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Critiques Express

Triple Tap    (2010)
 Ken Kwan (Louis Koo), qui se trouve également être un champion de tir, se retrouve un jour au cœur d’un braquage. Il décide alors d’intervenir. Pour avoir usé de son arme de compétition, Ken Kwan est poursuivi en justice, l’utilisation d’armes à feu sur la voie publique à Hong Kong étant un crime très grave. L’enquête est confiée à Jerry Jong (Daniel Wu), un flic qui a côtoyé ce champion lors d’une précédente compétition.

 Avant toute chose, il est bon de préciser que Triple Tap n’est pas la suite du Double Tap de Law Chi-Leung avec le regretté Leslie Cheung bien qu’ils aient quelques points en commun dont notamment celui de mettre en avant comme personnages principaux des champions de tir. Dans Double Tap, on découvrait que le titre signifiait tirer deux balles très rapidement au même point d’impact. Fort logiquement, pour Triple Tap c’est la même action mais avec trois balles au lieu de deux. Et cette différenciation résume assez bien ce qui sépare les deux films, le concept est le même mais l’histoire et les personnages eux diffèrent.

Triple Tap commence par un duel opposant les deux principaux protagonistes lors d’une compétition de tir, une séquence d’ouverture qui annonce parfaitement les intentions du réalisateur car la majeure partie du film consistera en un face à face entre les deux champions. Leur opposition est le cœur même du film. Pourtant, il ne faut pas s’attendre à un gros film d’action comme le laissait croire la trompeuse bande annonce française.

Bien que Louis Koo et Daniel Wu soient tous les deux forts convaincants, le résultat n’est pour autant pas forcément des plus réussis. La faute, notamment, à un scénario qui ne décolle pas vraiment et qui se permet même des sous-intrigues pour le moins inutile. Louis Koo étant au cœur d’un trio amoureux avec Li Bing Bing et Charlene Choi qui, sincèrement, ne sert strictement à rien au niveau narratif si ce n’est à intégrer des personnages féminins à l’intrigue. Ces personnages sont tellement insignifiants, surtout Charlene Choi, qu’au final les deux interprètes n’ont absolument pas l’opportunité de montrer leurs talents.

Le film de Derek Yee souffre également en partie des mêmes défauts que sa précédente réalisation, The Shinjuku Incident. Ce dernier est particulièrement intéressant tant qu’il s’intéresse au sort de ceux qui rentrent illégalement au Japon. Mais, malheureusement, il perd pied dès qu’il se transforme en un banal film de Yakusa. Dans Triple Tap, c’est la même chose. La première partie est plutôt réussie et Derek Yee s’applique à donner un fond convaincant à son œuvre en posant des questions pertinentes sur la loi mais également en montrant que tuer quelqu’un avec une arme n’est pas un acte anodin. Cela peut avoir des conséquences sur celui qui a tué. Durant la deuxième moitié où Daniel Wu cherche à prouver la culpabilité de Louis Koo, l’ennui gagne progressivement le spectateur. La faute à un manque de tension en partie dû à un scénario qui abat trop vite ses cartes et, comme dit précédemment, à une histoire d’amour qui plombe le rythme du film.

La dernière réalisation de Derek Yee nous laisse donc en fin de compte un goût amer car si elle n’est pas foncièrement mauvaise, il n’en reste pas moins qu’après Shinjuku Incident c’est la deuxième fois de suite que ce metteur en scène nous sort un film en demi teinte. La dramaturgie est déficiente et le film manque de rythme.

De la part du réalisateur de Viva Erotica ou de One Nite In Mongkok on attendait plus que ce Triple Tap, qui est un film finalement tout ce qu’il y a de plus quelconque.
Jean-François Gendron 4/12/2011 - haut

Shaolin Wooden Men    (1976)
 Après que ses parents ait été tué par un mystérieux assassin, Jackie, surnommé « le muet », gagne le Temple de Shaolin où il devient l’élève le plus doué. Là il devra affronter les « 108 hommes de bois » pour parfaire son éducation des arts martiaux Après avoir vaincu le test ultime, il peut sortir du Temple. Là, il fera la rencontre d’autres experts en kung-fu et du mystérieux tueur...

 En 1976, la mode des films prenant comme contexte le temple de Shaolin bat son plein et celui qu’on surnomme l’ogre de Hong Kong, le réalisateur Chang Cheh, en a fait le sujet de la grande majorité de ses films. Mais l’homme fort de la Shaw Brothers s’intéresse finalement peu au temple et à l’apprentissage martial, puisque c’est surtout la lutte des patriotes chinois contre les mandchous qui est au centre de son propos. Néanmoins, on trouve deux exceptions dans cette succession de productions. Shaolin Martial Arts se rapproche ainsi de la philosophie d’un Lau Kar Leung, à l’origine de l’orientation du cinéma de Chang Cheh vers les arts martiaux de Shaolin. L’entraînement y a autant d’importance que les combats, et la relation entre maître et élève est au centre de l’intrigue. Shaolin Temple met quant à lui en scène des laïques venant s’entraîner aux arts-martiaux de shaolin avant l’invasion du temple par les mandchous. La bobine dure près de deux heures, et l’intrigue simpliste laisse largement l’opportunité au réalisateur de s’appesantir sur l’apprentissage martial. Ces séquences sont particulièrement farfelues, et même si elles fonctionnent du point de vue ludique, la philosophie martiale reste un peu trop légère. Joseph Kuo Nam Hung, artisan taïwanais spécialisé dans les divertissements efficaces, prend le parti de présenter un temple shaolin mystique, peuplé d’hommes de bronze, et insiste sur l’apprentissage ludique, dans son 18 Bronzemen. Mais c’est véritablement avec 36th Chamber Of Shaolin, réalisé par Lau Kar Leung en 1978 que la philosophie Shaolin va connaître sa représentation la plus vibrante. Le réalisateur prend soin d’habiller son propos d’une intrigue assez proche du cinéma de son mentor Chang Cheh, afin de répondre à la demande des producteurs, mais va s’éloigner de tout ce qui peut ressembler à une véritable dramaturgie autant qu’il le pourra pour se centrer sur le cheminement spirituelle d’un Gordon Liu qui apprend autant à combattre qu’à vivre par les arts martiaux. Le Shaolin Wooden Men produit par Lo Wei s’inscrit entre toutes ces œuvres, tant chronologiquement que thématiquement. Le producteur a toujours été un recycleur, et ses tentatives pour faire de son poulain Jackie Chan une star l’ont poussé à multiplier les genres abordés, toujours sous forme de copies mal fichues.

Shaolin Wooden Men est réalisé par Chan Chi Hwa, avec qui Jackie Chan travaillera à de multiples occasions. Metteur en scène plus audacieux que Lo Wei, ce dernier introduit son propos avec une mise en scène soignée et même plutôt inventive. Outre un montage frénétique qui multiplie les jets de lumière sur des moines à l’air patibulaire de gangsters de western, le décor tout noir et l’utilisation des éclairages créent une atmosphère mystérieuse tout à fait bienvenue. Cet exercice stylistique est l’occasion de présenter notre héros affrontant successivement plusieurs moines. Sur le plan visuel, les vêtements blancs de Chan et les robes oranges des moines ressortent avec flamboyance grâce au fond noir et aux éclairages, contribuant à donner un aspect théâtral à la réalisation. Les affrontements sont par contre bien moins réjouissants, même si on constate une évolution durant ces cinq premières minutes. Les figures sont très techniques, mais il n’y a aucune fluidité dans les enchaînements. Les mouvements sont lents et beaucoup trop décomposés, et la sensation que chaque combattant attend les coups de l’autre est plus pesante que jamais. Le montage relativement plat ne donne pas beaucoup de relief à des chorégraphies datées qui ont vieilli même pour l’époque. Pourtant, il y a quelques moments de grâce, comme l’ajout d’acrobaties plutôt réussies, mais le niveau reste décevant. Sans compter que cette introduction, sympathique dans l’idée, moins dans l’exécution, n’a pas vraiment de justification narrative. L’emploi du rêve paraît finalement assez peu pertinent au regard de l’histoire du personnage.

On appréciera néanmoins la métaphore montrant Jackie se cacher sous un banc pendant que les aboiements d’un chien sont ajoutés pour exprimer sa lâcheté. Mais malgré les quelques bonnes idées, cette première scène biaise l’attente du public, qui imagine alors assister à une succession de combats, ce qui est loin d’être le schéma que va suivre cette première moitié du récit. D’un intérêt plutôt limitée en termes d’intrigue, l’histoire va en effet s’appesantir sur les tribulations et l’apprentissage du jeune muet interprété par Jackie Chan. Comme tout bon héros de film de kung fu d’une production Lo Wei, c’est la vengeance qui sert de carburant au moteur du jeune homme, et c’est cette raison qui le pousse à vouloir apprendre les arts martiaux. La découverte du drame qui a changé sa vie se fait sous forme de flashback, et comme d’habitude, un filtre de couleur accompagne cette scène. Mais c’est l’utilisation d’un objectif grand angle qui donne plus d’intensité au meurtre, immergeant le spectateur dans la perspective de l’enfant assistant impuissant au combat. Chan Chi Hwa se montre une fois encore plus audacieux que Lo Wei dans sa mise en scène, et il multiplie les expérimentations de façon intéressante malgré un budget qu’on devine restreint. Les décors sont en effet peu nombreux et sans éclat, tout comme les costumes.

Ce manque de moyens est particulièrement flagrant lorsque les fameux hommes de bois du titre nous sont présentés. Difficile de ne pas ressentir un décalage avec le traitement premier degré en voyant ces hommes affublés de tonneaux, de seaux et de gants de boxe censés être terrifiants. Il y a d’ailleurs fort à parier que les couloirs inondés d’hommes de bois ne sont en fait qu’un seul et même couloir montré sous différents angles. Finalement, les trois premiers quart d’heure se déroulent dans trois décors assez piteux, et la deuxième moitié ne se révèle pas plus généreuse, puisqu’il faudra se contenter du classique petit village avec sa pauvre auberge et d’une plaine pour le final. Mais un scénario solide peut largement compenser le manque de décors et de moyens en général. LesChinese Odyssey de Jeff Lau ne présentent finalement que peu de lieu, et sont pourtant d’une audace tant visuelle que narrative surprenante.

Malheureusement, Chan Chi Hwa a beau être plus besogneux que Lo Wei, il ne parvient jamais à donner de souffle à son récit. La partie apprentissage reste divertissante, même si les techniques sont basiques et que l’entraînement manque d’imagination. Mais les relations maître/élève ne sont pas suffisamment exploitées. C’est d’autant plus regrettable que le scénario offrait des possibilités de s’éloigner du schéma classique. On trouve même quelques bonnes idées de ce point de vue, plus ou moins utilisées dans la conclusion. Mais le traitement reste superficiel, et la spiritualité qui semblait se développer est abandonnée au profit de coups de théâtre bien plus artificiels. Les notions de rédemption et d’évolution ne semblent pas suffisamment forte aux yeux de l’équipe pour dépasser le besoin de vengeance, qu’on tente de faire passer pour de la justice en la légitimant par le regard des moines Shaolin. Ce traitement n’est donc pas seulement décevant, il est aussi douteux, surtout lorsque la musique entraînante vient appuyer l’idée que tuer un criminel est une action positive. Bien sûr, Shaolin Wooden Men n’est ni une œuvre sociologique, ni une véritable invitation à la réflexion. Mais quand on se targue de prend l’apprentissage spirituel de Shaolin, il ne parait pas inapproprié d’approfondir un peu le message. Au-delà du manque de fond, on regrettera la césure trop importante entre les deux moitiés du film. Si la première est presque exclusivement réservée à l’apprentissage, la seconde n’a pas grand-chose à raconter, et on s’ennuie malgré la succession de combats.

Il faut dire que martialement, le niveau reste cruellement décevant. La fameuse traversée du couloir des hommes de bois est plus ambitieuse, mais n’atteint pas des sommets d’ingéniosité. Les bonshommes se contentent de remuer les bras et les jambes de haut en bas, ce qui limite la complexité des enchaînements. Jackie nous gratifie malgré tout de quelques acrobaties très réussies et s’investit pleinement, ce qui rend l’affrontement dynamique. Mais il semble évident que l’espace du couloir et les mouvements des robots lui laisserait largement l’opportunité d’avancer sans recevoir de coup ce qui diminue l’enjeu de cette rencontre. Les combats qui ponctuent le reste du métrage sont médiocres. Les affrontements de groupe sont les moins bons. Non seulement les agresseurs n’attaquent jamais en même temps, mais en plus les échanges sont simplistes et consistent principalement à montrer l’invincible héros passant ses adversaires à tabac.

