Suite au succès d'un certain Bruce Lee, il est vrai que l'industrie cinématographique de Hong Kong (et plus généralement du Sud-Est asiatique) ne s'est pas privée pour produire de nombreux films de très médiocres qualités, destinés à alimenter les cinémas de quartier du monde entier. Mais ceci n'explique pas tout. Si le cinéma d'arts martiaux en provenance de Hong Kong a été à ce point déconsidéré et méprisé, c'est surtout parce qu'il a été victime d'un système de distribution peu scrupuleux qui l'a profondément dénaturé à des fins commerciales. En effet, pour rentabiliser au maximum leurs films, les distributeurs de l'époque n'ont pas hésité à les brader. Bien souvent ils les ont affublés de doublages bâclés, les lignes de dialogue pouvaient être improvisées par les doubleurs quand les traductions n'étaient pas disponibles, leur durée était ramenée à moins d'une heure trente pour faciliter leur exploitation dans les doubles programmes et, pour couronner le tout, le distributeur choisissait des titres aussi évocateur que La dialectique peut-elle casser des briques ?, Pour une poignée de Soja ou Au Karaté t'as Karataké… Aucun film ne peut résister à un tel traitement. Et le pire c'est que tous les films y sont passés, des plus médiocres aux chefs-d'œuvre.
3 exemples de vidéo aux titres + ou - loufoques
Il est d'ailleurs à noter que ces pratiques sont loin d'avoir disparu. Les récents succès aux Etats-Unis de Jackie Chan et Jet Li notamment ont poussé certains éditeurs américains à sortir quelques-uns uns de leurs films. Là encore, au nom d'une meilleure efficacité commerciale, ces éditeurs n'ont pas hésité à modifier les bandes sons, les titres, les génériques et à réduire la durée du métrage. Il paraît même qu'ils ont choisi des doublages en fonction du mouvement des lèvres des acteurs, si bien que le sens des dialogues n'a parfois plus grand chose à voir avec la version originale. Autant dire que même si ce reformatage peut être effectué avec soin, il transforme nécessairement l'œuvre originale.
Yuen Biao le fils prodique
Le mépris que connaît le genre est donc d'un certain point de vue justifié, mais si la cinéphilie avait fait son travail, le discrédit n'aurait jamais dû condamner un genre tout entier, mais plutôt une pratique de distribution fallacieuse. Tombés dans l'oubli et le discrédit, des chefs d'œuvre du cinéma d'arts martiaux n'ont ainsi jamais eu leur chance au près du public cinéphile qui s'est satisfait de ce que la puissante Hollywood a pu lui offrir dans le cadre du cinéma de genre. Et pourtant, à l'instar des incontestables réussites que nous ont offert le western, le polar ou la comédie musicale, les arts martiaux ont donné naissance à un genre dont les ressources ont permis à certains réalisateurs de construire des œuvres aussi complexes et passionnantes que celles des cinéastes de genre occidentaux. |