L'art de concevoir l'action
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HKCinemagic :
Maintenant nous pouvons parler de votre carrière en tant que chorégraphe, et il y a beaucoup à dire ! Une de vos premières apparitions au générique comme chorégraphe est Hong Kong Supermen mais je suppose que vous aviez commencé avant ? |
Tony Leung Siu Hung : Oui. C'était une production taiwanaise. Le réalisateur était, je crois, Ding... |
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HKCinemagic : Ding Sin Saai.
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Tony Leung Siu Hung : Oui! Vous le connaissez? Wow, wow (rires). Mon premier travail de chorégraphe je l'ai fait sur Tai San Tau Lung (To Kill the Big Villain in Mt. Tai (1980))
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HKCinemagic : Vous l'avez fait avec votre frère? |
Tony Leung Siu Hung : Non, j'étais seul. |
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HKCinemagic :
Donc, en fait, vous avez appris la chorégraphie d'action par vous-même ? |
Tony Leung Siu Hung : Par mon frère au début puis seul après. J'ai dû apprendre par moi-même une fois devenu adulte. Devenir chorégraphe a été mon but dès le premier jour où j'ai débuté comme cascadeur. Ça m'a pris 10 ans pour y parvenir. Ce n'est pas facile de devenir chorégraphe. Vous devez être cascadeur un moment et ensuite ça dépend de votre talent. |
Une scène d'action de Tragic Hero, chorégraphiée par Bruce Leung et Tony Leung Siu Hung
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HKCinemagic : Manifestement vous étiez assez bon ! |
Tony Leung Siu Hung : Bien sûr (rires). Je n'étais pas le meilleur mais pas le plus mauvais non plus (rires). En fait, il y a différents types de cascadeurs. Le meilleur a une bonne connaissance du Kung Fu. Vous devez savoir ce qu'est le Tai Chi, le Bao Gua et à côté de ça savoir faire des sauts périlleux. Pendant la période où je m'entraînais, j'ai appris les sauts au YMCA. Il n'y a pas beaucoup de cascadeurs qui ont appris là car c'était après le travail. J'étais le seul. Ça dépend de votre courage. Si vous devez tomber de 7 étages et que vous n'avez pas le cran nécessaire, comment pouvez-vous le faire ? Si vous faites une cascade avec du feu, vous devez vraiment avoir le courage de le faire. C'est une cascade de dingue. C'est très difficile d'être un excellent cascadeur. A côté de vos compétences de cascadeur, la chose la plus importante pour devenir chorégraphe est votre imagination. Bien que je connaisse d'excellents cascadeurs à Hong Kong, au mieux ils seront toujours des assistants car il leur manque la créativité. |
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HKCinemagic : Comment considérez vous le travail d'autres chorégraphes comme Lau Kar Leung et Yuen Woo Ping?
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Tony Leung Siu Hung : Il est évident, quand on se réfère à leur expérience, qu'ils étaient assez talentueux pour devenir d'excellents chorégraphes. J'ai plus d'admiration pour M. Lau. C'est un vrai maître de Kung Fu. On peut reconnaître son style dans les films. En fait, vous pouvez vraiment apprendre quelque chose de ses films si vous êtes un fan de Kung Fu. |
Lau Sifu montrant son Kung Fu dans Mad Monkey Kung Fu
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HKCinemagic :
Est-ce que les chorégraphies de Sammo ont eu une influence pour votre carrière en tant que chorégraphe ? |
Tony Leung Siu Hung : A mon avis Sammo aime frapper, de vrais coups. Mais certains acteurs ne peuvent le supporter et même certains cascadeurs. Quelquefois quand ces types entendent “ok, c'est un vrai combat maintenant !” Personne ne vient ! Tout le monde est parti ! |
Sammo Hung frappé par Benny Urquiduez dans Dragon Forever
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HKCinemagic :
Donc vous préférez un style moins agressif ? |