Et pourtant, il y avait du potentiel, puisque parmi les cascadeurs on reconnaît un Yuen Biao très en forme qui parvient tout de même à nous montrer quelques coups de pied dont il a le secret. Le plus mauvais des combats consistent à mettre face à face le mauvais bougre qu’est le maître de Jackie ainsi que sa bande face aux moines de Shaolin. Les amateurs de duels au bâton ont tout intérêt à ne pas regarder tant la chorégraphie est risible. Tous les acteurs font tournoyer leur bâton sans savoir comment s’en servir. Ce combat est mou et semble plus proche de la parodie. Il faudra attendre le final pour observer des échanges plus consistants. Mais là encore, on se demande ce qui est arrivé à Chan Chi Hwa : les faux raccords s’enchaînent, et l’utilisation excessive des accélérés nous plonge en plein show de Benny Hill. Même le duel entre Jackie et son maître qui est aussi, sans surprise, l’assassin de ses parents, manque d’énergie. Les enjeux dramatiques ne sont pas du tout exploités, et les enchaînements, s’ils sont sympathiques, sont encore ponctués de mouvements beaucoup trop décomposés. On a bien du mal à se satisfaire de combats qui semblent dater du début des années 70. La fin du duel ferait presque penser à une parodie des finish moves du jeu Mortal Kombat.

Martialement, Shaolin Wooden Men est loin d’être le travail le plus flatteur de Jackie Chan. Les combats sont mous, les mouvements peu convaincants, et la majorité des acteurs peu investis. L’apprentissage spirituel manque de fond et de réflexion. L’intrigue est sans surprise, et le déroulement manque d’audace. Pourtant, on ne peut s’empêcher d’éprouver de la sympathie pour les quelques bonnes idées et pour l’envie de faire vivre cette philosophie de Shaolin. A réserver aux inconditionnels de la star, une fois de plus !
Léonard Aigoin 4/8/2011 - haut

Operation Scorpio    (1992)
 Yu-Shu (Chin Kar Lok), un étudiant passionné de bande dessinée, rêve depuis toujours d'être un héros en arts martiaux. Lorsqu'il apprend que des marchands, menés par M. Wan, réduisent de jeunes servantes en esclavage il veut à tout prix les affronter. Yu Shu s'entraîne alors comme un forcené en espérant battre le redoutable fils de Wang, passé maître dans la spectaculaire technique du scorpion.

 Cette année, le producteur Raymond Chow Man Wai a été couronné pour l’ensemble de sa carrière de producteur durant la 5ème édition des Asian Film Awards. L’occasion de se replonger dans certains des productions de sa Golden Harvest. Connue pour avoir permis à des stars comme Jackie Chan de s’épanouir, la société s’est fait une spécialité des films d’action comme beaucoup de ses concurrentes. Operation Scorpio est un excellent exemple des divertissements qui ont permis à Raymond Chow Man Wai d’être un producteur victorieux. Pour l’occasion, la Bo Ho Films Co., Ltd., créée par Sammo hung en 1982, participait également au financement. Il faut dire qu’Operation Scorpio est réellement la rencontre de talents multiples. On retrouve ainsi David Lai Dai Wai à la réalisation, connu pour ses multiples collaborations avec la star Andy Lau. Ayant débuté par des films plutôt anecdotiques, dont quelques films de triades s’inscrivant dans la mode de l’époque, c’est en 1991 que son travail va connaître une véritable expansion. Saviour Of The soul, véritable Wu Xia Pian fantastique moderne sorti en 1991 marque ainsi sa rencontre avec le chorégraphe Corey Yuen Kwai. Ce dernier a largement prouvé dans les années 80 qu’il était capable de présenter des combats efficaces et originaux, mais aussi de mettre en scènes des divertissements percutants à la narration soignée. Les deux compères vont cependant se dépasser pour Saviour Of The Soul, ce qui va les amener à renouveler l’expérience pour une suite et une petite série d’autres productions, dont Operation Scorpio, où Corey Yuen Kwai ne fait par contre office que de chorégraphe. Mais il ne sera pas seul pour s’occuper des scènes d’action, puisque son vieux comparse de l’Opéra de Pékin, Yuen Tak vient lui prêter main forte. Moins connu que ses autres « frères » des sept petites fortunes (exception faite de Yuen Mo), Yuen Tak est un chorégraphe inventif, aussi à l’aise dans les échanges martiaux très techniques que dans les affrontements plus délirants des Wu Xia Pian des années 90. Afin de compléter la vision de ce duo habitué aux expérimentations martiales, le vétéran Lau Kar Leung, qui s’offre également un des rôles principaux, vient offrir une alternative plus traditionnelle aux combats. Une opportunité pour le maître de faire oublier l’accueil réservé à sa dernière réalisation, Mad Mission 5, considéré comme le plus mauvais épisode de la série (du moins si on ne comptabilise pas New Mad Mission). Le casting est tout aussi éclectique, puisqu’outre Lau Kar Leung, on retrouve le cascadeur Chin Kar-Lok, qui a doublé presque tous les acteurs de l’ex-colonie, le monsieur muscle de l’époque Frankie Chin et l’artiste martial coréen Kim Won Jin, célèbre pour ses coups de pied, ses acrobaties et la technique du scorpion qui donne son titre à Operation Scorpio.

Saviour Of The Soul possédait une identité visuelle très forte, proche du comic book, grâce à des jeux de lumière très inventifs et à un travail sur la couleur original. La scène d’introduction d’Operation Scorpio prouve que David Lai Dai Wai est un metteur en scène qui soigne l’aspect visuel de son travail bien plus que beaucoup de réalisateurs de l’époque, et on retrouve cette atmosphère surréaliste qui caractérisait son précédent film. Le découpage de cette scène est un mélange d’inspirations. Lorsque les adversaires s’observent en se préparant au combat, on pense immédiatement aux Manhua, ces bandes dessinées chinoises, en particulier aux poses des héros des planches de Tony Wong Yuk Long (dont le travail a été adapté par wilson Yip dans Dragon Tiger Gate). Le montage des combats s’inscrit quant à lui dans la logique de ce que proposent les wu xia pian du début des années 90. Les câbles sont largement exploités, et le duel totalement délirant rappelle davantage l’emphase d’une bande dessinée que l’échange martial très technique des Kung Fu Pianclassiques. La transition entre ce monde fantasmé et la réalité est convaincante, grâce à une opposition pertinente entre les univers visuels (les couleurs rouges des éclairages contre les murs jaunes de l’école) et thématique (le héros devient un rêveur victime de moqueries, y compris celles de son professeur). Dans le même ordre d’idée, les plongeons câblés consécutifs aux coups reçus du rêve sont remplacés par des chutes bien réelles au réveil. Et c’est bien l’intérêt d’offrir à l’un des meilleurs cascadeurs de Hong Kong le rôle principal : Chin Kar-Lok enchaîne les chutes qui font mal du début à la fin. Mais malgré le rythme de ses démonstrations, l’action est bizarrement absente durant la majorité du film. Il faudra se contenter de ces innombrables petites (mais réjouissantes) cascades. En opposition, Kim won Jin va multiplier les occasions de nous faire découvrir ses capacités. Ses apparitions sont d’ailleurs aussi brèves que fulgurantes, et son rôle consiste uniquement à tenter d’avoir l’air agressif en bondissant. L’artiste martial va ainsi nous gratifier de coups de pied d’une vivacité effrayante, dont la puissance semble bien réelle. Extrêmement souple, il se révèle être un acrobate dont le style rappelle un peu les démonstrations d’un Yuen Biao des grands jours. Dommage qu’il soit incapable de véhiculer la moindre émotion Son visage crispé n’en fait même pas un adversaire réellement convaincant. Bien sûr, on ne s’attend pas à voir des prestations inoubliables lorsqu’on regarde Operation Scorpio. Mais contrairement à ce qu’on pourrait croire, l’accent est davantage mis sur le développement des personnages que sur l’action, puisqu’il faudra attendre la dernière demi-heure du film pour contempler des affrontements dépassant une minute. Un parti-pris surprenant avec un tel casting martial et une telle armée de chorégraphes de renom.

D’autant plus que l’intrigue n’a rien de fascinant. Les éléments intéressants sont peu exploités, et les deux histoires peinent à se rencontrer. L’obsession de Yu-Shu pour la vocation de justicier n’a pas de réelle explication. Ce n’est pas un problème en soi, puisque tant le comic book que le film Kick-Ass ont prouvé que le sujet de l’apprenti super-héros sans pouvoirs peut donner un traitement aussi cynique que divertissant. Mais finalement, l’aspect bande dessinée n’est plus vraiment exploité après l’introduction. Bien sûr, le héros utilise sa plume à plusieurs reprises, mais l’intérêt narratif de ses dessins reste très proche du manuel d’arts martiaux que Jackie Chan consultait dans le final de Half A Loaf Of Kung Fu. Le traitement devient donc rapidement paresseux et n’est pas plus original que celui de la majorité des Kung Fu Pian de l’époque. On en vient même à se demander si les scènes mélangeant l’apprentissage de la cuisine et du Kung-fu ne sont pas reprises du Dragon From Russia de Clarence Ford, datant de 1990, sur lequel Yuen Tak officiait également en tant que chorégraphe. Le montage est d’ailleurs presque identique, jusqu’à l’utilisation similaire d’une chanson de canto-pop pour illustrer l’entraînement du héros. Mais même l’apprentissage du combat s’inscrit dans le schéma dual du film, puisque Yu –shu apprendra également à devenir fort auprès du musculeux Frankie Chin. Ce dernier tournait beaucoup au début des années 90, grâce à un charisme plus développé que celui de la plupart des autres messieurs muscles. Malheureusement, ces séances ludiques, en plus de manquer d’originalité et d’audace, sont trop mises en avant au détriment d’une intrigue qui peine à démarrer. Car malgré le temps passé auprès des personnages, leur psychologie reste trop simpliste pour assurer une véritable implication du spectateur. D’autant plus que les antagonistes ne font pas grand-chose à part pavaner auprès de servantes et passer à tabac des concurrents. Les situations ne se renouvellent pas assez et manquent de fraicheur. La faute à des dialogues plutôt anecdotiques et à des prestations dramatiques sans éclat. Chin Kar-Lok bénéficie d’une côte de sympathie évidente, mais sa présence à l’écran reste limitée. Il n’y a finalement que Lau Kar Leung qui tire son épingle du jeu, mais son personnage n’est réellement exploité que tardivement. Globalement, on sent que le rythme et la narration manquent de rigueur, ce qu’une quantité de combats plus généreuse aurait pu compenser aisément.

Après tout, il n’était pas rare au début des années 90, de devoir attendre le dernier tiers d’un film avant d’assister à une explosion d’action virevoltante. Comment ne pas citer le survolté Legend Of The Wolf de Donnie Yen, dans lequel la star appâte le spectateur pendant une heure par de brèves échanges musclés avant de le terrasser avec son final de plus de vingt minutes. Mais même de ce point de vue, Operation Scorpio n’est pas aussi spectaculaire qu’on pourrait le croire. Le pré-final opposant Frankie Chin à Kim Won Jin a le mérite de mettre en valeur l’élasticité du combattant coréen face au monsieur muscle et à sa technique limitée. Mais malgré les acrobaties vraiment époustouflantes, les amateurs d’arts martiaux trouveront difficilement leur compte. Le final est plus réjouissant, avec un affrontement de groupe durant lequel Lau Kar Leung nous montre sa maîtrise du setsukon (exécutant un mouvement identique à celui pour lequel il doublait Gordon Liu dans Heroes From The East) et échangeant quelques politesses avec un Yuen Tak très en forme. La vitesse du maître est plutôt impressionnante, et sa façon de combattre montre que le style du sud n’a rien à envier au style du nord, plus axé sur les coups de pied. On regrettera donc que ce combat de masse soit très court. Car Lau Kar Leung et Kim Won Jin vont rapidement en venir aux poings. Le mélange entre chorégraphie technique plutôt traditionnelle et les acrobaties moins réalistes est très sympathique. On regrettera que les décors soient peu exploités dans les chorégraphies, par contre ils sont bien mis en valeur sur le plan visuel. A noter que fidèle à ses habitudes, Chin Kar Lok double Lau Kar Leung pour les sauts et les chutes les plus spectaculaires. En tant qu’acteur principal, il n’a par contre que peu l’occasion de démontrer ses capacités. Son duel avec Kim Won Jin est court, et consiste en grande partie à se faire frapper et à tomber violemment. Mais la technique qu’il emploie pour vaincre renoue un peu avec l’esprit comic book de l’ensemble et lui permet de montrer sa souplesse. Finalement, ce sont davantage ses qualités d’acrobate que d’artiste martial qui sont sollicitées.

Le combat final est à l’image du film : rempli de bonnes idées et fait avec sérieux, mais un peu décevant. En effet, avec tant de talents impliqués, Operation Scorpio se contente d’être un très sympathique divertissement quand on attendait un film bien plus audacieux. Il devrait néanmoins réjouir les fans de comédies d’action de l’époque, grâce à son énergie et sa bonne humeur communicatives.
Léonard Aigoin 4/5/2011 - haut

Half A Loaf Of Kung Fu    (1978)
 Un hurluberlu est obsédé par les arts martiaux, mais il ne sais pas les utiliser quand il s’agit de sauver sa peau. Il parvient néanmoins à devenir le protecteur d’un maître qui serait enclain à lui donner des cours. Il en aura bien besoin quand un voleur est intéressé par des bijoux placés sous la protection de Jackie.

