Les occidentaux connaissent Anthony Wong Chau Sang non seulement comme un acteur dément de Category III de premier choix -pour ce que vaut ce terme - mais aussi comme un comédien très versatile. Notre rendez-vous au Hong-Kong Ritz Carlton Hôtel est parti sur de mauvaises bases puisque j'attendais au mauvais endroit. Heureusement le personnel discret et attentionné du Ritz m'a permis de retrouver Anthony.
Interviewer celui qui est une star à l'étranger mais un simple rouage de l'industrie au sein de sa propre cinématographie fut extrêmement difficile et éprouvant. Non pas qu'Anthony fut désagréable, mais en l'absence de notre intermédiaire il s'est senti mal à l'aise et a mis du temps pour s'adapter à mon accent français et abaisser ses défenses, comme vous pourrez le remarquer dans les propos qui suivent. C'est finalement avec facilité qu'il me raconta son histoire. Il m'a fallu beaucoup d'énergie pour finir par lui tirer plus de deux mots par réponse et je lui suis très reconnaissant de la patience et de la confiance qu'il a fini par m'accorder. Malgré tout ce qu'on peut imaginer Anthony Wong est comme beaucoup d'acteurs dans l'industrie filmique locale, il se contente de suivre le courant sans véritable plan de carrière. Rencontre avec un acteur, avec un professionnel, avec le fauve!
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J'y vais, c'est tout |
HKCinemagic : Vous avez tourné beaucoup de films à Hong Kong. Vous avez aussi fait un peu de musique. |
Anthony Wong : Ouais, il y a longtemps
[tirant sur sa cigarette]. |
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HKCinemagic : Vous avez aussi fait des reprises, comme "Blowing in the wind". L'expérience vous a plus? |
A W : Pas vraiment! |
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HKCinemagic : A la différence de beaucoup d'acteurs hongkongais, vous avez suivi des cours de comédie. Etre acteur, ça a toujours été un rêve? |
A W : Non, plutôt un accident. |
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HKCinemagic : Vous vous souvenez de votre premier film? |
A W :
My Name Ain't Suzie… |
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HKCinemagic : Oui, vous avez dit que c'était votre film préféré! |
A W : Parce que j'étais jeune et que je ne savais pas jouer. C'était très frais. Je l'ai revu récemment et je me suis rendu compte que ce n'était pas moi mais quelqu'un d'autre. Du coup c'était plutôt intéressant. |
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HKCinemagic : En France et en Angleterre vous êtes connus pour vos rôles dans des Category III, mais aussi pour faire la navette entre gros et petits budgets, films commerciaux et films d'auteur. Comment faites-vous? |
A W : Le destin. Je ne fais que suivre le destin (il prend un air ennuyé). Je n'ai pas de plan. J'y vais, c'est tout. Les acteurs hongkongais sont très négatifs. Je ne suis pas une star, juste un acteur. Je m'assois et j'attends. J'attends l'opportunité. Et quand cette opportunité se présente, il n'y a que deux choix: j'y vais ou je n'y vais pas. C'est tout. |
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HKCinemagic : C'est un besoin pour vous de travailler autant que possible pour accumuler les expériences? |
A W : Quand deux choix se présentent... (il réfléchit) C'est l'argent qui fait la différence! Et le projet, puis les gens qui y sont associés. Quand une opportunité se présente, il faut penser à ce qu'elle peut vous apporter. Si elle peut vous rendre plus célèbre ou si c'est juste un boulot. |
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HKCinemagic : Vous avez réalisé deux films, New Tenantet Top Banana Club. Vous en gardez de bons souvenirs? |
A W : Oui. C'était des expériences. Quelque chose se présente et vous voulez juste tenter le coup. Mettre en scène. Je fonctionne comme ça, sans plan de carrière. |
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HKCinemagic : Si l'occasion se présente à nouveau, est-ce que vous recommenceriez? |
A W : Oui, oui, oui. J'ai une histoire en fait. J'aimerais la tourner en France parce que ça parle d'un homme et de trois femmes, ça parle de leurs relations et de sexe. C'est pour ça que je veux le faire en France et pas à Hong Kong! (sourire narquois) |
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HKCinemagic :
Je me souviens d'éléments assez étranges dans New Tenant. La maladie mentale de Lau Ching Wan et ces histoires de tortues. D'où venaient ces idées? |
A W : Elles venaient globalement du producteur
[Tony Leung Hung Wah]. Il m'a donné une histoire pourrie et je l'ai réécrite. A l'époque nous n'avions pas les moyens d'embaucher un réalisateur. Je lui ai dit que je pourrais tenter le coup. Il m'a laissé faire, et c'est pour ça que j'appelle ce film un "exercice". |
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HKCinemagic : Vous étiez donc scénariste et réalisateur. |
A W :
Hum hum (il prend une gorgée de son cappuccino). Bien sûr ils ne m'ont pas payé! (sarcastique) |
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HKCinemagic : Ah, ils ne vous ont rien donné! |
A W : Ouais (souriant et buvant plus de cappuccino). Ni pour l'écriture ni pour la mise en scène. Mais ça m'a vraiment plu. |
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HKCinemagic : Comment préparez-vous un rôle? |
A W : Parfois je fais juste le boulot. Ca dépend du personnage et du scénario. Dès qu'on lit un scénario on peut voir s'il est bon ou s'il est mauvais. Si c'est bricolé à la va vite je fais juste mon boulot. Tout le monde s'en fout de toute façon! |
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HKCinemagic : Si le personnage est plus fouillé que la moyenne vous faîtes des recherches... |
A W : Oui, oui... |
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HKCinemagic : En 20 ans de carrière, quand avez-vous senti que les gens vous voyaient plus comme un vrai acteur? |
A W : Beaucoup de gens me connaissent mais je ne suis pas une vedette. Je n'appelle pas ça du vedettariat. Jackie Chan est une vedette; Andy Lau et Stephen Chow aussi -- mais pas moi. |
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Anthony Wong et Tony Leung Chiu-wai dans Infernal Affairs |
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HKCinemagic : Le public français vous connaît pour votre rôle de méchant dans A Toute Eperuve (Hard Boiled) de John Woo
et plus récemment pour The Mission et la trilogie Infernal Affairs. Concernant cette dernière comment avez-vous préparé votre rôle? |
A W : Hé bien parfois l'inspiration vient de mon entourage. Le père d'un de mes amis est policier, et je connais quelques inspecteurs. Ils n'ont pas l'air de policiers, n'ont pas cet air sérieux. Ils ne font qu'aller aux bureaux et font de la paperasse toute la journée. Ce sont plus des employés de bureau que des officiers de police. J'ai joué le rôle de cette manière. Calme, masculin, mûr. Très simplement en fait. Quelqu'un qui fait son boulot. |
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HKCinemagic :
Vous avez aussi de très bonnes scènes avec Eric Tsang Chi Wai.Votre confrontation avec lui est très forte, comment avez-vous fait? |
A W : Je les voyais comme deux combattants sur un ring. Ils attendent. Ils attendent et ils observent. Dans cette optique nous avons tout de suite trouvé nos marques. C'est aussi simple que ça. Je me souviens qu'il y avait beaucoup de nourriture sur la table. Cette scène a demandé 3 ou 4 heures. Et il (Tsang) n'en finissait plus d'attendre de balancer la nourriture dans tous les sens. J'ai attendu, attendu, attendu, et enfin il l'a balancée (rires). Ca a donc été un soulagement d'en mettre partout. |