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Shanghai Blues (1984) |
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Première oeuvre réalisée par Tsui Hark au sein de sa toute nouvelle compagnie de production, créée en 1984, Shanghai Blues représente une étape toute particulière dans la carrière de son réalisateur. En effet, le film met en place les bases du système Film Workshop, il conjugue déjà certains des éléments qui vont permettre à Tsui Hark d’établir de nouveaux standards cinématographiques et d’imposer son propre style comme marque de fabrique.
Shanghai Blues nous entraîne dans un Shanghai des années 1940 revu par Tsui Hark. Un Shanghai de studio, emprunt de magie et qui révèle ce don du réalisateur à créer de toutes pièces des univers uniques et intemporels. C’est une ville grouillante qui se dévoile sous nos yeux, un endroit où se croisent des personnages pittoresques : pickpockets, danseuses de cabaret, anciens soldats, truands… Un endroit où chacun essaie à sa manière de s’en sortir mais aussi une ville emplie de promesses pour ceux qui viennent y tenter leur chance. Tsui Hark met magnifiquement en scène cette ville, la parant de couleurs chatoyantes : le rouge du bombardement du début du film, le jaune des robes des danseuses, le bleu de la nuit, la danse des parapluies sous l’averse… Il transforme en atout ce qui aurait pu être un inconvénient, ce Shanghai reconstitué, et capte la poésie d’un instant particulier dans la vie d’une ville dont les nuits sont illuminées par les néons et bercées par la musique.
Shanghai Blues est une œuvre qui joue sans cesse sur le changement de ton. Tsui Hark utilisant toutes les facettes de l’émotion fait passer alternativement son film du burlesque au drame, de la mélancolie à l’hystérie, le retenant à chaque fois de basculer entièrement d’un côté ou de l’autre. A des épisodes vaudevillesques, le plus marquant étant certainement celui dans lequel cinq personnages réunis fortuitement dans un minuscule appartement essaient de se cacher les uns des autres (le tout orchestré par son locataire), succèdent des moments poétiques comme la scène présentant Kenny Bee jouant du violon sur le toit de l’immeuble, inondant la ville de sa musique mélancolique. La grande force de Tsui Hark est aussi de réussir à sous-tendre son film d’une certaine conscience sociale. Pourtant, là où il y aurait eu matière à dénonciation le réalisateur réussi à traiter le sujet avec beaucoup d’humour, faisant un constat sans tomber dans le mélodrame. Ces soldats clochardisés qui n’ont comme seul moyen de subsistance que le choix de vendre leur sang, les marchands peu scrupuleux, les profiteurs étrangers, ces hommes qui essaient d’acheter les femmes grâce à leur fortune… Se dessine alors un monde bien éloigné des paillettes et de la musique des cabarets, de la légèreté de ces scènes comme celles de la robe déchirée ou du bain moussant. Pourtant, dans cet univers, chacun continue tant bien que mal à mener son chemin à l’image de ces deux femmes personnages principaux du film.
Car Shanghai Blues est principalement une histoire de femmes, le lien qui unit les deux héroïnes, interprétées par Sylvia Chang et Sally Yeh, est le noyau central du film. Des personnages de femmes forts, n’hésitant pas à prendre leur destin en main, une figure très présente dans les autres films du réalisateur (on pense à Peking Opera Blues, Green Snake…). A ce duo féminin se rajoute un personnage masculin (Kenny Bee) mettant en place un triangle amoureux autre thème récurrent chez Tsui Hark. L’intrusion de cet homme voue l’amitié unissant les deux femmes à être brisée. Mais cette rupture ne se fait qu’avec ce que l’on pourrait appeler un transfert. En effet, lors de la séparation entre les deux femmes Sally Yeh apparaît bien loin de son image de provinciale naïve et rappelle désormais son amie. Signe de ce changement, elle se trouve confrontée lors de la scène finale à une jeune fille débarquant du train faisant écho à son personnage du début du film.
Shanghai Blues conjugue donc plusieurs atouts : l’enthousiasme des acteurs, la magnifique bande son de James Wong et cet univers tout particulier que l’on doit au talent de Tsui Hark. Tout ceci fait de ce film l’une des plus belles réussites du réalisateur qui réitérera l’expérience deux ans plus tard avec Peking Opera Blues second volet d’une trilogie restée inachevée.
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Annabelle Coquant 4/7/2006 - haut |
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