 Dans l’interview menée en 2005 auprès de l’historien du cinéma de Hong Kong, Law Kar, ce dernier expliquait que lorsqu’on parle de l’industrie cinématographique de l’ex-colonie, il est plus question de mode que de genre. Il précisait également que la création de ces modes résultait du mélange de diverses influences, pour obtenir un produit très local. Les arts martiaux et en particulier le Kung-fu font partie intégrante du cinéma chinois, et ce dès les années 30, jusqu’à aujourd’hui, il n’y a donc rien d’étonnant à découvrir des séquences martiales dans un grand nombre de longs métrages. Mais dans les années 70, la mode battait son plein, entre les spectacles dantesques de Chang Cheh et les exploits d’un Bruce Lee parti trop tôt. Mais si le Kung-fu était cuisiné à toutes les sauces, du Wu Xia Pian épique au film à tendance sociale ponctué de combats de rue, le ton restait plutôt sérieux. On trouve cependant déjà quelques petites touches comiques dans certains récits martiaux dès les années 50. So le mendiant, principalement connu aujourd’hui grâce à l’interprétation de Simon Yuen Siu Tien dans Drunken Master, était un personnage récurrent de la série télévisée Wong Fei-hong, et ses aventures avaient été portées sur grand écran trois fois dans les années 50. Pur prototype du folklore cantonais, il incarne une figure de maître à l’opposé des patriarches plus stricts de l’époque. Ce côté irrévérencieux se retrouve dès le début des années 70 chez l’acteur Alexander Fu Sheng. Ce dernier, loin du modèle valeureux d’un Ti Lung, adopte une attitude désinvolte et arrogante plutôt amusante, qui n’est pas sans rappeler Jackie Chan à la fin de la décennie. Mais contrairement à ce dernier, Alexander Fu sheng est devenu célèbre dans des films aussi sérieux que violents. Ainsi, malgré les quelques touches d’humour et de désinvolture qu’on peut trouver dans certains films, il faudra attendre que Lau Kar Leung passe seul derrière la caméra en 1975 avec Spiritual Boxer pour que le genre de la Kung Fu Comedy soit officiellement lancé. En bon recycleur, Lo Wei, qui a conscience que l’aura de son poulain ne suffit pas à en faire le nouveau Bruce Lee, n’hésite pas à diversifier les essais. Après lui avoir fait affronter l’héroïque Jimmy Wang Yu, il laisse donc le réalisateur Chan Chi-Hwa, avec qui Jackie Chan a déjà tourné, faire de ce dernier un trublion comique. Et même s’il s’agit de la première véritable comédie de la future star, il serait faux de dire que Jackie n’avait pas déjà pris l’habitude de nous faire rire. Il suffit de revoir un film comme Le Jeune Tigre pour s’en convaincre ! Mais Half A Loaf Of Kung Fu est-il un film grâce auquel on peut rire ou un film dont on rit ?

Entre être l’humoriste du moment et le dindon de la farce, il n’y a qu’un pas, et pour s’assurer que le propos est clair, le metteur en scène attaque avec une introduction pleine d’audace. Rappelant les génériques sur fond nu des œuvres de Lau Kar Leung, Half A Loaf Of Kung Fu s’ouvre sur une succession de saynètes qui illustrent davantage le ton général du récit que son contenu réel. Les modèles traditionnels et bien connus du monde des arts martiaux vont ainsi tous subir le traitement parodique de l’équipe, Jackie Chan incarnant tour à tour l’épéiste traditionnel de Wu Xia Pian, le sabreur aveugle Zatoichi, ou encore l’esprit Shaolin, avant de les tourner en ridicule. Outre l’humour bon enfant de cette présentation de 5 minutes, on peut constater que le montage est énergique et plutôt original. Les zooms chers au Chang Cheh de l’époque sont détournés pour un résultat qui préfigure presque le sketch des inconnus sur Bioman, et les bruitages amplifient largement l’atmosphère de cartoon. De plus, Frankie Chan livre une partition très entrainante tout à fait en phase avec ce ton léger. L’autre Chan, Jackie, se montre immédiatement à l’aise dans la grimace et parvient en quelques minutes, à nous faire oublier ses prestations peu inspirées de Magnificent Bodyguards ou encore To Kill With Intrigue. Mais une introduction est un peu comme une bande annonce : elle peut être réussie sans que le résultat final soit aussi enthousiasmant. On constate rapidement que le ton reste léger du début à la fin. Une nouvelle qui peut rassurer, mais qui constitue en fait l’un des défauts de Half A Loaf Of Kung Fu. A force de vouloir réaliser une vaste farce, Chan Chi-Hwa en oublie d’élaborer une dramaturgie digne de ce nom, à tel point qu’il n’y a aucune montée en tension. Difficile de se sentir investi quand l’histoire est tellement décousue. On a réellement l’impression que chaque scène a été écrite sans tenir compte des autres. Alors que des œuvres comme Drunken Master ou Prodigal Son ont su nous faire rire en faisant évoluer leurs personnages, le héros incarné par Jackie Chan change sans justification narrative. Le fier à bras vantard et arrogant devient soudainement un jeune homme courageux en l’espace de quelques scènes. A sa décharge, le récit manque tout autant de cohésion, puisque le réalisateur n’a rien de précis à nous raconter durant toute la première heure. Howard Hawks confiait bien après la sortie de The Big Sleep qu’il avait réalisé chaque scène de manière à divertir le spectateur, sans réel souci de cohésion narrative. Même si l’enquête de Marlowe n’est pas des plus évidentes, elle restait suffisamment bien contée pour qu’on se sente investi du début à la fin. Chan Chi-Hwa n’a malheureusement pas le même talent, et il ne parvient pas à maintenir l’intérêt. C’est d’autant plus regrettable qu’il y a de bonnes idées, comme cette séquence de rêve qui emprunte les épinards et la musique de Popeye, durant laquelle il exploite les possibilités de montage pour créer une atmosphère surréaliste amusante. D’ailleurs, fidèle à son objectif, l’humour n’est jamais loin, y compris dans les combats. Malheureusement, le rire est un peu forcé et les gags sont plus gras que réellement hilarants. A force de trop vouloir faire rire, on finit par crisper le spectateur. En comparaison, Fearless Hyena était bourré d’humour mais conservait un ton très sérieux dans les scènes dramatiques, ce qui équilibrait les ruptures de ton. Ici, on en vient presque à se demander si le Kung-fu n’est pas juste une excuse pour les gags, faisant presque de Half A Loaf Of Kung Fu une comédie teintée d’action plutôt qu’une Kung Fu Comedy.

Tout est d’ailleurs fait pour renforcer ce parti-pris, puisque comme beaucoup de films de l’époque, le héros ne sait pas se battre. C’est à se demander si la Lo Wei team avait compris que Jackie Chan était un authentique pratiquant en parfaite condition physique. L’acteur nous gratifie malgré tout de quelques acrobaties plutôt réussies, comme ce plan qui le voit enchaîner plusieurs flips d’affilée. Son apprentissage, vite expédié, tardera à arriver, ce qui ne permet pas de profiter réellement de ses prouesses. Officiant également comme chorégraphe, la star livre un travail en phase avec le ton général. Ainsi, l’humour n’est jamais loin, et en l’occurrence, il est même trop présent au détriment des arts martiaux. Le combat du rêve, plutôt court, est chorégraphié avec beaucoup de rigueur, les figures sont d’ailleurs précises au millimètre près, ce qui rend les enchaînements peu réalistes malgré leur fluidité. Les autres affrontements ponctuant la première heure mettent principalement en scène des seconds rôles à la dextérité discutable, et l’emploi de doublure ne suffit pas à masquer leurs carences. Il faudra attendre le dernier tiers du film pour assister à une succession de combats. Ce sont alors les affrontements de groupes et les embuscades qui sont privilégiés. Une fois de plus, on regrette que les seconds rôles soient si présents puisque leurs duels ne sont pas très impressionnants. Même Dean Shek est de la partie, et s’il combat plus qu’à l’accoutumée, il peine à passer pour un maître (alors qu’il a parfaitement l’allure d’un vagabond). James Tien, qui incarne son traditionnel rôle de traitre perfide, ne semble pas particulièrement en forme, et la rigidité de ses mouvements ne le rend pas si menaçant qu’on pourrait l’espérer. Tous les combats le mettant en scène restent au mieux décevants, même si Jackie en profite pour nous gratifier de quelques sauts périlleux. Le final est un peu plus satisfaisant. D’une longueur raisonnable, il est d’une grande diversité grâce au nombre important de combattants impliqués et à leurs styles uniques. On retiendra par exemple un duel très vif entre le héros et un mercenaire armé de haches. Le duel de clôture symbolise tout à fait le potentiel martial de Half A Loaf Of Kung Fu. Il n’est pas dénué de bonnes idées, l’humour est présent, et certains enchaînements sont assez complexes, mais l’ensemble est inégal et manque de rigueur. Bien que l’action ne soit pas le cœur du film, on ne peut qu’être déçu des arts martiaux présentés, bien moins techniques que les autres productions de l’époque mettant en scène Jackie Chan.

En tant que divertissement, Half A Loaf Of Kung Fu n’a rien d’un grand film. Son potentiel comique est évident, mais le manque de cohésion narrative ou d’enjeux en font une petite déception. Du point de vue historique, il reste une incursion intéressante de la future star de la Kung Fu Comedy dans le registre comique et mérite à ce titre d’être vu. Rira bien qui rira le dernier.

Léonard Aigoin 3/29/2011 - haut

To Kill With Intrigue    (1976)
 La famille de Jackie a été assassinée par le clan des "Abeilles Tueuses". Sa vengeance sera terrible !

 A la fin des années 70, le réalisateur Chu Yuan a livré au public hongkongais toute une série d’adaptations psychédéliques des écrits du célèbre romancier Gu Long. La recette était plus complexe que la plupart des films d’arts martiaux de l’époque, car même si on retrouvait les traditionnelles histoires de vengeance et de haine entre clans, les intrigues à tiroirs se rapprochaient davantage de films noirs que de wu xia pian. Le succès fut en tout cas suffisamment au rendez-vous pour que le metteur en scène renouvelle l’expérience plus d’une dizaine de fois. Observateur, le réalisateur Lo Wei, conscient que sa nouvelle star Jackie Chan peine à séduire les foules en imitation de Bruce Lee, décide de s’inspirer de ce travail. A défaut d’imposer une nouvelle idole mémorable, peut-être parviendra-t-il à amortir son investissement en variant les inspirations. Car malgré les démonstrations spectaculaires de son manque de talent derrière la caméra, notre homme préfère continuer de mettre en scène lui-même les péripéties de ses protégés, même s’il lui arrive parfois de déléguer. Cette obstination est d’autant plus surprenante que lorsqu’on s’attarde sur sa filmographie, on ne trouve pas de réelle identité dans son style. Bien sûr, il s’est fait une spécialité des films d’action, mais sans qu’on puisse identifier un style à part, comme c’est le cas de metteurs en scène qui auront davantage marqué les esprits, comme justement Chu Yuan ou encore Chang Cheh. C’est peut-être la conscience de ne pas posséder de réelle identité artistique qui a poussé Lo Wei à tenter de diversifier le ton de ses films, mais le seul point commun entre ses différentes réalisations est leur manque de personnalité et leur manque d’éclat. Il manque en effet une véritable vision et surtout un sens rigoureux de la narration qui permettrait de transcender des scénarios souvent peu intéressants. To Kill With Intrigue est l’exception qui confirme la règle, puisqu’en adaptant une histoire de Gu Long, Lo Wei livre un récit plus complexe qu’à l’accoutumée, ce qui n’était pas évident quand on voit le résultat de l’association des deux hommes sur Magnificent Bodyguards.

