Gordon Chan: Oui. Et j'ai commencé à travailler dans le Groupe Dickson (D&B). J'ai fait une comédie pour John Sham. J'ai écrit le scénario de Heart to Hearts (1988) avec George Lam et Dodo Cheng. Mais ils ne trouvaient pas de réalisateur pour le tourner parce que c'était une comédie à la Woody Allen qui ciblait la classe moyenne. Personne ne faisait ce genre de films à HK. Nous avons donné le scénario à deux ou trois réalisateurs mais tous ont refusé de le faire. Ils pensaient que cela serait un flop
au box office. Mais George Lam a insisté, il tenait à jouer cette comédie. C’est alors que Stephen Shin, le directeur [de D&B], a voulu que j’essaye de le faire moi-même. C'était mon histoire et il m’a alors dit : "Tu es le seul à comprendre l'histoire aussi bien et depuis le temps que tu es sur les plateaux, tu as l’expérience qu’il faut." Une chose que je ne pensais pas avoir mais c’est lui qui m'a donné cette opportunité : "Pourquoi tu ne filmes pas toi-même ?"

Heart to Hearts
En fait, je n'ai pas accepté tout de suite. J’ai demandé conseil à Yuen Woo Ping parce que j'écrivais aussi pour lui. C’est lui qui m'a poussé à le faire, j'ai finalement donné mon accord. Mais comme personne ne me connaissait, ils ont mis le nom de Stephen Shin en tant que réalisateur et c’est lui qui a dû supporter toute la pression. Ils m'ont nommé second réalisateur. Tout le monde pensait que
le film serait un fiasco - même lorsqu’il était terminé. Finalement, il a engendré un chiffre d'affaires de 26 millions de dollars HK au box-office [Heart to Hearts a engendré 24,6 millions HKD en 51 jours entre le 25/08/88 et le 14/10/88, ndlr] et le film a coûté seulement 3 millions HKD. Cela a tout changé ensuite.
Je ne suis même pas allé à l'avant-première. J'ai fini le film, fait le montage puis j’ai dit à Stephen de faire ce qu'il en voulait. J'ai cru que j'étais fini. J'ai fait mon sac à dos puis suis parti en France, en Belgique, en Suisse. J’ai fait le tour de l'Europe. C’est une fois à Londres que j'ai su combien avait rapporté le film alors qu’il était sorti au même moment que le film de Ringo Lam, School on Fire. Lam était alors considéré comme
l'un des meilleurs réalisateurs. Tout le monde a pensé que j’étais fini et que je devais retourner à l'écriture [au lieu de réaliser]. [School on Fire a seulement engrangé 13,7 millions HKD en 27 jours entre le 20/08/88 et le 15/09/88, ndlr]

Heart to Hearts
C'est comme ça que de l'écriture je suis passé à la réalisation. En fait, je me disais que si on voulait que je réalise, je le ferais mais je continuais surtout à écrire. Je n'ai jamais arrêté d'écrire. Même après avoir réalisé mon troisième film [Brief Encounter In Shinjuku]. J'ai même donné un coup de main à deux ou trois types en faisant des premiers jets. Puis j'ai écrit pour Corey Yuen et Jet Li, pour The Bodyguard from Beijing (1994). Nous voulions trouver une manière de transposer Jet Li dans la société moderne. Vous savez, le type qui fait du kung fu, ce qu’il peut faire ici. Au lieu de prétendre qu’il était de Hong-Kong, on a créé un personnage de Chine populaire. |