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Nouvelle cuisine (2004) |
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Il s’agit de la version longue du segment réalisé par Fruit Chan du film à sketches Three... Extremes (les deux autres segments étant réalisés par Takashi Miike et Park Chan Wook), comportant près d’une heure supplémentaire et constituant ainsi un véritable long métrage. Passer d’un moyen à un long métrage est une entreprise périlleuse, qui casse bien souvent le rythme de l’œuvre initiale et dénature complètement le travail du réalisateur (on pourra prendre l’exemple du moyen métrage de fin d’études de George Lucas, THX-138, devenu d’un ennui mortel dans sa version longue cinématographique). Or, ce n’est pas du tout le cas avec Dumplings : nous sommes bien devant une œuvre cohérente, passionnante, envoûtante et… effrayante !
Une femme (Bai Ling) prépare de curieux pâtés à la vapeur qui ont la réputation de redonner la jeunesse à ceux qui les mangent. Un beau jour, une ancienne star de la télévision (Miriam Yeung), vieillissante et délaissée par son mari (Tony Leung Ka Fai), lui rend visite. Elle souhaite commencer une "cure" afin de reconquérir son époux...
Si un film mérite amplement sa classification en Catégorie 3, c’est bien Dumplings, tant l’histoire qui est contée et sa représentation à l’écran sont dérangeantes. Peu d’effets, mais un climat trouble et pesant, amplifié par une magnifique photographie de Christopher Doyle (un de ses plus beaux travaux !), de superbes décors (l’oppressant appartement de Bai Ling est peuplé de statuettes kitch et angoissantes), des costumes magnifiques (Miriam Yeung arbore, à chacune de ses visites, des tailleurs colorés et très recherchés, alors que Bai Ling est constamment vêtue de caleçons longs vulgaires et ridicules) et une partition musicale formidable. A l’opposé d’un film comme The Untold Story, où la peur repose sur la représentation de corps déchiquetés devant nous et cuisinés par le terrifiant et théâtral Anthony Wong, Dumplings ne propose que rarement des scènes choc, cathartiques (et chaque fois elles sont indispensables à la progression du récit). Comme dans Rosemary’s Baby de Roman Polanski, le spectateur est en droit de douter : qui y a-t-il vraiment dans les pâtés vapeur, n’est-on pas en train de me mener en bateau, en même temps que l’héroïne ?
Les acteurs sont réellement exceptionnels, on sent qu’ils se sont lancés à fond dans cette aventure. Tout d’abord Bai Ling, actrice chinoise qui a beaucoup tourné aux Etats-Unis et dont c’est la première incursion dans le cinéma hongkongais : elle est étonnante de vulgarité et de simplicité (aussi bien dans les costumes qu’elle arbore que dans les poses outrageuses qu’elle prend – sexuellement provocantes ou grossières lorsqu’elle se gratte la poitrine ou se cure les doigts de pied). Attachante au premier abord (son côté vénal n’est pas mis en avant, elle chante des opéras pékinois pour faire plaisir à sa cliente…), elle dévoile peu à peu sa monstrueuse entreprise. Miriam Yeung, quant à elle, n’a pas hésité à se mettre en danger en cassant son image proprette : vieillie, enlaidie, elle n’est pas toujours à son avantage (je vous recommande ses gros plans lorsqu’elle mange les pâtés ou le dîner final…). Tony Leung Ka Fai prouve une nouvelle fois quel grand acteur il est et nous fait regretter sa relative absence des écrans ces dernière années. Il est étonnant en vieux playboy peroxydé qui se nourrit d’œufs de poules fécondés, avalant goulûment les fœtus à peine formés. Bai Ling et lui ont une scène d’amour d’une bestialité et d’un érotisme rarement (jamais encore ?) atteints dans le cinéma hongkongais, empruntant énormément à la célèbre scène de la table du The Postman Always Rings Twice (Bob Rafelson) entre Jack Nicholson et Jessica Lange.
Avec Dumplings, Fruit Chan se place dans le quinté de tête des meilleurs et des plus originaux réalisateurs hongkongais en activité. Rien de moins !!!
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David-Olivier Vidouze 11/1/2004 - haut |
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