Patrick Tam : C’est mon huitième film. Les sept premiers ont été réalisés il y a dix sept ans, et j’avais exprimé mes réserves sur mes travaux passés car je ne m’impliquais pas profondément sur les personnages ou les émotions. Je vois maintenant mes travaux précédents comme des exercices pour apprendre le cinéma. J’essaye d’expérimenter le langage cinématographique dans mes films. Je ne suis pas particulièrement intéressé par le sujet des précédents films, à part peut-être NOMAD (1982). A cette époque, je ne passais pas beaucoup de temps sur le scénario à cause des conditions de production. J’étais toujours pressé, et je n‘avais pas de temps suffisant pour le peaufiner avant le tournage.
AFTER THIS OUR EXILE est différent. La première version du script était complètement terminée avant le tournage, il y a dix ans en fait. Dans ce film, je tente de me focaliser sur les personnages, car je m’aperçois de mon manque de compréhension ou de recherche sur mes personnages dans mes précédents films. J’étais distrait par le visuel et le langage cinématographique, ce qui ne suffit pas pour faire un bon film. Alors j’ai tenté de rééquilibrer cela dans AFTER THIS OUR EXILE. Depuis je passe beaucoup de temps sur le script et je comprends absolument ce qui se passe, je me concentre plus sur les personnages. Bien sûr, il y a toujours mon style. Ce n’est pas que je ne me concentre que sur les personnages et ignore l’aspect visuel. Je vois plus cela comme un équilibre -- comme la chair et le sang – l’équilibre entre la forme et le fond, qui peuvent être associés avec de l’émotion. C’est pourquoi ce film fut une expérience heureuse.
Le livre qui m’inspire le plus est celui de Robert Bresson : « Notes sur le Cinématographe ». Son second paragraphe, son point de vue essentiel est mon slogan : « vous devez être précis dans chaque détail ». Car quand vous créez un travail, il faut faire attention à la structure et au positionnement de tous les éléments artistiques --musique, lumière, jeu, tout. Vous devez placer tous ces éléments, les intégrés, structurés et positionnés aux bons endroits de la structure complète. Comme une machine, si cette vis n’est pas au bon endroit, la machine ne fonctionne pas. Je suis donc méticuleux. C’est une bénédiction si j’ai pu contrôler 90% des éléments sur ce dernier film. Je laisse 10% aux accidents. Je planifie tout. J’ai déjà tout le film en tête avant le début du tournage. Je suis assez heureux du résultat. Il se peut qu’il y ait encore quelques défauts ou quelques scènes qui auraient pu être meilleures, mais je ne vais pas vous en parler. Il y a une ou deux scènes où l’impact émotionnel ne donne pas exactement ce que je souhaitais. Elles pourraient être plus fortes ou plus précises, mais cela reste assez proche de ce que je voulais faire.
Cela m’a seulement pris un mois et demi pour terminer le montage intégral du film. Car je devais organiser tous les plans au préalable, la mise en scène est très importante pour moi. C’est l’âme du travail cinématographique. J’ai passé beaucoup de temps à trouver les lieux de tournage. Je n’ai pas laissé le producteur conseiller des endroits. J’y suis allé moi-même avec l’équipe, pour dénicher ces lieux. Je connais la Malaisie depuis 1995, j’aimais chaque endroit. J’aime vraiment ces lieux. Si je n’avais pas travaillé sur le film, j’y serais resté. Vous n’utilisez pas un lieu avec légèreté pour votre film ; vous devez le ressentir. J’ai étudié chacun de ces endroits pendant longtemps, réfléchissant à différents angles, avec la mise en scène en tête, comment j’allais bouger la caméra, de quel angle je filmerais l’architecture. C’est bien préparé. Je n’utilise pas de story-board. Je n’en ai pas besoin. Je prends juste des notes et fais une liste des plans. C’est très précis en fait. Quand on arrive au montage, j’assemble tout cela. Je ne fais pas de montage préliminaire. Je fais le montage final de chaque scène dès le départ.
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