HKCinemagic :
Comment avez-vous réagi quand vous avez appris la mort de Leslie Cheung ? |
R Y : J'étais à Los Angeles quand j'ai appris la nouvelle. J'ai cru qu'ils plaisantaient, c'était le 1 er avril, je me suis demandé comment ils pouvaient blaguer là-dessus… Ensuite mon caméraman m'a téléphoné pour me le dire, et j'ai été triste bien sûr mais aussi en colère. A chaque fois que j'étais avec Leslie, c'était toujours lui l'optimiste, même quand nous tournions The Bride With White Hair qui a été très difficile pour moi. Il était apaisant, me supportait toujours. Les réactions des gens sont trompeuses. J'étais en colère car il était si jeune, il pouvait encore faire tant de choses… Il était si généreux. Avant sa mort nous parlions de faire un autre film ensemble à Hong Kong. |
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HKCinemagic :
Il a eu de grands rôles dans Jiang Hu et Phantom Lover...
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R Y :
Phantom Lover est étonnant, c'est un film très personnel et avec Leslie, c'était quelque chose que nous voulions faire tous les deux, c'est pourquoi il l'a aussi produit et a écrit toutes les chansons. Quand j'ai vu le personnage de Jiang Hu j'ai pensé que ce devait être Leslie Cheung,
un personnage rebelle un peu comme James Dean. Personne n'était d'accord parce que Leslie n'était pas un artiste martial. J'ai dit « ça n'a pas d'importance tant que c'est un bon acteur, je peux utiliser des doublures pour le rendre plus réaliste ». |
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HKCinemagic : Est-ce que son personnage dans Jiang Hu était différent de celui décrit dans le livre ? |
R Y : Complètement différent. J'adore cette histoire mais je pensais la rendre plus moderne, c'est pourquoi je suis allé rencontrer l'auteur, un vieil homme de 80 ans. Il a dit « Ok… allez-y… qu'importe… (imitant une voix âgée) ». J'étais si enthousiaste, je l'ai remercié et quand il a fermé la porte il m'a dit « M. Yu… (parlant d'une voix calme et normale) Ne me mettez pas dans l'embarras. » (rires) Nous avons changé beaucoup de choses, les jumeaux siamois… |
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HKCinemagic : L'idée des jumeaux provient du livre ? |
R Y : Non, non, c'est arrivé par accident. Nous étions avec les scénaristes, en train d'essayer d'éviter d'avoir les méchants habituels, tellement ennuyeux. Je voulais quelque chose de nouveau, de plus surréaliste. La télévision était sur Discovery Channel, il y avait ce reportage sur ces bébés siamois et j'ai dit « et si les méchants étaient des jumeaux siamois ? ». Tout le monde m'a regardé comme si j'étais fou ! « Comment vas-tu filmer ça ? » ont-ils demandé, nous ne pouvons pas nous permettre d'utiliser l'imagerie de synthèse ». Je leur ai dit « Le problème sera résolu »… Le concept était intéressant : des jumeaux siamois, l'un homme et l'autre femme, qu'en est-il de leurs désirs sexuels ? Comment faire si l'un veut avoir des rapports sexuels (rires). Personne ne pense à ça dans les films hongkongais ! |
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HKCinemagic : Francis Ng interprétait l'un des jumeaux… |
R Y : Ouais, il est génial. Et fou. (rires). Nous devions trouver une manière de les filmer, je ne voulais pas qu'ils aient l'air maladroits, qu'ils marchent ensemble, etc. ça aurait pu diminuer leur puissance et ils devaient avoir ces pouvoirs fantastiques. J'ai dit « ne les filmez pas en train de marcher. Ils glissent juste comme s'ils étaient sur un chariot, comme des fantômes… » |
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HKCinemagic : Dans Jiang Hu, personne n'est vraiment bon ni mauvais… |
R Y : Moi je peux m'identifier aux jumeaux car ils sont médiocres. Je me sens triste pour eux, et je voulais que le public le soit aussi, ce n'est pas par choix. Ils sont nés comme ça, avec leur colère et leur frustration. |
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HKCinemagic : Le rôle principal était tenu par Brigitte Lin.
Comment l'avez-vous convaincue de travailler avec vous ?
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R Y : Avant Jiang Hu nous nous connaissions déjà depuis plusieurs années. Nous avions toujours essayé de trouver un projet pour travailler ensemble. Quand j'ai eu le scénario je lui ai dit « Brigitte c'est exactement toi, tu dois le faire !». Brigitte a commencé à jouer très jeune à Taiwan, et quand vous commencez tôt dans l'industrie, vous devez être dur. Elle est ce genre de femme, en tant qu'ami je peux le voir. Avant d'accepter le rôle, elle a hésité car elle avait déjà interprété beaucoup de rôles comme celui-ci. Mais je lui ai promis que ce serait différent… |
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HKCinemagic :
Vous pouviez faire vos propres choix à Hong Kong, était-ce pareil en Amérique ? |
R Y : On peut y arriver, mais il faut se battre d'une manière spéciale pour y arriver. A Hong Kong vous pouvez contrôler tous les aspects de votre film, le tournage, la publicité… J'aime le système qu'ils appellent la projection-test en Amérique, il y a des avantages quand vous faites des films pour ce public, vous n'avez rien à perdre… |
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HKCinemagic :
Est-ce que c'est quelque chose qui vous manque ? |
R Y :
Comme toutes les autres choses, le Yin-Yang : vous perdez quelque chose, vous gagnez autre chose. C'est une grosse machine en Amérique, qui fonctionne depuis de nombreuses années. C'est étonnant de les voir sortir un film, la campagne de promotion, comment ils dépensent l'argent… Je n'ai pas de problème avec ça, toutes ces choses sont pour le bien du film. Les gens m'accusent d'être un commerçant, je leur réponds que si l'on veut survivre, si l'on veut continuer à faire des films, c'est quelque chose qu'il faut comprendre et accepter. Pourquoi se battre et avoir à attendre 10 ans pour faire un film ? En 10 ans je peux faire 10 films… |
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HKCinemagic : Le mot de la fin ? |
R Y :
N'abandonnez pas vos rêves, c'est tout ce que nous avons !! |