Hong Kong Cinemagic
Version française English version
 Critiques   Forum   Facebook  
 Personnes
 Films
 Studios
 Lexique
 Vos réglages

Rech. HKCine
Utiliser la Recherche Google
>> Aide

 Réalisateurs
 Acteurs
 Techniciens
 Producteurs

 Arts martiaux
 Action / Polar
 Comédie
 Drame & Opéra
 Catégorie 3

 Shaw Brothers
 Comptes rendus
 Industrie du film
 Culture et société

 Tests DVD Z2 VF
 Tests DVD SB Z2
 Autres Tests DVD
 Bibliographie
 Guide d'achat

 La Catégorie 3
 Héros handicapés
 Le Japon et HK
 Index des Archives

 BOF & Musique
 PDF & E-books
 Livre d'or VIP

 Plan Du Site
 Archives des éditos
 Aide à la Navigation
 Rédaction
 Historique
 Liens Web
 Le ciné HK et nous
 Livre d'or
 Remerciements
 HKCinemagic 2

Statistiques :
11630 Films
19215 Personnes
1448 Studios
230 Articles
82 Interviews
155 Tests DVD
32452 Captures DVD
3722 Vidéos
Critiques Express

Le Retour de l'Hirondelle d'or    (1968)
Qu’on ne s’y trompe pas, Golden Swallow n’est pas qu’un wu xia pian sanglant mais bien une histoire d’amour qui tourne à l’obsession, une nouvelle illustration du mythe d’Eros et Thanatos.

Silver Roc (Jimmy Wang Yu) et Golden Swallow (Cheng Pei Pei) ont été élevés par le même maître et ont acquis une semblable maîtrise des arts martiaux. L’enseignement et la promiscuité les ont poussés l’un vers l’autre et ils sont tombés amoureux. Pourtant, la vie les a un jour séparés (on n’en connaîtra pas les circonstances) et les années ont passé. Silver Roc, héros taciturne, est tombé dans une profonde dépression et mène la vie dangereuse d’un épéiste, sans aucune attache sentimentale (il fréquente assidûment les prostituées). Mais sa passion pour Golden Swallow n’est pas morte et s’il ne peut être liée à la jeune femme par les liens du mariage ou d’un amour partagé, il décide d’enchaîner son destin au sien en lui faisant endosser les crimes qu’il commet. Silver Roc sait pertinemment qu’elle partira en quête de l’usurpateur et, pour cela, abandonnera son havre de paix. Il ne cherche pas à lui nuire et exécute uniquement des méchants. Son objectif est de la faire revivre à ses côtés, qu’importe le moyen et le résultat. Une démarche égoïste et peu reluisante que Jimmy Wang Yu endosse avec panache, comme il sait si bien (et trop souvent, soyons francs) le faire : regard fermé, dédaigneux, hautain… On a presque du mal à croire que sa démarche est motivée par l’amour. Certes, l’acteur joue son rôle habituel (sait-il ou peut-il vraiment jouer autrement ?), mais grâce à la psychologie décrite par Chang Cheh et Tu Yun Chih, son interprétation monolithique est quelque peu mise à mal. En effet, Silver Roc n’est finalement pas fait d’un unique bloc. Le réalisateur le dote même d’une certaine part féminine qui s’exprime dans la poésie (« Oh Hirondelle, où as-tu fait ton nid ? ») et la pratique de la calligraphie. Grâce à ces pistes, le spectateur peut croire à l’amour qu’il porte à l’Hirondelle d’or.

