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Durian Durian (2000) |
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Le durian est un fruit qui pousse en Asie du Sud-Est, qui d’apparence ressemble plus ou moins à un ananas (recouvert de piquants) et qui apparemment dégage une forte odeur de chaussettes sales. Le « Roi des fruits » (nom qu’on lui donne en Asie), que la mère de Fruit Chan lui donnait à manger dans son enfance sous prétexte que c’était bon pour sa santé, n’est pas du tout le sujet principal de Durian Durian. Ce film, entre autres descriptions de la vie quotidienne en Chine et à HK, veut avant tout traiter de la prostitution des jeunes femmes chinoises à Hong Kong, tout en conservant des personnages de Little Cheung (la famille de la petite Fan).
Fruit Chan tient à préciser en interview qu’en Chine, les mentalités ne sont pas vraiment les mêmes que dans certaines sociétés occidentales : beaucoup de personnes ont un niveau de vie si bas, que pour survivre elles sont prêtes à n’importe quoi, et la prostitution est un moyen courant chez les jeunes filles pour gagner des sommes raisonnables d’argent, sans forcément ressentir de la culpabilité. En faisant ce travail, la plupart voient surtout leur avenir après la prostitution, et le cas de Yan, jeune femme qui se prostitue pendant la durée de son VISA à HK pour repartir chez elle dans sa famille en Chine avec de l’argent, est un cas courant. On aurait pu croire qu’un thème comme la prostitution engendrerait une gravité certaine dans le ton du film, avec pourquoi pas un personnage de prostituée dépressive à qui tous les malheurs possibles arrivent. Mais pour Fruit Chan, qui a fait des recherches poussées et a interrogé des jeunes filles qui ont vécu l’histoire de Yan, dramatiser la situation de cette jeune prostituée n’est pas utile. Avant d’être une prostituée, Yan est une femme et son portrait est dressé comme celui de n’importe quelle autre femme, esclave d’un métier certes ingrat mais qui lui permet de vivre dans des conditions confortables. Devoir obéir aux ordres d’ordures qui restent assises au restaurant à dire à telle fille de se rendre à tel hôtel pour un client n’a rien d’amusant, de même que de devoir se plier aux exigences de n’importe quel type qui paie pour, mais à la clé se trouve de l’argent, et l’argent est nécessaire pour vivre. Fruit Chan n’a donc pas cherché à réaliser un film triste, et on en viendrait presque à ne pas plaindre Yan, qui elle ne se plaint pas en tout cas de sa condition bien meilleure que celles de nombreuses femmes de son âge qui demeurent dans la misère. Les clients à qui Yan à affaire dans le film n’ont pour certains pas l’air de voyous et font parfois preuve de tendresse, car eux aussi, avant d’encourager un marché illégal mais en pleine expansion en Chine, sont des hommes. Il peut paraître totalement malsain et scandaleux de dire cela, mais Yan peut s’estimer chanceuse de son statut qui lui fournit nourriture, logement, vêtements, des choses dont rêvent de nombreuses jeunes filles. En tous les cas, la caméra de Fruit Chan reste neutre et nous laisse juges. Une chose est sûre, la prostitution, contrôlée par les triades, est un sujet délicat de moins en moins traité de près dans le nouveau cinéma de HK, ce qui paraît normal quand on sait que pas mal de films sont produits par des membres plus ou moins proches des triades.
Parallèlement aux péripéties de Yan, nous suivons le quotidien de la famille de la petite Fan présente dans Little Cheung, qui va de Shenzhen à HK. Beaucoup de tendresse dans les moments où l’on voit cette petite famille, dont les parents travaillent énormément pour satisfaire leurs besoins et assurer à leurs filles des conditions de vie correctes. Fruit Chan jongle de façon fluide entre les agissements de Yan et ceux de la famille, par le passage fréquent de la prostituée (suivie par un jeune triadeux, une petite frappe) dans la ruelle où Fan fait la vaisselle du restaurant de ses parents. Ses personnages se mettent même en relation, avec une histoire d’amitié impossible mais si touchante entre une fillette clandestine et une prostituée qui retourne en Chine.
Une fois de plus Fruit Chan donne une solide crédibilité à ses personnages sortis tout droit de la réalité, par une pratique qui lui est chère : l’utilisation d’acteurs amateurs ou d’étrangers au milieu cinématographique, comme Qin Hai Lu qui interprète Yan. Prendre des acteurs qui ne baignent pas dans l’industrie du cinéma mais qui font autant partie de milieux populaires que leurs personnages dans les films, est un choix logique quand on devine l’envie du réalisateur de montrer une certaine vérité dans ce qu’il filme. De plus, ses scénarios sont des histoires qui se déroulent tous les jours dans les rues de Hong Kong, faisant de ce Durian Durian comme de ses autres films une œuvre documentaire qui en dit long sur les modes de vie très différents à Hong Kong et en Chine. En effet, en mettant bout à bout deux morceaux qui constituent le film (la première partie se déroule à HK avec la prostitution de Yan, la seconde est son retour en Chine dans sa famille), on se rend mieux compte des différences entre la population d’une ville moderne et celle d’une petite ville de campagne.
Caméra à l’épaule, Fruit Chan arpente les artères de HK le soir, quand le ciel est noir et les rues éclairées par les nombreux panneaux lumineux, le tout avec un morceau de musique dont les paroles sont à bases d’interrogations « pourquoi ? ». Pourquoi Fruit Chan nous offre-t-il un cinéma aimant (la vie) et aimable (par affection pour ses personnages) ? On se pose la question en espérant que le cinéaste aura toujours autant à nous donner.
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Florent d'Azevedo 9/18/2004 - haut |
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Durian Durian (2000) |
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Durian Durian, qui démarre comme un prolongement de Little Cheung (mais à travers le regard de Fan), pousse jusqu’au bout la logique amorcée par celui ci. Le film a été tourné avec des acteurs non professionnels et encore une fois, ils sont tous parfaits et magnifiquement dirigés. Le scénario, relativement linéaire, est mis en image d’une manière particulière, décomposé en vignettes, donnant l’impression de ne pas savoir où aller. Mais si les " vignettes " sont à peine développées, c’est pour mieux servir le propos du film, qui se construit comme un tableau impressionniste, par petites touches successives. La caméra observe ses personnage en cherchant à se faire absente, à ne pas déranger, presque pudique, et Fruit Chan se fait de plus en plus naturaliste. On suit une tranche de vie, révélatrice de l’attrait et de la désillusion que représente Hong Kong pour les chinois (à l’image du fruit nommé dans le titre, ceux qui y ont goûté comprendront). Comme à son habitude, Fruit Chan évite tout misérabilisme et nous livre un portrait sensible et humain de ses personnages. Durian Durian pointe du doigt les contradictions des chinois face à l’espoir que représente le retour de Hong Kong dans la Chine populaire. En préférant la nuance et la suggestion, Fruit Chan nous livre un des meilleurs films de l’année 2000.
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David Anéas 2/7/2001 - haut |
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