRL NEXT DOOR avait été présenté à Fantasia en 2007. C'est l'un des producteurs de ce film Andrew Van Den Hoten qui aura également produit THE WOMAN. Le réalisateur du film est Lucky McKee qui a déjà produit et co-réalisé d'autres œuvres de Ketchum. Un de ses films antérieurs : THE WOODS a été présenté à Fantasia en 2006. C'est Ketchum lui-même qui a rédigé l'adaptation de THE WOMAN et en fait la sortie du film et la publication du livre se sont fait simultanément. Ayant manqué THE WOMAN lors de son passage à Fantasia, j'ai visionné le film ultérieurement avec OFFSPRING adaptation du deuxième roman de la trilogie pour faire bonne mesure (le premier roman n'ayant quant à lui jamais été adapté). OFFSPRING s'avère beaucoup plus typique en tant que récit d'invasion de domicile que THE WOMAN, et semble plutôt tenir du HILLS HAVE EYES de Wes Craven, bien qu'un des personnages, un salaud abuseur de femme, préfigure le personnage du père dans THE WOMAN. Le film introduit également le personnage de la cannibale jouée par Polly McIntosh.
Sans être complètement parfait, (à cause notamment d'un retournement soudain sorti presque de nulle part), THE WOMAN demeure un film d'effroi implacablement dérangeant qui renouvelle audacieusement la démarche du film d'invasion de domicile et du torture porn. Ce n'est peut-être pas du goût de tout le monde toutefois, puisque le film a fait scandale lors de sa présentation au Festival de Sundance (une spectatrice ce serait même évanouie) par contre il a également rapporté quelques prix à d'autres événements notamment au Festival du Film Fantastique de Starbourg. De tous les films MIA, c'est le meilleur. |