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The Assassin (1967) |
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Sur une toile de fond historique (la lutte entre les Royaumes Combattants, environ 300 ans avant notre ère) et d’après des personnages réels, c’est en fait un destin humain que Chang Cheh, réalisateur et scénariste (son premier métier), nous dépeint dans The Assassin.
Pour une de ses premières mises en scène – il n’a à l’époque qu’une poignée de films à son actif -, le grand réalisateur s’intéresse au cheminement d’un jeune homme qui a pris la décision de mourir en héros. Dès le début du film, Nieh Cheng (Jimmy Wang Yu) se promet une fin terrible : il se sacrifiera de manière chevaleresque afin de faire honneur à la mythique épée que lui a remise son maître. Pour ne pas faillir dans sa tâche, il se refusera tout lien amoureux, amical et même familial. Nieh Cheng abandonnera ainsi une fiancée (Lisa Chiao Chiao) quasiment en danger dans sa ville natale, se séparera de son alter ego (Cheng Li) et, une fois sa mère décédée et sa sœur mariée, fuira loin des siens. Un homme politique (Tien Feng), dont la famille a été décimée par le tyran Han Kwei (Wong Chung Shun), lui demandera de l’aider dans sa lutte contre le pouvoir. Il donnera ainsi à Nieh Cheng un graal à chercher, un moyen d’accomplir son rêve : mourir en héros en assassinant Han Kwei et en délivrant ainsi les siens de son joug.
Derrière un scénario d’apparence simple et limpide, Chang Cheh a en fait caché une intrigue pouvant se lire de deux manières différentes. D’un côté, le réalisateur représente clairement Wang Yu comme une figure christique. Iconographiquement d’abord : à l’entraînement, il est au centre d’un rond formé par les autres élèves et tourne sur lui-même, en sens contraire et les bras en croix (images mêlant dont de soi et individualisme). Nieh Cheng, armée d’une épée et prêt au combat, reprendra très souvent cette posture qui n’est pas sans rappeler le Christ sur la croix. Comme Lui, il est pur et n’a pas goûté à la chair pendant une grande partie du film… jusqu’à la tenue de sa Cène, en fait : la veille d’un combat à l’issue qu’il sait fatale, Nieh Cheng retrouve sa fiancée et organise un repas de fête, comme le Christ avant sa mort. Il part le lendemain entièrement vêtu de blanc (des bottes au nœud dans les cheveux) et offre sa vie pour sauver tous ses concitoyens. Chang Cheh joue avec les thèmes de la bravoure et de la chevalerie tout en les mâtinant d’images religieuses. Du bien bel ouvrage ! Mais ce n’est pas sans un certain cynisme que le metteur en scène nous peint au même moment le portrait d’un imbécile profond. Si l’on y regarde de plus près – ou avec un autre œil -, Nieh Cheng n’est qu’un jeune homme pas dégrossi, doué dans les arts martiaux et qui a la tête pleine de rêves de gloire. Au début du film, il cherche comme un malheureux une cause à défendre : il sait qu’il va donner sa vie pour quelque chose, mais il ne sait pas quoi… Le danger à l’état brut, un comportement capable de le mener dans le bon camp comme dans celui du mal absolu (un thème très proche du superbe Lacombe Lucien de Louis Malle). Et lorsque Yen Chung Tzu (Tien Feng) vient le trouver pour lui demander de venger sa famille et débarrasser le royaume d’un tyran, il exulte de joie : enfin, il a trouvé une justification à la vie qu’il mène jusqu’alors, un objectif à atteindre, une mort à mettre en scène. Chang Cheh se garde bien de nous dire si Han Kwei était réellement un mauvais homme d’état. Ce qu’on sait, c’est qu’il sera passé de vie à trépas par Nieh Cheng et que le réalisateur n'hésitera pas à le qualifier "d'assassin" ! Et si notre héros refuse, à la fin, de donner son nom par peur que la colère du pouvoir ne retombe sur sa famille, sa sœur se dépêche de l’hurler aux soldats qui entourent sa dépouille afin que son sacrifice ne soit pas vain. Alors Nieh Cheng, chevalier sans peur et sans reproche ou aventurier à moitié fou en quête de célébrité ?
Dès ses débuts à la Shaw Brothers, le style Chang Cheh est présent à l’écran. Héros chevaleresques, à la bravoure qui n’a d’égal que le galbe des pectoraux, violence ultra graphique (Wang Yu se tranche les yeux (!) tandis que ses intestins se déversent sur le sol…), personnages féminins qui n’ont quasiment pour seule fonction que de mettre en valeur les hommes, tout est déjà là (ou presque). Le tempo de The Assassin est à rapprocher des chambaras japonais : peu de combats au final (quatre ou cinq sur près de deux heures de métrage), beaucoup de dialogues et de longues scènes contemplatives dans de très beaux décors mêlant extérieurs et studio (ha le beau croissant de lune au dessus du petit pont de bois…).
Les chorégraphies martiales sont typiques de la fin des années 60 avec presque exclusivement des joutes au sabre, des combats à cent contre un et quelques sauts passés à l’envers. Le massacre final est à ce titre tout à fait réjouissant, sans bien sûr atteindre les sommets de barbarie ultérieurs. Jimmy Wang Yu est égal à lui même et ne profita pas beaucoup de The Assassin pour étoffer son jeu dramatique.
On s’amusera à reconnaître des morceaux de musique volés à la partition que John Barry écrivit pour You Only Live Twice, énième aventure de James Bond tournée la même année !
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David-Olivier Vidouze 2/15/2005 - haut |
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