HKCinemagic : La musique de Comfort Chan Kwong-wing est envoutante. Comment avez-vous collaboré ensemble ? |
Nicholas Chin : Comfort Chan [le compositeur de la bande originale de la trilogie Infernal Affairs, ndlr] est très demandé donc nous savions tous deux que notre temps était limité quand on a commencé. Donc nous avons décidé d'aborder la musique de façon différente. On souhaitait avoir le sentiment d'une musique jouée en directe, comme les orchestres live des films muets, donc on a recréé cela en studio. On passait de longues scènes sur l'écran et Chan jammait dessus, improvisait au fur et à mesure que la scène se déroulait. On explorait ce qui marchait bien et on enregistrait constamment. Plus tard, il a fait quelques retouches avec certaines prises qu'on a utilisées dans le film. J'adore travaillé de cette façon ! C'est rafraîchissant et cela libère le style. |
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HKCinemagic : Magazine Gap Road est un film élégant et ressemble à peu de films de Hong Kong. La production value est excellente. Pourquoi avoir opté pour ce genre de visuels, puisqu'un tel niveau de sophistication est rare dans les films indés ? |
Nicholas Chin : Merci, c'était une des questions qu'on se posait lorsque l'on a commencé : Pourquoi tous les films indés devraient se ressembler visuellement ? |
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HKCinemagic : La coloriste Deborah Huen, qui avait travaillé sur Happy Together et sur In The Mood For Love, a donné au film ce look spécial en réhaussant les couleurs ultra-saturées. Dîtes-en nous plus sur ce choix visuel. |
Nicholas Chin : Il y a eu une erreur dans le dossier de presse -- Deborah s'est occupée de la couleur dans My Blueberry Nights et NON PAS Happy Together ou In the Mood for Love. Elle est très talentueuse et nous avons passé énormément de temps sur la couleur du film. Personnellement pour moi, la couleur est un plaisir visuel, elle peut émouvoir et c'est une des raisons pour laquelle on va au cinéma. Pour donner au film cette froideur distincte et cette richesse, il nous a fallu travailler sur les bleus et les pourpres, des couleurs qui sont apparues lors du tournage sur certains lieux et qui ne faisaient pas parties de notre gamme de couleurs initiales. Elles ont donné le ton pour toute l'ambiance du film. |
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HKCinemagic : Pensez-vous que le visuel de votre film pourrait évoquer les films de Wong Kar Wai ? |
Nicholas Chin : C'est un maître et un original. Il y a une complexité et une sophistication visuelle dans chacun de ses plans de ses films qui appartient autant à la peinture qu'au cinéma. J'ai une formation en histoire de l'art, et j'ai toujours senti qu'il était autant un peintre qu'un réalisateur. |
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HKCinemagic : Une critique a dit que le film était un drame froid, manquant de chaleur. Vouliez-vous donner consciemment ce ton au film ? |
Nicholas Chin : Magazine Gap Road se situe dans une partie de HK, au-dessus du centre ville, qui s'appelle le Peak, et c'est un monde très différent là-haut, pleins d'endroits de rencontre discrets, de demeures recluses et de gardes. Ca a son propre style, mais au final, c'est plutôt stérile, sans autant d'émotions que dans les rues fréquentées d'en dessous. Je voulais capter cette froideur glacée et montrer une autre facette de cette ville que j'aime. |
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HKCinemagic : J'ai lu que vous étiez également inspiré par Max Ophuls. De quelle manière ? |
Nicholas Chin : J'ai vu et revu beaucoup de films d'Ophuls quand j'écrivais le script. J'adore la juxtaposition de couches, de beautés, les valses de Vienne, les robes de bals, etc. Mais sous cette beauté, les histoires sont brutales et concernent des personnages battus par l'amour. |
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HKCinemagic : Quelles ont été vos sources d'inspiration pour le film ? Le film a un sorte d'atmosphère de polar. Comment avez-vous conçu cela ? |
Nicholas Chin : J'aime Paul Schrader. Ses films sont de vrais polars mais sont très contemporains, ce ne sont pas de simples polars. J'ai beaucoup regardé ses films comme Light Sleeper (1992), Comfort of Strangers / Etrange séduction (1990) et American Gigolo (1980). J'ai réalisé beaucoup plus tard qu'en changeant la couleur sur votre poste de télévision, ces films pouvaient avoir l'air de dater des années 1940. |
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HKCinemagic : Vous avez écrit le script vous-même. Avez-vous utilisé votre expérience personnelle pour créer ces personnages ? |
Nicholas Chin : Je connaissais une des ces ex-maîtresses à HK. Je l'ai rencontrée bien après qu'elle ait quitté ce milieu. Mais un jour, quand nous étions ensemble, elle a reçu un coup de fil d'une de ses amies qui était toujours dans ce milieu. J'ai écouté leur conversation et j'étais surpris de la façon complétement différente dont mon amie parlait à ce moment, plus dure, plus froide. Et la fille à l'autre bout du fil avait des problèmes.
J'étais fasciné par la dualité entre mon amie que je connaissais et la personne que je voyais pour la première fois, celle qu'elle avait été dans sa vie passée. Ma vision des choses était immature alors, très noir et blanc. Prostituée, c'est mal, un membre distingué de la société, c'est bien. Mais après avoir entendu leur échange cet après-midi-là, j'ai réalisé que ce n'était pas si simple. Je voulais explorer ces zones de gris.
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