Si Chu Yuan a résolu le problème de la complexité des intrigues de Gu Long par des introductions en voix off, Lo Wei se lance directement dans le vif du sujet sans prendre la peine de nous présenter le contexte. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il démarre sur les chapeaux de roues en nous infligeant une scène romantique surréaliste. Pas parce que le traitement est psychédélique ou particulièrement travaillé, mais parce qu’il est aussi intense que le générique de La Petite Maison Dans La Prairie et semble en décalage complet avec le ton d’un kung fu pian classique. Outre la musique mielleuse, la prestation de Jackie Chan est plutôt effrayante, d’abord parce qu’il est grimé comme Monsieur Spock, ensuite parce qu’il semble totalement ignorer comment réagir. Un sentiment qu’il communiquera d’ailleurs durant tout le film. De toute évidence, la direction d’acteurs n’était pas la priorité de Lo Wei, et tous les interprètes sont en roue libre. Le jeu de l’époque dans les petites productions est manque souvent de justesse, mais cette fois, tout le monde se surpasse. L’attente de l’attaque est certainement la scène la plus spectaculaire de ce point de vue, puisque chaque personnage prend une posture théâtrale exagérée sans parvenir à exprimer un autre état que la passivité. Jackie Chan donne toujours l’impression de chercher à ne pas être sur le plan, ce qu’on peut comprendre tant il ne sait jamais quoi exprimer. Il livre une prestation aussi peu convaincante que dans Magnificent Bodyguards. Il est d’ailleurs surprenant de le voir peu à l’aise devant la caméra quand il se montrait bien plus charismatique dans de plus vieux films comme Hand Of Death. Peut-être son opération des yeux ne lui permettait pas encore d’évoluer avec confiance à l’écran. Il n’est cependant pas le plus mauvais interprète. Le comédien jouant son père, croisé dans One-armed Boxer de Jimmy Wang Yu, nous livre ainsi une des morts les plus grotesques de l’histoire. Ces soucis d’interprétation sont d’autant plus regrettables que sur le plan visuel Lo Wei s’applique bien plus que d’habitude.

Bien sûr, on ne peut pas comparer To Kill With Intrigue avec une des œuvres de Chu Yuan, baignant dans des atmosphères surnaturelles prenantes et bénéficiant de décors et de moyens plus que conséquents. De ce point de vue le réalisateur parvient malgré tout à nous surprendre. On n’observe rien de chatoyant ou de démesuré, mais les décors sont plus soignés que d’habitude, comme cette petite maison dans la forêt entourée de jolies fleurs qui illustrent le côté romantique de l’intrigue, ou le domaine du gouverneur, dont certains paysages semblent d’ailleurs avoir été utilisés dans Game Of Death 2. Mais c’est surtout le travail sur l’atmosphère qui est appréciable. Outre l’utilisation de filtres de couleurs à quelques passages clés (la fameuse course en amoureux dans l’herbe), le montage sonore est très développé. L’utilisation systématique du vent créé une atmosphère mystérieuse, et certains cris sont effrayants. On s’étonnera davantage de bruits de crapauds sortis de nulle part. Malheureusement, Lo Wei ne va jamais au bout de sa démarche, et l’ambiance qui existait réellement dans les premières minutes, faisant presque passer To Kill With Intrigue d’un cousin éloigné des œuvres de Chu Yuan, va vite se transformer en classique histoire de vengeance. Les retournements de situation, le jeu sur les apparences et les réputations et les trahisons vont être simplifiés à l’extrême pour créer un récit aussi linéaire que peu impliquant. C’est bien dommage car certaines révélations auraient permis de remettre en perspective notre rapport à l’héroïsme et on aurait pu assister à une quête identitaire classique mais sympathique. En l’état, il est difficile de s’attacher au héros que la découverte de la barbarie de son père ne semble même pas émouvoir. Les relations entre les protagonistes ne sont de toutes manières pas très développées, ce qui ne permet pas d’en mesurer la profondeur. De plus, leurs réactions semblent souvent manquer de logique et ne sont pas crédibles. A l’image du personnage de Jade Hsu obsédé par la vengeance avant de devenir obsédé par le corps de Jackie. Elle n’est pas la seule à subir l’influence de cet Apollon, puisque tous ceux qui le croiseront voudront rester à ses côtés quitte à y laisser la vie. Comme si Lo Wei tentait de convaincre le public par ce moyen de s’attacher à son acteur. Mais si Jackie l’interprète ne fait rien pour donner vie à son personnage, le héros qu’il campe ne fait pas non plus grand-chose pour mériter ces élans d’affection. Ce qui ne serait pas dérangeant si l’intrigue ne sombrait pas régulièrement dans le soap opéra. Poussé par la folie créatrice, Lo Wei ira ainsi jusqu’à monter le dialogue de deux couples en parallèles pour illustrer les mystères de l’amour. Car le cœur a ses raisons que la raison ignore, et Lo Wei, qui semble ignorer comment bat un cœur, s’obstine à vouloir nous émouvoir. Il se montre toutefois plus audacieux qu’on pourrait le croire, illustrant la fine frontière entre amour et haine de façon brutale dans le dernier tiers. Cette partie surprend par sa cruauté, malheureusement, fidèle à son manque de constance, Lo Wei va amoindrir son propos au moyen d’un happy end risible et sans cohérence.

Du point de vue narratif, To Kill With Intrigue, malgré des prémisses plus intrigantes qu’à l’accoutumée, reste une déception. Mais l’investissement de Lo Wei est évident, et on le sent bien plus inventif derrière sa caméra que dans ses précédentes réalisations. S’il nous avait habitués à des plans paresseux et sans envergure, il expérimente bien plus ici, en particulier dans les combats. Cette fois, il ne se contente pas de plans larges fixes, mais multiplie les gros plans et les caméras portées à l’épaule pour un résultat inégal mais immersif. L’action n’en est que plus dynamique, et on regrettera que ce parti-pris ne soit appliqué que les trois premiers quart d’heure. Il y a une véritable rupture de ton, tant scénaristique ment que visuellement, symbolisée par l’approche bien plus classique et soporifique du kung fu pian. Les chorégraphies elles-mêmes sont assez inégales. Le premier combat se fait épées à la main. Les échanges sont fluides, mais les mouvements très répétitifs, malgré les quelques acrobaties d’un Jackie Bondissant. Quand on voit le résultat des combats à mains nues, on se réjouit de voir les adversaires lâcher leurs armes. Les enchaînements deviennent plus complexes et élaborés, la vitesse est appréciable, et on sent presque l’impact des coups. Du moins lorsque c’est Jackie qui se bat. Les seconds rôles sont nettement moins convaincants malgré l’utilisation de doublures. Quand plusieurs cascadeurs sont sur un même plan, ceux qui se trouvent en arrière ne cherchent même pas à cacher qu’ils attendent d’attaquer en mimant des poses de combat. Dans tous les cas, on ne peut pas juger tous les combats de la même manière. Celui dans la maison est intéressant mais non dénué de défauts par exemple. L’utilisation de l’environnement et les acrobaties préfigurent largement le futur style Jackie Chan. Mais les échanges plus techniques déçoivent car les mouvements sont beaucoup plus décomposés que dans les combats précédents. Globalement, les échanges sont plutôt satisfaisants et variés, mais le final n’est pas à la hauteur. Il n’est pas tellement long si on se réfère aux classiques de l’époque, mais son aspect répétitif donne l’impression qu’il est interminable. Il faut dire que les duels où l’ennemi du héros est invincible sont peu intéressants. Surtout quant ils tournent au passage à tabac, ce qui est le cas ici. De plus, difficile de croire que Jackie est censé être devenu plus fort alors que ses mouvements sont beaucoup trop amples et le laissent constamment à découvert. Cependant, malgré un final décevant, la quantité de combats et leur qualité globale fait que To Kill With Intrigue devrait satisfaire les amateurs d’action, sans que les affrontements soient inoubliables du point de vue martial.

Lo Wei aura lutté jusqu’au départ de sa star pour prouver qu’il pouvait être un réalisateur compétent. Il n’aura jamais réellement su convaincre de ce point de vue, mais certains de ses travaux ne sont pas dénués de qualités. To Kill With Intrigue en fait partie et possède plus d’arguments qu’un New Fist Of Fury. A réserver aux inconditionnels de Jackie Chan malgré tout.
Léonard Aigoin 3/25/2011 - haut

Magnificent Bodyguards    (1978)
 Trois gardes du corps sont engagés par une dame pour escorter son frère malade à travers une vallée considérée comme étant très dangereuse puisque des bandits y ont établis leur QG. Mais les trois hommes ne savent pas qu’en réalité, ils transportent le chef du gang. Sur la route, chaque rencontre peut s’avérer fatale...

 Ces dernières années, les grands écrans ont été inondés de films en 3D. Même Hong Kong parvient à s’inscrire dans cette mouvance avec la sortie prochaine de 3D Sex & Zen: Extreme Ecstasy, qui présentera des effets érotiques en 3D. On a ainsi tendance à oublier que le phénomène avait déjà pris son essor dans les années 70. Il suffit de regarder les bandes annonces de pellicules d’exploitation de l’époque pour comprendre qu’une fois de plus, on ne fait que recycler une mode avec des moyens plus importants. Toujours à l’affût de nouvelles idées qui pourraient lui rapporter et compenser son manque de maîtrise de la caméra, Lo Wei décide donc de donner de l’ampleur au kung fu de Magnificent Bodyguards grâce à ce procédé révolutionnaire. Hé oui, à l’époque, Lo Wei et Jackie Chan faisaient déjà des films en 3D !

Au moment du tournage, Jackie Chan a déjà participé à une demi-douzaine de films pour la Lo Wei Motion Pictures, mais il n’est toujours pas devenu le nouveau Bruce Lee, contrairement aux espoirs portés sur lui. La tentative de faire de lui l’antagoniste de la star sur le déclin Jimmy Wang Yu dans Killer Meteors s’est également soldée par un échec. Le capital sympathie de star n’étant manifestement pas suffisant pour subjuguer les foules et compenser l’absence du petit dragon, Lo Wei décide pour ce nouveau film de lui adjoindre des acolytes connus du public. James Tien a déjà entamé sa carrière de traître perfide depuis Hand Of Death, croisant le fer à plusieurs reprises avec Jackie Chan, et a même combattu aux côtés de Bruce Lee (ce qui n’était sans doute pas une chance pour lui). Quant à Bruce Leung, s’il n’a jamais atteint la gloire, son travail aux côtés de Ng See-Yuen, ses superbes coups de pied et ses tentatives de singer le petit dragon (comme dans le psychédélique Dragon Lives Again où il incarne un Bruce Lee arrivé au ciel rencontrant Popeye ou encore Dracula) lui ont permis de se faire connaître. Enfin, pour achever de donner un cachet à son œuvre, Lo Wei obtient les services de l’écrivain Gu Long, un romancier ultra populaire, spécialisé dans la littérature wuxia et rendu célèbre dans nos contrées par les adaptations de ses écrits que Chu Yuan a faites pour la Shaw Brothers.

Mais si les productions Shaw mettent en valeur les histoires denses et complexes de l’écrivain dès leur introduction, grâce à une narration qui met en valeur le récit, Lo Wei préfère attaquer sans perdre de temps, démarrant son intrigue par un combat. Outre les partis-pris narratifs douteux, cette première scène permet de constater que le réalisateur n’a toujours aucun sens du cadre (voir son New Fist of Fury). Sa mise en scène est paresseuse et plate, constituée de plans fixes qu’on pourrait croire placés aléatoirement. Le montage est sans génie et n’apporte aucune dynamique aux affrontements. On sent bien que Lo Wei est plus occupé à mettre le maximum d’effets 3D possible qu’à livrer un travail appliqué. Malheureusement, la médiocrité de son travail sera le seul élément constant dans Magnificent Bodyguards. Et ce fameux effet de relief se présente toujours de la même façon : un personnage se trouve face à la caméra et lance une attaque, à la fin de son mouvement, il se fige dans un arrêt sur image, et l’objet se précipite vers le spectateur. Cette technique est utilisée à outrance, en particulier dans la dernière partie du film, sans qu’on ait la sensation qu’il y ait une réelle pertinence ou un véritable apport. Censés favoriser l’immersion du public, les effets 3D semblent avoir été favorisés au détriment du budget pour les costumes et les décors, qui sont encore plus mauvais que dans les productions Lo Wei habituelles. C'est dire... Difficile de rentrer dans un récit où tout semble faux. En comparaison, l’univers très coloré des films de Chu Yuan parvient à créer un univers à part, auquel on peut croire grâce à son côté cartoon. Ici on a plutôt l’impression d’assister à une mauvaise plaisanterie.

