Les prises de rendez-vous pour des entretiens avec les acteurs, au sens large, de l’industrie cinématographique hongkongaise réservent en général des surprises. C’est la roulette russe. On peut être vite servi et accueilli, en moins de 24 heures, ou au contraire, laissé pour compte des semaines avec une remise des rendez-vous ad vitam æternam. Cela reste compréhensible quand on sait à quel point les réalisateurs, acteurs et producteurs locaux sont encore fort occupés, malgré une baisse quantitative et qualitative de la production filmique annuelle.
Quand nous avons contacté Mega-Vision Pictures (MVP), la société de production de Wong Jing, pour une interview, nous ne nous attendions pas à un miracle. La surprise a été grande. Non seulement, la demande a été traitée avec le plus grand sérieux, mais Wong Jing nous a casé au plus vite dans son emploi du temps ultra chargé, après son retour à HK d’un voyage d’affaire.
A notre arrivée à Kwun Tong, dans les locaux discrets et sécurisés de MVP, Angela, la sœur de Wong (au gabarit familial) et productrice de plusieurs de ses films, fut très accueillante et prévenante. Wong Jing lui-même fut sérieux comme un pape. Le réalisateur de High Risk, Boys Are Easy, Future Cops et Raped By An Angel est professionnel, ouvert, franc et prêt à répondre à toutes nos questions.
Avec sa logique imparable, Wong explosa gentiment toutes les idées préconçues que l’on avait de lui, et que probablement bons nombres de fans avaient aussi. Wong est un professionnel qui envisage son métier de façon sérieuse. II ne cherche ni le glamour, ni la fortune, ni les jolies filles, bien que ses films commerciaux puissent laisser penser le contraire. C’est très étrange comme sentiment. Pour Wong, il est un travailleur normal dans une industrie normale. Mais vu du côté des spectateurs cette industrie engendre, du divertissement, des stars, révèle des potins et enrichit certains chanceux. Wong semble complètement au-dessus de tout cela.
Il sait pertinemment qu’un film doit faire de l’argent pour contenter les financiers, et il ne s’en excuse pas. Wong se dit expert dans le film commercial mais débutant lorsqu’il s’agit d’art et essai. Son but ultime étant de faire plaisir au spectateur local (il ne fait pas de films pour l’export), avec une budget moyen ou petit. Sur un tournage, il souhaite avant tout passer un bon moment avec son équipe et ses acteurs. S’il tient à toujours rentrer dans les frais d’un moyen budget, il ne cherche jamais le gros hit qui l’enrichira d’un coup.
Ses films, aussi débiles qu’ils puissent être, sont faits d’une façon la plus économique possible et de manière raisonné (il est LE SEUL à utiliser les études de marché et les chiffres) pour attirer le plus grand nombre de spectateurs. En entertainer (amuseur), Wong est le cinéaste de films populaires par excellence avec ses comédies, ses mélos à l’eau de rose ou ses films violents et parfois tout en même temps dans un joyeux foutoir cinématographique. Il y a du bon dans sa filmo, mais aussi du mauvais et du très mauvais. Le point commun entre tous ses films est que l’on passe toujours au moins un moment agréable et divertissant (que ce soit 1 minute ou 90 minutes). Le grand n’importe quoi made in Wong Jing a déjà conquis de nombreux fans à travers le monde.
Cinéphile et cinéphage, Wong a commencé dans le cinéma il y a plus de trente ans. Grand ami de Chu Yuan, il a appris à ses côtés à contrôler les acteurs et actrices et à négocier avec les producteurs. Au fil des ans, il a développé des genres devenus incontournables, comme la comédie non-sensique « moleitau » avec Stephen Chow (Fight back to School) ou le film de jeux d’argent avec Chow Yun Fat (God of Gamblers). Il a aussi exploité pas mal le filon Category III et les jeunes filles à forte poitrine et le moins vêtu possible.
Wong a aussi souvent intégré dans ses films beaucoup d’aspect de la culture populaire de HK et même mondiale, des jeux vidéo aux mangas, en passant par les publicités locales ou les films nationaux et internationaux. Les scènes de films cultes « volées » se retrouvent en pagaille chez Wong, de Terminator 2 à Basic Instinct… au grand dam de certains. Mais Wong, le dieu du recyclage, et parfois du mauvais goût, s’en fout. Il ne s’excuse pas et reste l’homme le plus insouciant de HK. Un homme à la grande gueule. Ce qui lui a quand même valu des côtes cassées (certains déboires avec les triades sont de notoriété publique, alors que d’autres lui prêtent des relations plus étroites avec celles-ci).
Certains de ces points ont été évoqués lors de notre entretien qui a duré prés d’une heure. A peine les questions finies et les deux photos prises, l’homme a sauté dans la pièce d’à côté pour enchaîner sur une réunion de production. Il ne perd pas de temps le bougre. Le temps reste toujours de l’argent à HK.
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Wing Jing : Non, en fait j’ai commencé ma carrière sans faire équipe avec mon père. J’ai ainsi débuté en écrivant pour un spectacle de variétés et comme scénariste pour des comédies à la télévision. Après cela je suis devenu scénariste pour des séries télé en tous genres. Ensuite, après beaucoup de shows télés populaires, j’ai débuté dans le cinéma et ai réalisé des films depuis 1980.
J’ai commencé comme scénariste, ensuite je suis passé directement à la réalisation. Je n’avais pas le temps d’être assistant réalisateur (AR). Normalement à Hong Kong, vous devenez réalisateur après avoir été AR. Mais parfois un acteur ou un chorégraphe célèbre peut devenir réalisateur [directement].
Wong Tin Lam, le papa de Wong Jing entouré de Tony Leung Chiu Wai et Lam Suet dans The Longest Nite
Mon premier film fut The Challenge of the Gamesters produit par la Shaw Brothers. Après cela, j’ai réalisé presque 90 films et produit plus de 150 titres, et j’en ai écrit beaucoup d’autres.
En réalité, je n'ai pas été l'élève de mon père [Wong Tim Lam est par contre le mentor de Johnnie To et de Ringo Lam, ndr]. Je n'ai jamais rien appris de lui. J'ai appris par moi-même et auprès d'autres réalisateurs. J'ai aussi beaucoup appris des films d'autres réalisateurs tels que Chu Yuan. Mais je n’ai pas été son élève. J’ai regardé les films de Chu Yuan et parfois je posais des questions, comme : « Pourquoi faites-vous comme cela ? » ; « Quel est votre but ? » ; « Comment faites-vous cela ? » Ce genre des choses.
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