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Le dernier homme : Interview Johnnie To (mars 2008)
La relève à HK et les projets de To 1/1 - Page 12
Infos
Auteur(s) : David-Olivier Vidouze
Arnaud Lanuque
Van-Thuan LY
Date : 9/3/2008
Type(s) : Interview
 
 Liens du texte  
Personnes :
Edison Chen Koon Hei
Ringo Lam Ling Tung
Johnnie To Kei Fung
Tsui Hark
Jean-Claude Van Damme
John Woo
Films :
Breaking News
Filatures
Infernal Affairs
Mad Detective
The Sparrow
Triangle
 
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 Notes  
Sincères remerciements à :

MILKYWAY IMAGE :
- Johnnie TO
- Shawn DING Yun Shan

CTV INTERNATIONAL :
- Marie-Christine FONTAINE
- Tristan TRAMONI

LA CINEMATHEQUE FRANCAISE :
- Sylvia PEREIRA
- Elodie DUFOUR
- Xavier JAMET
- Jean-François RAUGER


HKCinemagic : On peut lire un peu partout que vous avez un projet de film avec Alain Delon.
Johnnie To : Alain Delon était mon idole quand j’étais jeune. J’allais voir ses films au cinéma. Du coup, sans le savoir, j’ai vu bien des films de Jean-Pierre Melville. J’ai pu rencontrer Alain Delon récemment. On a évoqué la possibilité de faire un film ensemble. [ndlr : Depuis, Alain Delon aurait quitté le mystérieux projet qu’il avait avec Johnnie To. Il aurait été remplacé par… Johnny Hallyday.]
 
HKCinemagic : S’agit-il du remake d’un film de Jean-Pierre Melville, Le Cercle Rouge ?
Johnnie To : Non, absolument pas. Le remake du Cercle Rouge est un de mes projets, mais Alain Delon n’y est pas associé. Je suis à la recherche d’un bon scénario pour concrétiser mon rêve de travailler avec Alain Delon…
HKCinemagic : Vous avez été tenté de partir à Hollywood ?
Johnnie To : Il y a quelques années, à la suite de Tsui Hark, Ringo Lam ou John Woo, j’avais moi aussi reçu des propositions hollywoodiennes. L’agence CAA notamment m’avait fait parvenir quelques scénarios dont celui de Collatéral. Ces scénarios ne me plaisaient pas vraiment. Et je ne me sentais pas prêt. Je ne voulais pas non plus abandonner l’industrie du cinéma de Hong Kong alors en grande difficulté ; je voulais rester pour faire quelque chose qui aiderait notre cinéma à se relever. On m’a aussi proposé de travailler avec Jean-Claude Van Damme. Il semblait être un passage obligé pour les cinéastes chinois qui voulaient réussir à Hollywood. Quand j’ai vu ses films avec Tsui Hark et John Woo, j’ai préféré décliné l’offre.
 
HKCinemagic : Il semblerait que certains de vos films vont faire l’objet d’une adaptation américaine. Aurez-vous votre mot à dire ?
Johnnie To : Je considère que cela n’a plus rien à voir avec moi. J’ai réalisé mes films, mon travail est terminé. Ceux qui vont réaliser les adaptations de mes films devraient avoir leur propre style ; ils ne devraient pas refaire du Johnnie To !
 
HKCinemagic : Hollywood essaie d’imiter le cinéma hongkongais : il débauche ses meilleurs artistes, il fait des remakes [Ndlr : Les Infiltrés de Martin Scorsese est une adaptation de Infernal Affairs], mais il reprend également ses figures de style. Que pensez-vous de ce phénomène ?  
Johnnie To : Le cinéma de Hong Kong a toujours su s’inspirer des autres cinématographies. Aujourd’hui, c’est au tour du cinéma hollywoodien ou européen de s’inspirer de notre style. Je trouve que c’est une bonne chose. Le cinéma est composé d’influences mutuelles. Il y a un échange permanent d’idées entre différents pays et différents cinéastes. Ce qui prouve que c’est un art vraiment universel. Au cinéma, on n’a pas besoin de parler la même langue pour communiquer. L’art cinématographique en lui-même ne connaît aucune frontière.  
HKCinemagic : Vous avez rencontré Jia Zhangke récemment…

Johnnie To : Oui. J’adore le cinéma de Jia Zhangke ! Quand j’ai découvert ses premiers films, j’ai vraiment été impressionné. Il sait si bien composer ses plans. Les séquences de ses films sont longs et lents. Sur le moment, on se dit « mais il pourrait faire plus court quand même ! », et puis on se rend compte que les images restent dans notre tête longtemps après ; on y repense avec ravissement. Il sait raconter les histoires, il sait nous toucher.