Malheureusement, cette tendance à tout mal faire, qu’on avait déjà largement eu l’occasion de constater dans le reste de la filmographie de Lo Wei, va se confirmer de façon spectaculaire. Comme s’il cherchait à convaincre son public qu’il pouvait faire encore pire. Incapable de filmer l’action de façon dynamique, il va ainsi prouver qu’il n’a aucun sens de la narration, réussissant à provoquer l’ennui alors que les combats s’enchaînent à raison d’un toutes les 5 minutes. Si on lisait les dialogues dans un roman, ils provoqueraient déjà l’hilarité par leur manque de substance et leur propension à accumuler les clichés, mais avec la mise en scène totalement plate de Lo Wei, ils atteignent une nullité qu’on pourrait presque qualifier d’héroïque. Mais c’est surtout lorsque le réalisateur se prend pour King Hu qu’on peut mesurer l’ampleur de son génie pour la non réalisation. King Hu avait une approche intellectuelle des arts martiaux, et privilégiait dans ses œuvres les scènes de tension, exploitant le cadre public des auberges pour des scènes inoubliables comme dans Come Drink With Me ou Dragon Inn dans lesquels ce n’était pas tant le combat qui importait, mais plutôt l’attente qui le précédait, et la bataille psychologique qui se livrait. Sans talent, il est difficile pour Lo Wei d’immerger le public dans un suspense de cette envergure. Pourtant, Lo Wei tente à tout prix d’instiller du mystère à son récit, mais son manque de sens de la narration et ses dialogues soporifiques peinent à insuffler la moindre ambiance de suspicion. Il faut avouer qu’il n’est pas aidé par un scénario sans consistance et même sans histoire. Au-delà de l’intrigue sans intérêt, c’est le manque de consistance des personnages qui impressionne. Aucun des héros n’agit jamais de la même manière, à l’image de Ting, celui incarné par Jackie, qui se montre rusé dans le premier tiers du récit, mais est toujours dépassé par les événements par la suite. De plus, notre trio d’amis se comporte plus souvent comme de parfaits étrangers que de vieux alliés. Le coup de théâtre final, en plus d’être prévisible, rend ce parti-pris encore plus ridicule. Pourtant, l’histoire est tellement succincte qu’on a bien du mal à croire que le peu d’événements qui s’y déroulent puissent être aussi inconsistants. On peut résumer l’intrigue à : trois combattants escortent une femme et son frère malade dans les montagnes de la mort, rencontrent beaucoup d’obstacles et remplissent la mission qu’ils s’étaient fixés. Une telle synthèse ne fait perdre aucune des subtilités de l’histoire. Difficile de croire que c’est le même Gu Long que chez Chu Yuan qui a officié en tant que scénariste. Lui qui nous a habitués à un sentiment de paranoïa pesant et à des pièges inventifs enchaine ici les traquenards les plus classiques. Pire, Bruce Leung, censé être sourd, est capable de lire sur les lèvres de personnes perchées à une dizaine de mètres au dessus de lui. Passage d’autant plus important qu’il apprend alors que leurs agresseurs essaient de les tuer, plan dont on se doutait un peu en les voyant leur jeter des rochers en carton pâte au visage. Rochers bien peu convaincants d’ailleurs, avec leur forme carrée. Dans le registre des effets risibles, n’oublions pas cet arbre mort qu’on devine secoué par un figurant pour mimer le vent. Et que dire des dialogues durant lesquels notre héros sourd, entouré de ses amis, se tourne dès que l’un d’eux prend la parole, comme s’il les entendait. Les incohérences dans les actes des héros sont tellement nombreuses qu’on ne les compte même plus. Comme lors de ce passage où James Tien demande aux autres de regarder dans une direction qu’il leur montre avant de leur commander de ne pas regarder.

Mais qu’on se rassure, si Lo Wei et Gu Long livrent un mauvais travail, les acteurs font leur possible pour se montrer dignes de leur médiocrité. A commencer par Jackie Chan, dont seule la prestation dans Eagle Shadow Fist peut rivaliser avec son interprétation de Ting. Lorsqu’il se présente comme un combattant fier et arrogant, on retrouve certaines de ses habitudes de jeu habituelles, qu’il maîtrise assez bien, mais rapidement, il semble mal à l’aise, n’ayant aucune idée de quelle expression adopter. C’est particulièrement vrai dans les longs et ennuyeux dialogues où il secoue la tête en regardant dans le vide. Il ne parvient jamais à convaincre et va rapidement être éclipsé par un James Tien plus sûr de lui. Si le vétéran ne livre pas sa meilleure prestation et que son jeu est également parfois approximatif, il manifeste une présence bien plus importante. Quant à Bruce Leung, il est totalement en retrait, à tel point que son personnage n’aura même pas l’honneur d’avoir la moindre motivation pour participer à l’aventure. Le grand méchant démoniaque nous refait le coup du rire démoniaque à chaque phrase, à tel point qu’on en vient à se demander s’il souffre de troubles obsessionnels compulsifs. A l’image de James Tien, qui semble incapable de s’empêcher d’arracher les visages ou les membres de ses adversaires, dans des effets gores hilarants. Cette violence aussi subite qu’exacerbée tranche avec le ton général, le final affichant d’ailleurs une brutalité qui le rapproche davantage des œuvres de Chang Cheh que de celles de Chu Yuan. Du moins s’il existait des enjeux dramatiques.

Mais qui se soucie de l’histoire tant qu’il y a des combats ! Et de ce point de vue, Lo Wei se montre généreux. Les chorégraphies sont par contre plutôt inégales. La première est ponctuée d’affrontements à la chorégraphie répétitive. Ce sont les affrontements de groupe qui sont privilégiés, et les mouvements sont peu variés. De plus, les cascadeurs bougent un peu plus lentement afin de donner l’impression que les héros sont plus rapides, ce qui rend les enchaînements peu fluides. Jackie et Bruce Leung sont en pleine forme et bougent très bien et les acrobaties de l’un et les coups de pied de l’autre sont bien mis en valeur. James Tien est nettement plus rigide. On constate néanmoins qu’il s’est amélioré depuis Hand Of Death, et même s’il se montre toujours plus convaincant avec une arme, il parvient plus ou moins à faire illusion à mains nues. Il faudra néanmoins attendre le dernier tiers du film pour assister à de véritables joutes martiales. Les enchainements deviennent plus techniques, les formes plus précises, et certains échanges sont même plutôt complexes. Le final, long et varié, multiplie les opposants et les techniques de façon spectaculaire, même si l’affrontement avec le chef est un peu moins réussi, à cause d’une utilisation trop abondante des câbles (qui ne sont même pas cachés) et des trampolines. Du point de vue martial, le spectateur qui aura subi une première heure insipide, se réjouira de la qualité des combats du dernier tiers, qui sans être inoubliables sont martialement plutôt intéressants.

Magnificent Bodyguards est un film de Lo Wei, il reste donc médiocre, raconté et filmé sans talent, et joué avec platitude, mais son dernier tiers assure le spectacle de façon efficace.
Léonard Aigoin 3/19/2011 - haut

New Fist of Fury    (1976)
 Jackie est un petit voleur qui va secourir une école taiwannaise d'arts martiaux des griffes de vilains combattants japonnais.

 Faisant parti de l’industrie cinématographique chinoise depuis le milieu du 20ème siècle, Lo Wei est un artiste dont la carrière peut-être qualifié de prolifique. On l’a ainsi vu acteur, puis réalisateur, avant qu’il ne se lance dans la production. S’il a d’abord mis en scène quelques films d’action pour la Cathay Asia Films, c’est en 1965, en intégrant les rangs de la Shaw Brothers qu’il va prendre de l’ampleur. Le réalisateur va ainsi s’engager dans un long et fructueux partenariat avec la jeune star Cheng Pei Pei révélée par King Hu dans Come Drink With Me, dont le statut d’actrice d’action a été confirmée par ses collaborations avec Ho Meng-Hua. Lorsque Raymond Chow décide de créer sa propre société, Lo Wei se joint à lui, et confirme son talent pour engager de véritables vedettes, venant à la rescousse de l’équipe de Big Boss, puis réalisant Fist Of Fury, deux films que tout amateur de films d’arts martiaux connaît pour la participation de la tornade Bruce Lee. Le petit Dragon va cependant rapidement voler de ses propres ailes, avant de disparaître dramatiquement, laissant le réalisateur sans star. Sans s’éloigner du film d’action, Lo Wei va délaisser le cinéma de kung fu au profit de divertissements plus contemporains, qui tentent d’attirer un public plus large. On reconnaît par exemple parmi ses influences le cinéma japonais, comme dans certains plans de A Man Called Tiger, et il parvient à faire tourner Chuck Norris pour plaire au public américain. Mais le succès peine à venir, et il est plus que temps pour le metteur en scène de trouver sa nouvelle poule aux œufs d’or. Il va alors profiter de son association à l’un des grands succès du petit dragon pour se relancer. D’ailleurs, avec l’explosion de la Bruceploitation dès la fin de l’année 1973, il était surprenant que Lo Wei n’ait pas cherché à capitaliser plus tôt sur ce phénomène. Néanmoins, il ne va pas réellement s’engouffrer dans cette mode, et plutôt que de choisir un acteur ayant une vague ressemblance avec le petit dragon, il va choisir, conseillé par Willie Chan, un cascadeur qui a déjà travaillé sur ses films, et qui s’est déjà essayé au métier d’acteur, Jackie Chan. Ce dernier a eu l’occasion de tourner des rôles conséquents, dans Master With Cracked Fingers, Not Scared To Die/ Eagle Shadow Fist, ou le Hand Of Death de John Woo, mais sans parvenir à s’imposer en tant que vedette. Afin de le rendre plus présentable, Lo Wei va l’inviter à avoir recours à la chirurgie esthétique, afin notamment d’agrandir ses yeux. Il va aussi le surnommer « Sing-Lung », afin de rappeler Bruce Lee dont le prénom cantonais pour le cinéma était Siu-Lung. Et si James Tien, qui tournera régulièrement avec Chan les années suivantes, ne fait pas partie du tournage, on retrouve malgré tout l’actrice Nora Miao et le chorégraphe Han Ying Chieh, qui apparaît également devant la caméra (alors qu’il jouait un traitre tué par Bruce Lee dans le film précédent).

New Fist Of Fury se présente en effet comme une véritable suite au premier Fist Of Fury, contrairement à toutes les autres productions ayant repris une partie de son titre. Les décors ne sont plus les mêmes, mais Lo Wei va tout faire pour nous rappeler la légitimité de son produit. Dès le générique, appuyé par une musique pop qui rappelle celle du générique de Big Boss, sans en raviver la puissance, on retrouve la léthargie du style du metteur en scène. S’il s’investit complètement, produisant, écrivant le scénario, et réalisant, il ne parvient jamais à transmettre cette énergie, et sa mise en scène est d’une mollesse incroyable. Il ne manifestait déjà aucun sens du cadre à l’époque du premier Fist Of Fury, proposant des plans aussi sommaires que sans imagination, mais l’énergie du petit dragon compensait. Cette fois, il n’y a plus de tornade, et le scénario se perd dans de longs dialogues à l’écriture risible, interprétés par des acteurs qui semblent tout ignorer de leur métier, et dont l’intérêt pour la progression dramatique est plus que discutable. En effet, pensant certainement ne pas pouvoir se fier à sa vedette en herbe, Lo Wei fait le choix de laisser Chan au second plan pendant une bonne partie de l’histoire, ce dernier n’intervenant presque pas dans tout le deuxième tiers du métrage. Un parti-pris aussi surprenant que décevant, Nora Miao n’ayant absolument pas le charisme nécessaire pour interpréter une chef de la résistance. A sa décharge, le scénario se construit autour de personnages insipides, et l’intrigue n’a pas beaucoup de sens. Comme dans Eagle Shadow Fist, les révolutionnaires ne légitiment jamais leur réputation, leur action la plus spectaculaire consistant à donner un nom chinois à leur école. Alors que Lo Wei met un point d’honneur à présenter les japonais comme des animaux (le traitement le plus classique dans un film de Hong Kong), on a bien du mal à comprendre ce qui fait des chinois un peuple héroïque, puisqu’ils ne se montrent jamais réellement courageux. Le développement des personnages est de toutes manières des plus aléatoires. Il ne dépasse bien sûr jamais la caricature, et il ne parvient que rarement à bien illustrer les clichés. Si Chiang Kam, bien connu des amateurs de kung fu comédies, est plutôt convaincant en brute sans cervelle mais digne, le professeur de kung fu chinois n’est jamais crédible en traître, puisque sa fourberie se limite à acquiescer aux propos de l’envahisseur japonais. Pire, la description des japonais, brutaux et sans pitié, n’est presque jamais illustrée, puisqu’à part imposer la domination des écoles d’arts martiaux, ils ne se livrent à aucune exaction. Les scènes violentes, les passages à tabac et les exécutions sont d’ailleurs très peu nombreux, ce qui ne permet pas au climat d’être pesant. Certaines scènes possèdent pourtant les atouts pour construire cette ambiance oppressante, notamment lors du contrôle des arrivants chinois. Les figurants sont bien assez nombreux pour que leur sort soit immersif. Mais Lo Wei ne parvient jamais à donner de souffle à sa mise en scène et tire en longueur des scènes sans intérêt et sans conséquence. Outre cet interminable contrôle, une descente finalement bien pacifique à l’école de nos héros finit de casser un rythme déjà peu maîtrisé.