Tony Leung Siu Hung : Agressif ça va, c'est acceptable mais ça dépend. Par exemple, je peux frapper comme ça. [Tony effectue un coup de poing rapide] Quand vous êtes entraîné physiquement et techniquement, comme un type qui fait du Tae Kwon Do ou du Karaté par exemple, en vous protégeant vous pourrez encaisser les coups. Il n'y a pas de problème pour ces types. Mais certaines personnes ne savent pas faire ça et vous devez vous débrouiller avec. Quand je m'entraînais avec mon frère, il donnait de vrais coups (rires). Donc j'y suis habitué. Je peux le supporter. Mais ce n'est pas le cas de tout le monde (rires). |
Sammo Hung punissant Yuen Biao dans Dragon Forever
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HKCinemagic :
Le rôle du chorégraphe dans l'industrie cinématographique hongkongaise est tout à fait unique. Pensez-vous que c'est cela qui rend les scènes d'action hongkongaises tellement remarquables ? |
Tony Leung Siu Hung : Oui. Nous avons beaucoup de liberté. Les scènes d'action dépendent entièrement du chorégraphe. Nous faisons tout selon l'histoire mais la plupart des mouvements sont simulés. Par exemple, dans le Chui Kuen [Drunken Fist], je ne pense pas que c'était un combat réel. C'est imaginaire. Nous prenons 2 ou 3 aspects du vrai style et nous adaptons. C'est quelque chose que l'on ne trouve qu'à Hong Kong. Par exemple, je mets tous les mouvements de caméra en place dans ma tête. Le cameraman n'y voit aucune objection car il est habitué à recevoir mes instructions. C'est la même chose en ce qui concerne le montage. Le monteur obéit aux instructions du chorégraphe. Nous avons le pouvoir et la liberté de faire notre travail au mieux, ce qui n'est pas le cas dans les autres pays. Même si récemment, j'ai eu l'occasion de travailler hors de Hong Kong et qu'il est arrivé que le caméraman ou les producteurs acceptent de faire des concessions. Ceci car ils savent que je viens de Hong Kong et que c'est ma manière de travailler. Quand ils ont cette idée ils suivent mes instructions. Si ils veulent jute que je fasse selon le style occidental ça marche aussi pour moi ; je suis prêt à le faire. Mais c'est la différence entre les deux systèmes. |
Une scène d'action comme on en fait à Hong Kong pour King of the Kickboxer,
tourné en Thailande avec des acteurs américains
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HKCinemagic : Comment vous répartissez vous le travail avec vos assistants ? |
Tony Leung Siu Hung : Je me charge de toutes les scènes moi-même. Bien sûr, j'ai mes assistants mais c'est moi qui ai été engagé donc c'est moi qui dois laisser ma marque. De plus, mes travaux sont comme mes bébés. Tout vient de votre esprit, de votre imagination. Vous devez alors le partager avec vos assistants. C'est la même chose avec Tony Ching Siu Tung; après qu'il ait fini de travailler sur une scène d'action, à la fin c'est ce qu'il avait imaginé qui ressort. |
La scène finale de Vengeance is Mine: une des scènes les plus difficiles de la carrière de Tony Leung Siu Hung
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HKCinemagic : Vous avez conçu plusieurs grandes scènes de gunfight pour des films comme My Heart is that Eternal Roseou Long Arm of the Law 3.
Est-ce que c'est le type de scène que vous aimez spécialement concevoir ? |
Tony Leung Siu Hung : Dans toutes scènes j'utilise mon imagination pour créer quelque chose. Ce n'est pas vraiment une question de support. Ce que je constate est que plus ça parait simple plus c'est compliqué à réaliser. Comme avec la scène finale d'un film que j'ai fait avec Pat Ha [Tony Leung se réfère à Vengeance is Mine,
dont il parle ensuite].
En fait, je n'aime pas m'occuper de scènes qui mêlent gunfights et Kung Fu. Vous vous souvenez de cette scène dans Indiana Jones avec le pistolet, il tire juste sur le type (rires). Donc, vous devez résoudre le problème de l'arme avant, vous en débarrasser. Il y a seulement deux moyens, donner un grand coup de pied dans le revolver ou se trouver à court de balles. Nous n'avons pas d'autre choix... Je déteste cette partie. |
Une fusillade tirée de Long Arm of the Law III
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