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Histoires de cannibales (1980) |
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Histoires de cannibales est le deuxième film de Tsui Hark. Malgré l’échec commercial de The Butterfly Murders, Tsui Hark est considéré en 1980 comme un des leaders de la Nouvelle Vague hongkongaise émergente, en raison du caractère novateur de son premier long-métrage et du bon accueil que la critique lui avait réservé. Mais cette reconnaissance professionnelle ne le satisfait pas, et il reproche au public de n’avoir rien compris à The Butterfly Murders.
Tsui Hark se lance alors dans la réalisation d’un nouveau film, et plutôt qu’essayer de gagner le cœur des spectateurs, le jeune metteur en scène choisit de les bouger en réalisant une deuxième œuvre violente et satirique, sorte de provocation faite à tous ceux qui l’ont décrié, affichant déjà son refus du conformisme et une volonté d’ébranler le cinéma de Hong Kong. La Seasonal Film Corporation de Ng See Yuen accepte tout de même de produire une nouvelle fois Tsui Hark, qui a promis de réaliser un film à petit budget, afin de compenser les pertes financières engendrées par The Butterfly Murders. Le scénario est co-signé par Roy Szeto et Tsui Hark, et est une lointaine adaptation d’une nouvelle de Lu Xun intitulée "Journal d’un fou" (1918). Sur fond d’enquête policière, Histoires de cannibales oscille entre film d’horreur et Kung Fu Comedy, alternant avec brio scènes vraiment gores et passages humoristiques. Le film ne restera que neuf jours à l’affiche, et se placera en 113e position du box-office de l’année 1980. Tsui Hark essuie donc un deuxième échec encore plus important que pour The Butterfly Murders, d’autant que la critique ne se montre cette fois pas tendre à son égard.
Pour ce qui est de la réalisation, Tsui Hark place sa caméra astucieusement, et filme d’une manière assez peu conventionnelle, se permettant à plusieurs reprises des rotations d’images à 90°. Pas de long plan séquence ici, le montage est rapide et va droit à l’essentiel, imprimant un rythme soutenu au film, qui ne dure de plus que 86 minutes. Les interprétations de Norman Chu Siu Keung en agent 999 et de Siu Gam en Vietnam Rose sont très bonnes. Le premier incarne un héros plutôt benêt, sorte d’inspecteur Gadgets sans ses accessoires, le second est tantôt drôle, tantôt inquiétant en travesti envahissant. Considéré à sa sortie comme un film d’horreur, Histoires de cannibales ne lésine pas sur les effets gores : abattoir à humains, découpages de corps à la scie, à la machette, etc. L’aspect comédie du film est à plusieurs niveaux. D’une part, le film entier se veut une caricature de la société consumériste et des régimes totalitaires, l’Homme est un loup pour l’Homme, et Tsui Hark dénonce nos aspects les plus primaires sans concession à travers ce microcosme cannibale guidé par son envie de chair fraîche. D’autre part, le film est ponctué d’éléments vraiment comiques : affrontement qui se transforme en tango, fuite en patins à roulettes, masques des cannibales plutôt ridicules, clin d’œil à Wong Fei-hong, etc.
Tsui Hark voulait choquer le public, et il a plus que rempli ses objectifs en se mettant aussi bien les spectateurs que la critique à dos. Histoires de cannibales est pourtant un film ambitieux, injustement méconnu, et qui cache sous des litres d’hémoglobine une véritable réflexion sociologique. Tsui Hark réalise donc là un film sans concessions, si ce n’est le dernier plan où Lee Din Long brandit un cœur battant à la caméra, et donc au spectateur, proposant d’une certaine manière la fin des hostilités entre le futur fondateur de la Film Workshop et son public.
Une nouvelle fois, Tsui Hark ne tombe pas dans la facilité et réalise un film engagé, mêlant diverses influences (westerns spaghettis, films gores, Kung Fu Comedy) avec originalité. Il récidivera quelques mois plus tard avec une œuvre encore plus violente et qui ne laissera pas la censure insensible : L'Enfer des armes.
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Sébastien Massaferro 10/28/2005 - haut |
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