Bruce Law: Je ne refuserai jamais une cascade ou film juste à cause de la difficulté. Je pourrais par contre refuser à cause de la difficulté de travailler avec le réalisateur ! Et je pense que de nombreuses équipes de films américaines qui ont travaillé avec des réalisateurs hongkongais savent de quoi je parle !
Personnellement je pense que c'est un challenge de surmonter la difficulté, c'est d'ailleurs l'objectif principal du cascadeur ! Etre un cascadeur à Hong Kong ne rapporte pas beaucoup d'argent, donc vous devez avoir une grande motivation et avoir envie de surmonter divers obstacles et challenges pour continuer à avancer.
Il est courant pour moi de me dépasser. Je suggère souvent un design de l'action difficile à tourner pour les réalisateurs. Quand nous faisions The Killer, John Woo avait seulement demandé qu'une voiture roule sur elle-même depuis un plan incliné de 1m50 de haut, je lui ai suggéré le double ! Dans Hardboiled, Chow Yun Fat utilise son fusil à pompe pour exploser une moto et saute par dessus une deuxième moto en train de glisser, lève la tête et retire durant le saut, c'était aussi l'une de mes suggestions.
Je ne crois pas vraiment au danger. Mais tant qu'à faire nous travaillons de la manière qu'on veut sans compromettre notre sécurité et l'achèvement du tournage. J'ai quitté mon équipe de cascade précédente à cause de cela. Le directeur de l'action et le réalisateur voulait un style occidental mais ne savaient rien à propos des techniques modernes et comment tourner sans mettre en danger les acteurs et les cascadeurs. Je m'en suis rendu compte et je savais que j'aurais besoin d'apprendre comment filmer l'action et être capable de montrer comment le faire en sécurité.
Mon ancienne équipe travaillait tout le temps avec un nouveau réalisateur ou un nouveau directeur de l'action, et je me souviens que pour un film ils voulaient le plan d'un acteur qui devait prendre feu en étant soûl. Nous l'avons tourné dans deux lieux distincts et j'ai risqué ma vie deux fois. La première fois s'est bien passée, la seconde je l'ai finie avec 70% de mon dos brûlé ce qui représente 20% du corps entier.
Cet accident est devenu un sujet de discussion dans l'industrie à ce moment. Après avoir été blessé personne d'autre ne voulait tenter cette scène. Je suis revenu et j'ai été capable de la finir en la séparant en deux parties. Nous avons utilisé trois caméras, toutes en haute vitesse ce qui gaspille beaucoup de pellicule. Le feu pouvait s'éteindre et beaucoup de temps était perdu. Beaucoup d'accidents qui suivirent étaient causés par des erreurs dans le processus créatif mais personne ne semblait vouloir changer la façon de travailler.
Certains réalisateurs étaient de véritables barbares ! "Je suis le réalisateur, je me fous de ta manière de procéder, je veux juste voir cet effet et maintenant !". Ils ne s'intéressaient pas à la sécurité de l'équipe de tournage, et ne voulaient pas dépenser de l'argent pour des mesures de sécurité, ils voulaient juste des résultats. Je me rappelle d'un film, The Good, the Bad & the Beauty (L'hôtesse de la violence) lorsque le réalisateur a voulu une grande scène d'explosion impliquant des bateaux et des gens qui essayaient de s'en échapper. J'ai demandé beaucoup d'équipements de sécurité qui auraient coûté plus que nos salaires, alors nous avons été remplacés par une autre équipe de cascadeurs dirigée par mon ancien patron qui a demandé des salaires un peu plus élevés, mais pas de soutien au niveau de la sécurité. Ils ont tourné mais de nombreux cascadeurs ont été blessés, et ce n'est que la partie visible de l'iceberg.
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