Patrick Tam : Je suis allé à Kuala Lumpur en Malaisie en 1995 pour un échange car j’aime les tropiques, et je travaillais dans une société de production pour établir un département cinéma. Il n’y avait pratiquement pas d’industrie du film en langue chinoise en Malaisie. A cette époque, nous espérions développer une industrie du film là-bas -- même petite. La première chose était de former les Chinois malaisiens à l’écriture de scripts. J’ai dirigé une bibliothèque de film avec laserdiscs et vidéo cassettes de films classiques pour leur faire découvrir le cinéma mondial. Comme la Malaisie est un pays à influence islamique, un certain nombre de grands films du cinéma mondial aux thèmes osés y est difficile d’accès. Nous regardions un film chaque jour -- systématiquement, une rétrospective chronologique de Pier Paolo Pasolini ou d’Alfred Hitchcock -- et nous en faisions une critique. Cela a créé une très bonne émulation artistique en classe. Je discutais en tête-à-tête avec chacun de mes étudiants. Après plusieurs mois, nous nous arrangions pour terminer approximativement vingt scénarios qui pouvaient entrer en production le lendemain.
AFTER THIS OUR EXILE provient du premier groupe de scénarios de cette classe. L’idée originale vient de mon élève, Tian Kai-Leong, qui a collaboré avec moi sur ce film. Il eut cette idée après avoir lu un article de journal sur un père malaisien qui forçait son fils à cambrioler les maisons. Nous sommes donc partis de cette histoire et nous avons créé les personnages, développé les détails, les scènes, et la première version du script fut terminée en 1996.
Dans le moment qui suivait, nous n’avions pas d’emploi du temps pour la production, car nous avions besoin d’un financement. Après la crise économique asiatique de 1997, la société abandonna donc l’idée de développer plus en avant ce projet.
En 2001, je fus invité par la City University de Hong Kong pour revenir enseigner. J’y ai rencontré mon collègue Philip Lee, qui fut le producteur associé de CROUCHING TIGER HIDDEN DRAGON (Tigre et Dragon) (2000) le producteur de HERO (2002) et celui de LARA CROFT TOMB RAIDER: THE CRADLE OF LIFE (2003), qui avait l’expérience des productions étrangères. Il voulait développer quelques projets avec moi, je lui ai donc présenté le scénario d’AFTER THIS OUR EXILE, et c’est de cette façon que tout a démarré.
Andy Lau s’y est intéressé, nous avons démarré la pré-production courant 2003. Je suis retourné en Malaisie en vacances pour le repérage des lieux. Cependant, Andy Lau s’est retiré, donc nous n’avons pu continuer. En 2003, nous avons commencé à remanier le scénario. En 2005, quand nous avons débuté la production, nous étions déjà à la cinquième version du script.
Nous avions eu beaucoup de temps en classe en Malaisie pour faire évoluer le script. Ce n’était pas comme à l’université où les étudiants devaient assister à toutes sortes de cours. C’était uniquement un cours d’écriture de scénarios. Les scénaristes travaillaient du lundi au vendredi, comme s’ils allaient au travail, et la compagnie les rémunérait. Ils étaient sous contrat. Ils ont eu beaucoup de temps pour travailler sur le script. Ce fut vraiment positif. Chaque script comprenait 400-500 pages -- très détaillé et précis -- car la précision est quelque chose que je considère comme primordial dans n’importe quel travail artistique.
La cinquième version du script comporte 135 scènes, et la plupart sont de longues scènes. Pendant la production, je savais que si je filmais le scénario dans sa totalité, le film aurait duré quatre ou cinq heures. Mark Lee, le caméraman, a dit que c’était très probable que le film puisse durer six heures, alors je me suis débrouillé pour condenser quelques scènes et couper celles qui n’étaient pas d’une absolue nécessité. Durant le tournage, nous sommes parvenus à condenser pour avoir 90 scènes. Quand je suis retourné à Hong Kong pour le montage, il restait encore dix scènes à bord d’un bateau. Au tout début du film, le père emmène le fils en croisière tandis que la mère reste à la maison. En fait, il y avait une séquence entière sur le bateau. Le fils rencontre un vieux musicien de jazz. Le père est toujours au casino, le fils est alors seul à déambuler sur le pont. Il rencontre un vieux musicien, qui a un faible pour l’enfant et le prend en charge. Je voulais montrer une alternative au père du garçon. Si le garçon avait eu un père comme ce musicien, il se peut qu’il aurait suivi une voie différente et saine. Avant de tourner cette séquence à Hong Kong, j’avais déjà commencé le montage, et je savais que si je filmais cette séquence, le film aurait duré trois heures et demi, donc nous ne l’avons jamais fait.
Tony Leung Ka Fai avait été choisi. Même sans jouer le rôle principal, il était prêt à jouer le musicien de jazz. Je lui dois une faveur, et des excuses, pour l’abandon de cette séquence complète.
Ce que vous avez actuellement dans la version longue (160 minutes) n’a que 76 scènes ; presque la moitié est partie, mais c’est toujours presque trois heures. Pour moi, chaque scène que vous voyez dans la version complète et finale est nécessaire et essentielle.
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