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Lust, Caution (2007) |
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Sulfureux thriller historique
1938. Wong Chia Chi (Tang Wei) est étudiante à Hong Kong. Son père a fui vers l’Angleterre, elle est seule pour affronter les tourments d’une Chine en guerre contre le Japon. Séduite par le courage militant de Kuang Yu Min (Wang Lee Hom) elle s’inscrit dans une troupe de théâtre estudiantine et brille immédiatement dans une pièce de propagande. Au-delà des planches, un autre combat se prépare : les jeunes gens projettent d’assassiner M. Yee (Tony Leung Chiu Wai) un tortionnaire collaborateur. Projet fou d’étudiants exaltés ? Vrai complot susceptible d’avancer la cause révolutionnaire ? L’histoire est en marche sur les pas de l’Histoire. Les destins se croisent au détour des évènements qui chahutent la Chine.
Ang Lee embarque le spectateur dans une période compliquée à travers le prisme de cette équipée folle, mais le postulat n’est pas celui d’un simple thriller historique… C’est aussi un drame érotique de très forte intensité. Pour arriver à leurs fins et approcher M. Yee, la séduction semble la seule arme efficace des jeunes comploteurs. C’est évidemment Wong Chai Chi à qui revient ce rôle. Jeune et naïve, emmenée presque malgré elle dans cette aventure, l’étudiante doit devenir espionne…
Le réalisateur tente de percer les consciences, explore l’ambiguïté des sentiments et laisse planer le doute sur les intentions des uns et des autres. Avec quelques longueurs, Lust, Caution dissèque l’évolution d’un personnage un peu palot face à un monstre de charisme. Le contexte historique qui occupe la première partie du film est rapidement vidé de sa substance pour laisser place à un chaud tête à tête.
Les reconstitutions de l’époque, des costumes aux voitures en passant par les décorations d’intérieurs, sont soignées à l’extrême et confinent presque à la préciosité ; effet sûrement recherché au regard des développements intimes du récit. Les scènes de Majong, véritables articulations du film, sont magistrales ; orchestrées à l’écran par Mme Yee (Joan Chen) dans une ambiance que le Wong Kar Wai de In the mood for love n’aurait pas renié. Les plus pointilleux s’émerveilleront également de l’excellente reconstitution de synthèse du Hong Kong des années 30 vu depuis le Victoria Peak. Un joli et rare plan fixe.
Du point de vue des évènements strictement historiques, le parti pris d’Ang Lee est intéressant : les Japonais sont presque totalement absents de la pellicule… C’est une affaire entre Chinois et sûrement un pied de nez de la part du réalisateur en cette période de tension sur le devoir de mémoire dans les relations sino-nippones.
Le compositeur français Alexandre Desplat pose sur cette histoire une bande originale délicate et presque entêtante ; un rythme simple mais lancinant, teinté de nostalgie. Les sonorités sont orientales sans s’étendre sur les poncifs éculés des musiques chinoises rétro. Le film est souligné avec justesse par sa musique.
Une fois le tout installé, les évènements expédiés et, pour ainsi dire, le prétexte posé, Ang Lee entame la deuxième partie de son film. L’érotisme s’installe et le réalisateur se complait dans quelques longues scènes d’ébats, pour le moins crues. Les notes de productions affirment que 17 jours ont été nécessaires, en équipe réduite et sur un petit plateau, pour tourner ces plans très sulfureux. Le résultat est assez inhabituel pour ce genre de film ; à tel point que les autorités de Hong Kong ont classé le film en catégorie III.
Reste à se poser la question de l’intérêt d’en montrer autant. Le plaisir de faire dans le porno soft tout en conservant sa notoriété de réalisateur déjà classique ? Certes et pourquoi pas. De montrer la beauté du geste physique et de magnifier le pouvoir de la sexualité pour servir le propos de son œuvre ? Assurément… Avant lui, on se souvient de l’immense Jean-Jacques Annaud, empêtré dans L’Amant et perdu dans les ébats coloniaux et les parties de fesses indochinoises (avec, c’est curieux, un autre Tony Leung Ka Fai de son prénom chinois celui-là !). Le résultat était bien mitigé. Force est d’avouer qu’Ang Lee s’en tire mieux mais pas pour autant brillamment. Cette volonté d’étaler la sexualité se surimpose assez mal au reste et contribue à la longueur du film.
Jeu de mains (entre autres) mais aussi jeux de vilains… car la jeune et inexpérimentée séductrice, troublée par le charisme de l’homme, est rapidement déroutée dans ses sentiments. M. Yee est un amant exceptionnel. C’est aussi un tortionnaire froid et cruel. Ce n’est donc pas tout à fait une histoire d’amour car tout est présenté sous l’angle de la trahison. Tony Leung s’impose à la moindre apparition, il en montre peu mais inspire beaucoup. Le charisme de l’acteur efface même quelque peu les jeunes rebelles qui s’échinent autour de lui… Wang Lee Hom disparaît littéralement et Tang Wei est bien pâle ; il faut avouer que ce premier grand rôle la sollicite beaucoup et la confronte à un monstre sacré du cinéma de Hong Kong. C’est adéquat au départ, moins si l’on considère que le personnage est sensé évolué au contact de M. Yee.
Malgré quelques réserves donc, Ang Lee n’en offre pas moins un thriller tendu et un érotisme d’esthète qui donne à l’expression des corps une importance assez peu souvent exploitée dans le cinéma grand public... Bref, sur la longueur, de quoi plaire à tout le monde : il y a de l’art et du cochon.
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François Drémeaux 11/18/2007 - haut |
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