Fist Of Fury ne débordait pas non plus de combats, mais la violence y était omniprésente, et le sentiment de paranoïa rendait les péripéties de Bruce Lee plutôt prenantes. Par contre, le pickpocket interprété par Jackie Chan est bien trop détaché pour qu’on se sente concerné par ses aventures. On a d’ailleurs bien du mal à comprendre pourquoi tout le monde semble fasciné par ses exploits, puisqu’il s’est contenté de dérober un petit coffret. Le choix d’en faire un petit voyou n’est pas mauvais, puisqu’il permet à l’acteur de s’appuyer sur un jeu teinté d’arrogance et d’insolence. Son personnage pourrait presque rappeler le Wong Fei-hong qu’il interprète dans Drunken Master. Mais son manque d’aptitude martiale est un élément scénaristique peu intéressant, d’abord parce qu’il rend les deux premiers affrontements anecdotiques, ensuite parce qu’il n’a pas d’intérêt du point de vue de l’histoire. On aurait pu en effet tout à fait imaginer qu’il refuse de se joindre au combat tout en sachant se battre. D’autant plus que son entraînement ne dure pas plus de cinq minutes, et qu’il devient un maître imbattable en l’espace de quelques jours. Les apprentissages martiaux constituent un élément presque indissociable d’une grande majorité des films de kung fu des années 70, et des chorégraphes comme Liu chia-Liang ou Yuen Woo-Pin ont su les rendre aussi ludiques qu’instructifs. Lo Wei et son chorégraphe Han Ying Chieh se contentent quant à eux du minimum syndical, mettant en scène quelques figures basiques ainsi que des échanges entre Jackie et les autres membres de l’école. L’acteur y a l’occasion de montrer ses acrobaties et sa maîtrise des armes, maniant le setsukon de façon très convaincante. Paradoxalement, cet entraînement est peut-être la prestation martiale la plus saisissante de New Fist Of Fury. Mais au-delà du manque de crédibilité de cette transformation du personnage, c’est son évolution psychologique qui ne convainc pas. Refusant le combat à tout prix pendant 50 minutes, il décide sans que rien ne l’ait annoncé, de devenir un résistant, risquant sa vie en l’annonçant publiquement, alors que toute une armée de chinois vient de se taire devant cinq japonais. Même Si Chen Sing, vétéran de la Shaw Brothers, est non seulement l’acteur le plus charismatique, mais aussi un adversaire menaçant et inquiétant, on a bien du mal à trouver héroïque un groupe 10 fois plus nombreux que l’oppresseur. Sans attendre un film de Lo Wei pour son scénario ou sa réalisation, il faut bien avouer que New Fist Of Fury reste une épreuve, d’autant plus que les combats sont peu nombreux.

Du point de vue martial, il y a une véritable rupture entre les échanges qui ponctuent les 50 premières minutes et ceux auxquels on assiste à partir de l’entraînement du héros. On a presque l’impression que le chorégraphe n’est plus le même. D’autant plus que Han Ying Chieh se fait plus présent à l’écran. Mais avec son rythme décevant, il ne faut compter que sur le final d’une durée traditionnelle de 15 minutes pour obtenir le quota d’arts martiaux qu’on est en droit d’attendre avec un tel sujet. Présenté sous forme de tournoi improvisé, cette grosse scène d’action est très dynamique, grâce au nombre de protagonistes, mais le montage est plus chaotiques, et on a presque l’impression, durant les cinq premières minutes, d’assister à un épisode de Dragon Ball. Même si le niveau est largement supérieur aux autres combats, les acteurs ont tendance à se découvrir bien trop lorsqu’ils attaquent. Les chorégraphies sont malgré tout plus techniques, les figures sont plus précises, et les enchaînements plus vifs. Mais c’est réellement lorsque Jackie Chan intervient que les affrontements prennent de l’ampleur. L’acteur allie vitesse, précision et puissance, tout en nous gratifiant de quelques acrobaties sympathiques, multipliant par exemple les flips avant. Son duel contre Chen Shing est inégal, mais comporte quelques échanges aussi complexes qu’intéressants. On pouvait craindre le pire en voyant l’insistance sur la force brute de Chen Sing, mais les autres phases du duel sont plus traditionnelles, et donc plus satisfaisantes martialement. La confrontation entre Setsukon et saïs est notamment plutôt réussie, sans être inoubliable. Malheureusement, la dernière partie du combat est ratée, puisqu’elle se limite à un classique passage à tabac du héros, censé accentuer la tension dramatique, mais qui se conclue par une inévitable victoire sans éclat.

New Fist Of Fury n’est pas un bon film. Lo Wei ne possède pas le talent d’un Chang Cheh pour construire une dramaturgie prenante, ni l’audace visuelle d’un Chu Yuan. Il n’est même pas assez rigoureux pour être comparé à un Joseph Kuo. Ne maîtrisant aucun des aspects de son film, il ne parvient même pas à en faire un véritable divertissement martial, malgré quelques passages satisfaisants. Le casting est globalement mauvais, seul Chen Sing tirant réellement son épingle du jeu. Quand à Chan, sans avoir le charisme qui fera de lui une star par la suite, il offre une interprétation dramatique plutôt convaincante, ce qui n’était pas évident avec un tel scénario, et s’illustre de façon très convaincante dans les affrontements, malgré des chorégraphies qui manquent d’ambition.
C'est un film qui est donc à voir avant tout pour son importance historique.
Léonard Aigoin 3/14/2011 - haut

Detective Dee - The Mystery Of Phantom Flame    (2010)
 Alors que l'Impératrice Wu (Carina Lau) prépare sa cérémonie de couronnement, les opposants grondent de plus en plus fort. Contre elle, des traditionalistes qui s'insurgent devant l'interruption de la dynastie des Tang – par une femme qui plus est -, mais aussi des citoyens qui rejettent celle qui a assassiné et emprisonné pour accéder au pouvoir.
La cérémonie approchant, des officiels du premier cercle meurent dans d'atroces souffrances, victimes de combustion spontanée. Devant ce mystère que ne parviennent pas à résoudre les forces de l'ordre, l'impératrice décide de faire appel au détective Dee (Andy Lau), celui-la même qu'elle a envoyé en prison huit ans auparavant pour opposition à son règne. (DOV)


 On peut essayer d’objectiver l’art, et en l’occurrence le cinéma autant qu’on le voudra, en décernant notamment des récompenses prestigieuses, ou encore en attribuant les termes « culte », ou « chef d’œuvre », mais les sensations que l’on ressent lorsqu’on découvre un film sont aussi uniques qu’intimes, et les arguments les plus élaborés ne suffiront jamais à cacher la subjectivité de nos avis. C’est cette façon personnelle d’aborder le cinéma qui donne son sens à la discussion, à l’échange, et qui donne vie à nos passions. C’est pour cette raison que l’évocation d’un nouveau projet de Tsui Hark provoque immanquablement des frissons d’excitation chez certains, quand d’autres s’attarderont plus sur le sujet de l’œuvre que sur les noms qui l’entourent. Or, quand on aborde Detective Dee and The Phantom Flame, il semble regrettable de faire l’impasse sur le riche héritage de cette adaptation, tant les personnes liées à cette production sont d’horizons différents. Un métissage à l’image du réalisateur, dont les origines et les voyages mêlent le Vietnam, les États-Unis d’Amérique et bien sûr l’ex colonie britannique. Cet aspect cosmopolite de l’artiste n’est certainement pas étranger à la réputation de metteur en scène le plus créatif de Hong Kong. En effet, on peut supposer que la volonté de bousculer les genres et de dynamiter les conventions chère à Tsui Hark est liée à ces différentes expériences, qui l’éloignent d’une vision purement traditionnelle de la Chine, même s’il clame constamment son amour pour cette culture. S’étant essayer à presque tous les genres, le réalisateur a connu de grands succès, mais aussi des échecs difficiles, et après avoir connu une renommée qui lui a permis d’être surnommé « le Steven Spielberg de Hong Kong », l’artiste a eu du mal à retrouver son public, comme en témoigne l’accueil de Missing et All About Women. Les fans attendaient donc avec impatience le grand retour de celui qui avait relancé le genre du kung fu pian avec sa prestigieuse saga des Once Upon A Time In China. Et c’est en adaptant une fois encore les exploits d’une figure mythique de l’histoire chinoise que Tsui Hark entend reconquérir son public. Detective Dee, plus connu sous le nom de Juge Ti en France, est ainsi un personnage littéraire inspiré de Di Renjie, haut fonctionnaire sous la dynastie des Tang, ayant vécu de 530 à 600 après JC. Outre ses fonctions de magistrats, il devint, sur la fin de sa carrière, ministre pour l’impératrice Wu. Si le personnage est connu en occident, c’est avant tout grâce à Robert H Van Gulik, diplomate hollandais spécialisé dans la culture chinoise. L’intérêt de ces écrits est de faire découvrir le fonctionnement de la justice chinoise de l’époque, avec un souci de réalisme inouï, tout en rendant la lecture ludique grâce à des enquêtes dans lesquelles les qualités de détective du héros illustrent un esprit brillant. Van Gulik n’est pas le seul auteur a s’être réapproprié le personnage, puisqu’en 2004, Frederic Lenormand romancier maintes fois récompensé, publie Les Nouvelles Enquêtes Du Juge Ti, dans la pure tradition des romans précédents. Si Di Renjie n’a pas le potentiel spectaculaire d’un Wong Fei-Hong, ses qualités les plus prisées étant d’ordre intellectuel, certaines histoires mettent en avant son courage et ses qualités de combattant. A la fin des années 60, le héros a vu ses enquêtes adaptées pour la télévision britannique, sans qu’aucun acteur asiatique ne soit impliqué dans le tournage. Enfin en 1974, le réalisateur Jérémy Paul Kagan a mis en scène un téléfilm, Judge Dee And The Monastery Murders, avec des figures connues comme Mako ou James Hong, et le métisse Kigh Diegh dans le rôle titre.

Contrairement aux œuvres précédentes, le côté classique des enquêtes du juge Ti telles qu’on les connaît et la plongée dans l’administration judiciaire de la Chine des Tang ne sont pas les centres d’intérêt du réalisateur, qui va se débarrasser du contexte en l’espace de quelques secondes, grâce à des inscriptions accompagnant les premiers plans nous confrontant à un mélange de décors réels et d’effets spéciaux compensant un budget certainement insuffisant pour satisfaire l’ambition d’un metteur en scène comme Tsui Hark. Ce procédé n’est pas utilisé à outrance, et si le public n’est jamais dupe, le résultat est bien assez satisfaisant pour qu’on se laisse immerger dans cette époque lointaine à l’atmosphère de légende. Les décors réels sont très réussis et mis en valeur par des drapeaux aux couleurs chatoyantes. Les costumes sont d’une élégance et d’un raffinement qui contrastent avec l’esthétique criarde des wu xia pian de Zhang Yimou. Les différences de ton entre les travaux des deux réalisateurs vont d’ailleurs se faire de plus en plus évidentes au fur et à mesure du récit. Un constat important, tant Hero, House Of Flying Daggers et Curse Of The Golden Flower se sont imposés comme les modèles à imiter de la majorité des wu xia ayant inondé les écrans ces dernières années. Pourtant, on s’étonne dans un premier temps, de découvrir la caméra de Tsui Hark se permettre des mouvements amples et posés, lui qui nous avait habitués depuis Time And Tide en particulier, des montages frénétiques. Ici, il s’accorde une mise en image qui peut paraître plus classique, mais aussi et surtout, plus ample. Un parti-pris qui s’inscrit parfaitement dans l’ambiance plus traditionnelle du récit, et illustre le retour aux sources, tout en mettant en valeur le gigantisme de la cité et la grandeur de constructions dignes de la tour de Babel. L’ensemble devient vite vertigineux, et on comprend aisément pourquoi les distributeurs français, pour qui le nom de Tsui Hark reste vendeur, comme en témoigne la sortie de Seven Swords dans nos salles, ont fait le choix de diffuser ce Detective Dee And The Phantom Flame. Et pour s’assurer que tout le monde peut suivre son récit justement, le metteur en scène a la bonne idée d’introduire un général étranger, qui n’apparaîtra d’ailleurs plus jamais dans l’histoire, ce qui permet aux personnages chinois d’expliquer le contexte sans que cela ne semble gratuit. Devant une telle avalanche d’informations et de peintures mémorables, on a l’impression d’assister à un spectacle constant, et la sensation que Tsui Hark n’a que peu d’intérêt pour la réalité historique semble largement se confirmer. Pourtant, au détour de deux plans spectaculaires, on assiste tout de même à un passage à tabac qui illustre les méthodes brutales des représentants de l’ordre, rappelant la réalité violente des romans du Juge Ti. On constatera par la suite que cette scène est davantage un leurre qu’une description des mœurs de l’époque. C’est d’autant plus regrettable que les occasions de s’appesantir de façon ludique sur le système judiciaire de l’époque sont nombreuses durant cette première demi-heure qu’on ne voit pas passer. Et c’est bien là le talent du réalisateur : sans choisir la facilité d’enchaîner les scènes d’action spectaculaires, il parvient à nous immerger dans son récit au point que les minutes semblent des secondes.