Chang Cheh reprend le personnage de Golden Swallow créé par King Hu et incarné par Cheng Pei Pei et le remet au centre de l’intrigue. Pourtant, si la belle épéiste demeure le moteur principal du récit, elle est curieusement reléguée au rôle de catalyseur… Chang Cheh a ainsi porté toute son attention au personnage de Silver Roc interprété par un Wang Yu tout juste auréolé de son immense succès dans One-Armed Swordsman. Une fois encore, sous l’égide du vieux maître, il campe un preux chevalier à l’amour contrarié qui va se jeter corps et âme dans une vie de violence pour tenter d’oublier sa misère affective.
Les plus analytiques seraient d’ailleurs tentés d’aller plus loin et de voir dans ce refus des sentiments (car si Silver Roc a maintes fois l’occasion d’aller parler directement à Golden Swallow, il préfère la regarder de loin), au choix la représentation classique d’un amour refoulé, une angoisse devant la femme qu’il idéalise, une peur d’impuissance sexuelle (et la perte de son statut d’homme avec comme sanction immédiate la castration), un complexe d’Œdipe non réglé (Cheng Pei Pei représentant la femme-mère) ou un désir homosexuel qu’il n’a pas la force d’assumer (Cheng Pei Pei et lui ont été élevés ensemble et on leur a enseigné les mêmes arts martiaux, les mettant ainsi sur un pied d’égalité « sexuelle » - pour tenter de se démarquer, Silver Roc sera contraint de voler à leur maître une technique martiale redoutable afin de se repositionner physiquement par rapport à Golden Swallow en lui devenant supérieur). Cheng Pei Pei représente à ses yeux l’amour, mais aussi la mort, par renoncement à sa propre personnalité, à son indépendance, en un mot à son intégrité mentale. Eros et Thanatos, là où l’amour et la mort se rejoignent…
Comme chacun des héros peuplant l’univers de Chang Cheh, Wang Yu souffre et retourne contre lui la puissance dégagée par les sentiments qu’il tente de canaliser. Il se transforme ainsi en la pire arme à opposer à ses adversaires mais aussi à lui-même, l’autodestruction devenant sa « raison de vivre ». Victime consciente et volontaire, Silver Roc use et abuse des poses christiques pour donner encore plus de force et de démesure à son personnage. Wang Yu a rarement été plus impénétrable et détaché du monde des sentiments que dans ce film. Pour une fois, son regard impassible et dédaigneux est en parfait accord avec le héros tragique qu’il incarne.
Lo Lieh, à l’opposé, est beaucoup plus humain : il vit, il recherche le bonheur et n’a d’autre dessein que de couler des jours heureux avec la femme qu’il aime (Golden Swallow, elle encore) dans la petite maison près de la cascade. Il se refuse à donner la mort et, quand il est obligé de passer outre ses principes de vie, il en éprouve du remord et de la tristesse. C’est lui qui sauve Cheng Pei Pei au début du film : il lui restera attaché jusqu’au bout. Il est d’ailleurs amusant de rapprocher les comportements opposés de Wang Yu et Lo Lieh aux deux conceptions, elles aussi opposées, du cinéma d’arts martiaux chez Chang Cheh et Liu Chia Liang !
Cheng Pei Pei est plus ambiguë. Comme Silver Roc, elle aussi n’hésite pas à faire l’usage de ses deux épées courtes pour tuer les personnes qui l’attaquent, sans se poser la question de savoir si elle est bien leur véritable cible. Même si son temps de présence à l’écran est peu important, elle reste bien le personnage central du film, déchirée entre l’amour qu’elle porte aux deux épéistes et empreinte de sentiments dissemblables.
La grande richesse du cinéma de Chang Cheh réside aussi dans le fait qu’il n’hésitait pas à salir le héros de son film, à lui donner une part d’ombre : finis les beaux chevaliers blancs sans peur et sans reproches et bienvenus aux loups solitaires, violents et rejetés par la société… Le cinéaste faisait preuve d’une sorte d’avant-gardisme à Hong Kong dans le traitement de ses personnages. (Il est vrai que Sergio Leone avait déjà fixé sur pellicule le comportement quelque peu ambigu de l’anti-héros Clint Eastwood, approche adoptée par la suite par bon nombre de réalisateurs et scénaristes.)

On pourra noter le clin d’œil admiratif (car sans recherche de la surenchère) de Chang Cheh à King Hu lors de la scène de la taverne avec Cheng Pei Pei, relecture en mode mineure de la mythique et éblouissante séquence de Come Drink With Me. Grâce à ce court passage, Chang Cheh s’affranchit de toute référence à son collègue et lui paie, en quelque sorte, son tribut.

Les séquences martiales sont chorégraphiées par le duo de choc de l’époque, encore dévolu à Chang Cheh, Liu Chia Liang et Tang Chia. Si la modernité n’est pas encore de mise, on remarquera une influence directe du cinéma japonais dans le traitement des combats. Il est vrai que le réalisateur était un adepte des chambaras !

Golden Swallow est une œuvre incontournable dans la carrière de Chang Cheh, alors tout puissant à la Shaw Brothers, et un des classiques hongkongais de la fin des années 60. Pour le savourer pleinement, il ne faut surtout pas le prendre comme une suite à Come Drink With Me, mais comme une variation autour de sa figure principale. Chang Cheh ne cherche pas à imiter King Hu, à se fondre dans le moule de son cinéma. Il se réapproprie le mythe et lui appose ses propres préoccupations artistiques et ses tourments d’auteur.
David-Olivier Vidouze 10/20/2004 - haut

Index de la page
 10/20/2004 David-Oli...

 Publicité avec Google AdSense   Participer au site   Contact   FAQ   Utilisation contenu du site   Disclaimer   Rapport d'erreur  
copyright ©1998-2013 hkcinemagic.com