J’ai été très ému par Still Life : c’est un témoignage bouleversant sur la disparition d’une ville, d’une culture, d’un passé. Jia Zhangke sait très bien décrire la détresse de ces gens qui ne savent plus où aller. J’ai aussi été très agréablement surpris par les éléments fantastiques du film : ah ! cette construction qui décolle comme une fusée ! C’est étonnant ! Les plans du film sont vraiment très beaux. Je trouve dommage qu’il ait tourné ce film avec une caméra video HD par manque de moyens. Si on s’était connus avant le tournage de ce film, je lui aurais fourni une vraie caméra de cinéma avec de la pellicule argentique ! L’image aurait été vraiment splendide.

 
HKCinemagic : Vous étiez l’un et l’autre à Venise en 2006 [ndlr : Johnnie To y présentait Exilé et Jia Zhangke Still Life. Jia Zhangke a remporté le Lion d’or avec son film.]
Johnnie To : Oui, et c’est à Venise cette année-là que nous nous sommes rencontrés. Mais je n’avais pas vu Still Life au Festival de Venise. Je l’ai vu plus tard, à son avant-première à Hong Kong. Pour moi, Jia Zhangke est sans doute le plus talentueux des jeunes cinéastes chinois. Certes, les gens comme Wang Xiaoshuai [ndr : auteur entre autres de Beijing Bicycle et de Shanghai Dreams] ou Zhang Yang [ndlr : auteur de Shower et de Getting Home] ont aussi fait de très beaux films, mais je pense que Jia Zhangke sort vraiment du lot, qu’il est un cinéaste tout à fait exceptionnel.
 
HKCinemagic : Vous avez des projets en commun, il paraît ?
Johnnie To : Oui ! Je vais bientôt produire un film d’époque de Jia Zhangke. Il y a quelques temps, on m’a envoyé les épreuves d’un roman écrit par un Taiwanais. Il s’agissait d’un récit d’aventures qui se déroulait sous les Qing [dynastie mandchoue, 1644-1911]. J’en ai parlé à Jia. Il a lu le roman… et en a fait une adaptation très personnelle ! C’est devenu une œuvre de Jia Zhangke ! Le titre provisoire de ce projet est « Zai Qing Chao / A l’époque des Qing ». Les premières réunions de travail auront lieu à mon retour à Hong Kong. Jia Zhangke réalisera le film, que je produirai.
 
HKCinemagic : Votre avis sur « l’affaire Edison Chen » [ndlr : Au début de l’année, un scandale retentissant a eu lieu à Hong Kong : les internautes ont découvert une série de photos d’Edison Chen en plein ébats amoureux. Sur ses photos, on a pu reconnaître certaines vedettes féminines du show- biz] ? Ça pourrait donner matière à un film ?
Johnnie To : On pourrait sans doute en faire un film, mais ce ne sera certainement pas un film de Johnnie To (rires).
HKCinemagic : Dans Breaking News, vous avez évoqué l’influence des médias. Cette affaire Edison Chen pourrait être une continuité dans votre réflexion sur le sujet !

Johnnie To : D’accord, mais cette affaire Edison Chen est vraiment trop petite pour que je m’y intéresse. [ndlr : clin d’œil au titre chinois de Breaking News : « Dai Si Gin », qui signifie littéralement « La Grande affaire »]

Mon point de vue sur cette affaire des photos d’Edison Chen ? Pour moi, l’important n’est pas dans ces photos, mais plutôt dans le fait que cette affaire révèle un changement d’époque. Nous devons en être conscients et y faire face. L’affaire Edison Chen est apparue sur le Net. L’Internet est une chose récente, mais force est de constater que son pouvoir d’influence est devenu vraiment immense. On ne peut pas le comparer au pouvoir d’influence de la presse traditionnelle. On n’arrive pas encore à imaginer l’influence du Net sur la société. C’est quelque chose qu’on n’a encore jamais vue dans l’histoire de l’humanité. On ne sait toujours pas comment établir les règles du bon fonctionnement de l’Internet. Cette affaire Edison Chen nous donne l’occasion de nous poser des questions sur l’usage du Net, sur son devenir : est-ce un bon outil ? quels sont ses effets négatifs ? Pour moi, ce questionnement est beaucoup plus intéressant que le scandale en lui-même.

Concernant Edison Chen et les filles qu’on peut voir en photos sur le Net, disons qu’ils ont été les précurseurs d’un phénomène, à leur détriment. Bon, ils n’ont pas eu de chance, ils ont été sacrifiés dans l’avancée du Net à Hong Kong.

HKCinemagic : Le début de 2008 a été marqué par la sortie en France de quatre films que vous avez réalisés ou produits : Triangle, Filatures (Eye in the Sky), Mad Detective et The Sparrow. Vous allez continuer à réaliser et produire 4 ou 5 films par an ?
Johnnie To : Non, j’ai ralenti mon rythme de tournage. Vous verrez qu’il y aura moins de films de Johnnie To dans les mois qui viennent !
 
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