A ce titre, l’ivresse du rythme rappelle largement les adaptations de Gu Long que Chu Yuan réalisait pour la Shaw Brothers dans les années 70. D’ailleurs, le traitement même du récit, qui mélange les inspirations surnaturelles et une vision plus classique de l’énigme policière, rappelle la collaboration des deux hommes. Certains décors, comme celui du bazar, s’inscrivent directement dans ce même héritage, le dit décor rappelant par exemple la fameuse ile de Legend Of The Bat, en moins psychédélique. Un constat qui n’a rien d’étonnant quand on sait que le metteur en scène rêve depuis des années de réaliser un remake de Death Duel. On imagine ainsi sans mal le Ti Lung de l’époque se glisser dans la peau d’un juge Ti aussi charismatique qu’arrogant. Andy Lau se révèle le successeur parfait de l’acteur, et irradie tout autant de charisme. Plus surprenant encore, il parvient à exprimer la sagesse et l’esprit brillant du juge, tout en y mêlant une désinvolture et une fougue tout à fait bienvenue. Les dialogues sont d’ailleurs très travaillées et permettent des échanges savoureux, notamment lorsque le héros débat avec la controversée impératrice Wu campée par une Carina Lau a la présence remarquable. Car comme évoqué en introduction, Detective Dee - The Mystery Of Phantom Flame est un film à noms. Outre les personnages historiques, le casting est constellé d’étoiles dont la réunion est des plus lumineuses sous la caméra d’un Tsui Hark qui de toute évidence prend autant de plaisir que nous a faire se rencontrer des stars indémodables comme Andy ou Carina, mais aussi de vieilles figures on ne peut plus sympathiques comme les inénarrables Richard Ng et Teddy Robin Kwan, aux côtés de jeunes acteurs énergiques loin des starlettes fades omniprésentes dans les films de Hong Kong. Si le ton est plutôt sérieux, et va même s’aggraver tout au long du récit, l’humour n’est pas absent. Un humour subtil et cynique, ponctué de scènes invraisemblables comme un combat/interrogatoire aussi bref que fulgurant entre le juge Ti et le ministre Pei. Cette folie communicative rappelle avec flamboyance l’esprit des wu xia pian des années 90, grâce à l’enthousiasme du réalisateur et au travail réjouissant de Sammo Hung. Ce dernier évite l’écart de la quasi-totalité des chorégraphes de wu xia pian actuels qui semblent calquer leur travail sur les combats réglés par Tony Ching Siu-Tung pour Zhang Yimou. Au lieu des ballets aussi esthétisants que mous, le duo nous offre donc des affrontements spectaculaires et virevoltants, nous épargnants les ralentis devenus indissociables du genre. Il ne faut bien sûr pas s’attendre à de longs affrontements très techniques où les figures traditionnelles de kung fu s’enchaînent dans des plans complexes. Les échanges sont généralement brefs, et l’utilisation des câbles est systématique. La variété est au rendez-vous, et le nombre important de scènes d’action donne beaucoup de souffle à un rythme maitrisé. Le final, très ambitieux, est d’une grande inventivité et tire parti de tous les moyens à la disposition de l’équipe pour offrir aux spectateurs un spectacle dense, complexe, mais toujours accessible. Les combats représentent d’ailleurs une bouffée d’air frais dans une production globalement aseptisée, et Tsui Hark fait régner un vent de folie qui nous rassure sur sa capacité à se révolter contre une industrie moribonde, au moins du point de vue artistique.

Paradoxalement, c’est ce côté délirant et réjouissant qui empêche Detective Dee - The Mystery Of Phantom Flame d’être autre chose qu’un très bon divertissement. Le traitement de l’intrigue n’est pas dénué d’intérêt. Hark parvient notamment à retranscrire de façon immersive le sentiment de danger permanent et l’atmosphère de paranoïa intense dans laquelle vivent les personnages. Le récit en lui-même se suit sans mal, et la narration est limpide. Mais on peine trop à retrouver l’essence du Juge Ti. Si dans la première partie son assurance donne constamment l’impression qu’il connaît plus d’éléments que les autres personnages, il ne démontre finalement que trop rarement ses qualités d’enquêteur, s’illustrant bien plus dans les scènes d’action. Ses premières déductions sont d’ailleurs tellement simplistes qu’on appréhende la résolution de l’intrigue. Par la suite, il se montrera plus fin, mais la deuxième partie du film constitue davantage une grande course poursuite ponctuée de coups de théâtre et de trahisons qu’un véritable travail d’investigation. Et quand enfin Ti nous rappelle son titre, c’est pour dévoiler les tiroirs d’une conspiration amusante, mais qui fait davantage penser au plan d’un criminel échappée de la série TV Monk avec Tony Shaloub, que d’un vaste complot politique. Cette déception est malgré tout plus ou moins compensée par le traitement nuancé des personnages. Tsui Hark évite ainsi de se montrer trop manichéen et nous présente des protagonistes très humains, dont l’évolution tout au long de l’histoire est aussi manifeste que crédible, en particulier dans le cas du juge Ti. Et même si son destin est plus fantaisiste que la réalité historique, on prend beaucoup de plaisir à s’immerger dans un pan de l’histoire de la Chine, même si on en apprendra finalement peu sur le sujet.

En inscrivant son récit dans une atmosphère de légende, Tsui Hark signe un divertissement aussi léger que réjouissant, à la réalisation maîtrisé, et au rendu visuel magnifique. Detective Dee - The Mystery Of Phantom Flame ne semble pas aussi inoubliable que d’autres œuvres de l’artiste, mais il reste un témoignage très réussi de sa créativité, dont la réussite est le résultat du travail d’une équipe investie !
Léonard Aigoin 3/8/2011 - haut

Hand Of Death    (1976)
 En Chine au XVIIIè siècle. Le Temple des moines Shaolin reste le dernier rempart contre l’invasion mandchoue. Lorsqu’un de ces moines, Shih (James Tien) non seulement choisit de passer à l’ennemi mais en plus extermine tous les patriotes qui tentent de renverser la Dynastie Ching, l’heure est à la rébellion. Yun Fei (Dorian Tan) le meilleur élève de Shaolin est envoyé en mission pour mettre un terme aux activités de Shih. En chemin il rencontre Yung Hsiung (Jackie Chan), un garçon d’apparence craintive mais qui rumine un désir de vengeance depuis que Shih a tué son frère. Yun Fei et Yung Hsiun obtiennent l’aide d’un as de l’épée le dénommé Zorro (Chang Chung). Ensemble parviendront-ils à venir à bout du puissant Shih ? (DVDRAMA)

 Lorsque Ng See-Yuen et Yuen Woo-Ping prennent Jackie Chan en mains en 1978, c’est un peu un second souffle dans une carrière qu’on ne peut pas encore qualifier d’extraordinaire. En vérité, c’est même d’un troisième souffle qu’il s’agit. En effet, avant l’historique appel de Londres… de Willie Chan en 1976, proposant au jeune acteur de rejoindre l’écurie de Lo Wei, plusieurs tentatives avaient déjà été faites au début des années 70 pour faire du jeune homme le successeur de Bruce Lee. Mais entre un Master with Cracked Fingers qui n’eut pas droit à une sortie en salles, et un Eagle Shadow Fist lamentable où il joue les seconds rôles sans éclat, on a presque du mal à comprendre pourquoi tant de chances lui ont été données. Il s’agit d’ailleurs bien d’une bonne étoile, puisque son rôle était à l’origine prévu pour un acteur coréen, qui n’aura pas su convaincre le réalisateur. Ce dernier, ayant déjà travaillé avec Chan sur The Young Dragons, l’aurait donc appelé pour prendre part au tournage. Son rôle dans ce Hand Of Death ne dépasse cependant pas les vingt minutes d’apparition, puisque le rôle principal est tenu par le coréen Dorian Tan. Réputé pour ses coups de pied, cet artiste martial aura, contre toute attente, connu une carrière bien moins impressionnante que celle du petit Jackie. Hand Of Death est à ce titre une date car il réunit une quantité assez impressionnante de futurs anciens grands noms du cinéma d’arts martiaux, et représente une pierre angulaire dans l’avenir de tous ces artistes. John Woo, qui signe là son cinquième film en tant que réalisateur (si on compte sa participation à la mise en scène de The Private Eyes, aux côtés de Michael Hui), est loin d’être l’auteur qu’on connaît aujourd’hui, mais il n’est déjà plus un amateur, puisqu’il a déjà fait ses armes sur The Young Dragons et Dragon Tamers. Il faudra finalement atteindre Last Hurrah For Chivalry pour assister à la naissance d’un artiste à l’identité tant visuelle que thématique forte, même si le succès de l’auteur tardera encore à arriver, au profit de l’artisan faiseur de comédies grasses. Au contraire, Sammo Hung, qui s’illustrera réellement dès 1977 en réalisant The Iron Fisted Monk, kung fu comedy non dénuée de violence, interprète ici un diabolique mandchou aux dents ridicules. Faisant également office de chorégraphe, ce dernier aura profité de l’occasion pour introduire ses petits frères : outre la présence de Jackie Chan, Yuen Wah peut être aperçu maniant une lance avec dextérité, alors que Yuen Biao multiplie les figurations, avec et sans action. C’est d’ailleurs la première fois qu’autant de membres des sept petites fortunes sont réunis à l’écran, même si on ne les voit pas interagir ensemble. Et si aucun d’eux ne verra sa carrière bouleversée par sa participation, il s’agit d’une expérience qui ne peut qu’avoir été profitable, comme Chan le confie dans son autobiographie, ne serait-ce que pour constater le sérieux de John Woo, quand tant d’autres metteurs en scène de l’époque enchaînaient les pellicules sans aucun souci du travail livré. Mais un des membres de l’équipe va trouver le rôle de sa vie : James Tien, qui en véritable pendant de Johnny Wang va devenir l’infâme traitre attitré de la Golden Harvest.

En effet, le titre original signifie « Shaolin Gate ». Et comme Chang Cheh, mentor de John Woo, s’est évertué à nous le prouver, un film parlant de Shaolin ne peut que débuter par une traîtrise des infâmes mandchous. La voix-off très calme qui introduit ce contexte bien connu présente les « faits » avec une telle assurance, qu’on se prend bien sûr immédiatement à sympathiser avec les élèves du temple Shaolin. Il faut dire que les mandchous et les traîtres ont tellement de vices qu’on ne peut que les abhorrer. Entre les dents de Sammo Hung, ses grimaces, la bêtise des soldats, et la fourberie sans limite d’un James Tien au regard perçant, la nuance n’est pas vraiment au rendez-vous. Comme chez l’Ogre de Hong Kong, les patriotes chinois sont au contraire héroïques et prêts à tous les sacrifices, manifestant une solidarité à toute épreuve, et leur bravoure est appuyée de façon spectaculaire par un thème musical dont la fulgurance évoque davantage les bandes originales d’un Baby Cart que les mélodies d’un Roman Tam (qui composera les musiques de Last Hurrah For Chivalry). Il faut dire que le ton mélancolique qui caractérise les films les plus personnels de John Woo est absent d’un scénario aussi classique que prévisible. Si l’élément de surprise n’a jamais été au centre de la filmographie du réalisateur, il ne s’éloigne jamais ici du schéma très balisé du film de kung fu shaolin, et l’intrigue ne dépassera jamais le point de départ des patriotes décidés à renverser l’oppresseur. Ce n’est pas le seul point commun avec les films de Chang Cheh. Ainsi, comme dans Deadly Duo, nos braves héros sont totalement dénués d’imagination et s’obstinent à mettre en place le même plan, alors même qu’il s’est révélé inefficace. Pire, certains sacrifices sont fait sans raison logique, menaçant de faire sombrer l’ensemble dans la bisserie la plus impardonnable. Woo installe ainsi une dramaturgie qu’il ne parvient jamais à exploiter autant qu’il le pourrait. La tromperie du héros, poussé à assassiner son frère d’armes pour tromper l’ennemi rappelle ainsi inévitablement des classiques de la Shaw Brothers, comme The Avenging Eagle, ou The Jade Tiger, dans lesquels cette situation donnait lieu à un suspense aussi prenant qu’insoutenable. Or, dans Hand Of Death, le dilemme n’est pas de mise, puisqu’à peine le danger présenté, nos patriotes se précipitent vers la mort, sans exploiter les autres alternatives qui s’offrent à eux. On sent la volonté de Woo de faire de ses protagonistes des martyrs, comme ceux de son mentor, mais s’il a réussi à rendre les Mark Gor fascinant, les élèves de Shaolin courent au suicide de façon tellement gratuites qu’ils en deviennent plutôt agaçants. C’est particulièrement vrai lors d’un des derniers combats où l’un des meilleurs combattants du film se jette sur une lance sans qu’on comprenne pourquoi, nous privant de son talent pour le dernier affrontement. Les réactions illogiques sont donc nombreuses, et on ne comprend pas comment les héros ne percent pas à jour les trahisons de seconds rôles à l’allure qui ne trompe pourtant pas. Les cascadeurs ont quant à eux la fâcheuse tendance à ne pas bouger, attendant qu’on les frappe, une stratégie sans doute destinée à donner l’impression que les héros sont actifs en comparaison. Woo aura d’ailleurs recours à ce subterfuge à de multiples occasions, notamment lorsque James Tien s’illustre martialement. Totalement dépassé par le niveau des autres acteurs, ce dernier insiste sur ses mouvements, les rendant d’ailleurs bien trop amples pour être convaincants. De plus, sa lenteur force Dorian Tan à ajuster sa propre vitesse, ce qui donne lieu à des échanges bien moins réussis que les autres combats.

Mais ces désagréments sont compensés par le travail très sérieux de Woo, qui sans manifester un sens du cadre aussi artistique que dans ses travaux suivants, livre un produit bien fait. On ne trouvera par exemple aucun des hors champs si fréquents à l’époque, et malgré la durée, son Hand Of Death évite de n’être qu’une succession de combats. Au contraire, on sent la volonté de raconter une histoire à la dramaturgie puissante, qui n’a pas peur de s’appesantir sur ses personnages. On trouve même chez Lanze, ancien héros devenu alcoolique, les prémisses du héros Wooïen type, mais son rôle reste trop effacé, sans doute parce que Woo a conscience que Yeung Wai n’a absolument pas le charisme nécessaire pour interpréter un être déchu de cette trempe. Il ne volera donc pas la vedette à un Dorian Tan absolument transparent, qui n’est convaincant que lorsqu’il donne des coups de pied. Il se montre en effet insipide dans les scènes dramatiques, et peu crédible lorsqu’il mime des formes de kung fu traditionnel, avec lequel il est sans doute nettement moins à l’aise que le tae kwondo. Sammo étant ridiculisé pour démontrer à quel point les mandchous sont des êtres vils, on ne peut pas dire que le casting marquera les esprits. Pourtant, et contre toute attente, Jackie Chan manifeste une réelle présence, qu’on commençait d’ailleurs déjà à entrevoir dans Master With Cracked Fingers. Dès sa première apparition, son charisme et son attitude unique sautent aux yeux, surtout lorsqu’on le voit donner la réplique à un Dorian Tan absent. Quelques passages lui permettront également de dévoiler son attrait pour le jeu outré qu’il adoptera dans ses futures kung fu comedies, sans pour autant qu’il se contente de grimacer en permanence. En effet, il parvient à nuancer son personnage et à véhiculer de l’émotion dans les scènes les plus graves. On regrette que son temps de présence à l’écran soit si réduit, y compris sur le plan physique, puisqu’il ne participe qu’à deux combats, qui font d’ailleurs partie d’une seule et longue scène d’action. Les collaborations cinématographiques entre les petites fortunes ont toujours marqué les esprits, et l’association du chorégraphe Sammo et de l’acteur Jackie donne lieu aux échanges les plus impressionnants de Hand Of Death. L’acteur y manie la lance avec beaucoup de dextérité et nous rappelle sa grande élasticité, à travers quelques acrobaties qui font toujours plaisir à voir. L’ensemble des combats est plutôt bon, mais on a généralement du mal à reconnaître la patte d’un Sammo Hung qui n’a pas encore trouvé son style. Les échanges sont techniques et certains sont même assez complexes, si on oublie le manque de réactions des figurants. Le tout manque malheureusement du souffle épique d’un Five Shaolin Masters auquel il fait fortement penser. Il ne parvient pas à en recréer l’esprit car Dorian Tian est trop mis en avant au détriment des autres protagonistes. Ses adversaires sont d’ailleurs gâchés, notamment Sammo Hung, qui n’a pas l’opportunité de nous montrer l’étendue de son talent. On accepte plus facilement la défaite d’un James Tien incapable de s’illustrer sur des plans contenant plus d’une dizaine de mouvements, mais le final est en conséquence un peu trop vite expédié. Et comme d’habitude dans les films de cette époque, le duel de fin précède inévitablement le générique de cloture.

Hand Of Death n’est pas un film inoubliable, ni une œuvre réellement importante dans l’évolution artistique des membres de l’équipe, mais il permet d’assister aux balbutiements d’artistes promis à la postérité qui se cherchent ensemble, pour un résultat aussi honorable que divertissant.
Léonard Aigoin 3/7/2011 - haut

Not Scared To Die    (1973)
 Durant l'occupation japonaise en 1937, une troupe d'acrobates chinois résistent à l'envahisseur.

 Si l’on consulte la définition de « naufrage », on peut lire : « perte d’un navire en mer ». Ainsi, si on interroge les gens sur un naufrage spectaculaire, ils citeront pour la plupart celui du Titanic. Mais si l’on s’intéresse au sens figuré de ce mot, il est question de ruine, d’échec. « Eagle Shadow Fist » répond tout à fait à cette définition. Tourné en 1973, ce petit divertissement a depuis été commercialisé sous le nom de Jackie Chan. D’ailleurs, la plupart des versions en ventes présentent une jaquette qui laisse penser qu’il est l’acteur principal. Afin de rester crédibles, ces publicités s’ornent de photographies de films tels que Fearless Hyena par exemple. Même le générique de la version doublée en anglais tente d’escroquer le spectateur en ne présentant que « Jacky Chan ». Or dès son apparition, on constate qu’il ne ressemblait pas encore à la star qu’il est devenue. N’ayant pas encore eu recours à la chirurgie, comme à l’époque de Master With Cracked Fingers, le jeune interprète n’est pas non plus affublé de la coupe de cheveux à laquelle on l’associe, mais d’une coupe en brosse. Même sur le plan musculaire, on constate que le jeune homme est extrêmement maigre et n’a pas les muscles dessinés comme par la suite. La ressemblance avec son fils Jaycee Chan est d’ailleurs bien plus frappante à cette époque, et devient même troublante. Il est rapidement évident que la production tente de surfer sur le succès des films du petit dragon : ton sérieux, japonais ignobles, chinois patriotes, violence omniprésente, Eagle Shadow Fist annonce presque le New Fist Of Fury qui marque le début de la collaboration entre Chan et le producteur réalisateur Lo Wei. Mais même si les productions de l’époque, hors Shaw Brothers, ne bénéficiaient pas de moyens démesurés, ici on peut parler de tournage amateur, tant les conditions semblent spartiates.

Si Zhu Mu restera dans les mémoires pour sa piètre prestation de diabolique mandchou dans le Heroes Two de Chang Cheh, il s’illustre de façon encore plus scandaleuse en tant que réalisateur. On lui doit d’ailleurs quelques autres désastres qui tentent de jouer dans la cour des films de kung fu, notamment Le Jeune Tigre, dans lequel Jackie Chan jouait l’antagoniste de Charlie Chin. Avec un tel metteur en scène, on sait à quoi s’attendre, et on ne sera pas déçu, puisque la mise en image est d’une nullité abyssale. La voix off qui introduit rapidement le contexte semble promettre une histoire qui ne se perd pas en exposition, mais il va falloir rapidement se rendre à l’évidence, Eagle Shadow Fist ressemble plus à un épisode de soap opéra qu’à un kung fu pian épique. Visuellement, l’ensemble fait tellement amateur qu’on en rirait presque. Les quelques malheureux décors sont misérables, les hors champs s’enchaînent avec bonheur, mais c’est surtout son incapacité à raconter une histoire qui est flagrante. Les dialogues constituent l’essentiel du récit, alors même que les personnages n’ont rien à raconter. Et quand ils le font, ils le font mal. Le premier dialogue entre Jackie Chan et Wong Ching ressemble d’ailleurs à un canular. C’est bien simple, les décors derrières les acteurs ne sont jamais les mêmes d’un plan à l’autre, à tel point qu’on a la sensation de contempler le montage de plusieurs films différents. Si encore les acteurs se montraient convaincants, mais tous rivalisent au contraire pour livrer l’interprétation la plus ridicule. Wong Ching n’a ainsi rien à envier au célèbre docteur Drake Ramoray, avec sa façon incroyable de ne pas suivre les discussions, ou de donner l’impression de ne pas parler la même langue que ses interlocuteurs, comme en témoignent ses regards perdus dans le vide. Doté d’un physique qui le destinait plus à jouer les gangsters que les héros, Wang prouve que ses dents écartés et son regard de fouine le rendent inquiétant, même lorsqu’il tente d’exprimer la bienveillance. Si encore il s’agissait d’un anti-héros, mais non, c’est un protagoniste des plus fades. On a d’ailleurs bien du mal à comprendre pourquoi les japonais (diaboliques ne l’oublions pas) semblent le craindre et parlent de lui comme d’un révolutionnaire. Son grand coup d’éclat consiste ainsi, lors d’une mission de coolie, à faire tomber une prostituée chinoise pro-nippone de son pousse-pousse, et à partir en riant. En plus d’être risible, cette scène va prendre 20 minutes du film. En effet, bien que le spectateur ait vu cette action révolutionnaire, le héros va s’en vanter devant une assemblée subjuguée, qui semble, comme nous, attendre une chute. Puis c’est la prostituée en question qui va, pendant 5 minutes, raconter une fois encore ce même passage. S’il fallait une preuve que Zhu Mu n’a rien à raconter, la voilà.

Le réalisateur, qui joue lui-même un militaire japonais, lance ainsi quelques sous-intrigues, à travers son personnage justement, qui n’aboutiront à rien. On ne comprend pas vraiment les conflits entre les japonais et nos héros, puisqu’à part la cruauté héréditaire des japonais, il n’y a pas réellement d’événement pour la justifier, nos révolutionnaires étant d’une passivité incroyable. Wong Ching et Jackie resteront ainsi les seuls à lutter contre l’oppresseur, alors qu’ils sont toute une troupe au début. Alors que leurs amis leur propose de les retrouver plus tard, on ne les verra plus jamais, sans qu’on sache pourquoi. Le fameux militaire incarné par Zhu Mu, dont l’ambition est de racketter des villageois sans le sous, ne sera pas puni pour ses actes, et il n’y aura donc pas réellement de catharsis. Du point de vue narratif, Eagle Shadow Fist est donc bel et bien un naufrage, qui n’a rien à raconter et le raconte mal. Et si Wang Ching contribue largement au désastre, la sympathique prestation de Jackie dans Master With Cracked Fingers laisse augurer du bon pour ce film. Et bien il semble que la future star ait été contaminée par le manque de talent ambiant, car il livre une des pires prestations de sa carrière. Il suffit de le voir rire à gorge déployée, penchant la tête en arrière à s’en tordre le cou pour s’en convaincre. Mais si nos deux héros sont mauvais dramatiquement, l’important est qu’ils justifient leurs salaires par leurs prouesses physiques. Sachant que deux des frères Yuen, Cheung-Yan et Yuen Yat-Chor, font de la figuration, et participent aux chorégraphies, on ne peut que se réjouir. Enfin on peut le faire tant qu’on n’a pas vu un des combats. Il faut savoir que seul le final dure plus de 40 secondes, ce qui risque de décontenancer. Ce n’est d’ailleurs pas plus mal, tant les affrontements sont mal réglés. Dans les années 70, la vitesse des échanges n’était pas ahurissante, et il n’était pas rare que les coups s’arrêtent quelques centimètres avant d’atteindre leur cible. C’est bien sûr le cas ici, mais en plus, aucun des acteurs ne semble connaître les arts martiaux. Si Jackie montrera quelques petites acrobaties, qu’on peut compter sur la moitié des doigts d’une main, il semble incapable de donner un véritable coup de poing, ou un coup de pied digne de ce nom. D’ailleurs, malgré l’arrogance de son personnage, il perd systématiquement tous ses duels. Wong Ching ne s’en sort pas beaucoup mieux, car même s’il se montre plus vif, ses coups n’ont ni précision, ni puissance. Quant aux soi-disant Japonais, ils passent leur temps à casser des planches et des portes à coups de pied plutôt qu’à se battre. Les combats ne sont donc pas du tout techniques, et n’ont aucun intérêt, malgré les différences de style. On a ainsi bien du mal à faire la différence entre la karaté et le kung fu. Pour compenser les carences techniques, Zhu Mu ajoute une bonne dose d’hémoglobine à la Chang Cheh, certains passages étant même vraiment gores. Mais cette violence gratuite ne leurre pas, et seul le final s’en sort un peu mieux. Si les précédents duels étaient furieusement courts, celui-ci est désespérément long. Plus abouti, plus technique, il reste plutôt pathétique. Indépendamment de la folie qui se dégage de One-Armed Boxer, les combats, aussi fous et peu techniques soient-ils, sont bien plus réussis et maitrisés, c’est dire ! On reconnaîtra d’ailleurs un décor identique au film de Wang Yu pour clore un film qui semble ne jamais terminer, tant il est ennuyeux.

Eagle Shadow Fist est à éviter à tout prix. Même les fans les plus fidèles de Jackie Chan auront du mal à supporter le visionnage jusqu’au bout, d’autant que la star est traitée sans aucun respect et livre une prestation à l’image du film et du reste de l’équipe : pathétique. Un divertissement qui n’a de kung fu que le nom.
Léonard Aigoin 3/2/2011 - haut

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