Hong Kong Cinemagic
Version française English version
 Critiques   Forum   Facebook  
 Personnes
 Films
 Studios
 Lexique
 Vos réglages

Rech. HKCine
Utiliser la Recherche Google
>> Aide

 Réalisateurs
 Acteurs
 Techniciens
 Producteurs

 Arts martiaux
 Action / Polar
 Comédie
 Drame & Opéra
 Catégorie 3

 Shaw Brothers
 Comptes rendus
 Industrie du film
 Culture et société

 Tests DVD Z2 VF
 Tests DVD SB Z2
 Autres Tests DVD
 Bibliographie
 Guide d'achat

 La Catégorie 3
 Héros handicapés
 Le Japon et HK
 Index des Archives

 BOF & Musique
 PDF & E-books
 Livre d'or VIP

 Plan Du Site
 Archives des éditos
 Aide à la Navigation
 Rédaction
 Historique
 Liens Web
 Le ciné HK et nous
 Livre d'or
 Remerciements
 HKCinemagic 2

Statistiques :
11630 Films
19215 Personnes
1448 Studios
230 Articles
82 Interviews
155 Tests DVD
32452 Captures DVD
3722 Vidéos
Critiques Express

Don't Go Breaking My Heart    (2011)
C'est qu'elle semble loin l'époque où Johnnie To commençait à percer dans l'hexagone, où le public français découvrait, la bave aux lèvres, les gunfights statiques de The Mission, où Charles Heung produisait par camions via sa société One Hundred Years of Film. Depuis, To s'est embourgeoisé, sa cadence de réalisation est beaucoup plus espacée, et chacun de ses films suscite désormais des réactions opposées. Pour certains, ses différents projets sont attendus avec une certaine ferveur, tandis que pour d'autres, les productions à venir du réalisateur ne suscitent plus que l'indifférence. Qu'est-il donc arrivé à l'enfant prodige du polar hongkongais pour qu'il ne parvienne finalement plus vraiment à faire consensus même au sein des sphères amatrices ? Pourquoi ses dernières productions interpellent à peine les amateurs de cinéma de Hong Kong ? Deux années se sont écoulées depuis Vengeance, dont la réception critique a divisé l'opinion, les uns n'y voyant au mieux qu'un best of de ses précédents films, en nettement moins réussi, d'autres considérant le métrage comme un étron véhiculant un Johnny Halliday totalement à côté de la plaque. Depuis, Johnnie To s’était en quelque sorte reposé sur ses lauriers, préférant courir les festivals plutôt que d’offrir à sa carrière un nouveau souffle. Et mine de rien, en deux ans, il s'en est passé des choses. Les amateurs d'action se sont tournés vers un Donnie Yen dont la carrière est à son sommet, tandis que les puristes du polar ont accueilli à bras ouvert le style plus brutal de Dante Lam, alignant coup sur coup Stool Pigeon, Fire of Conscience et The Viral Factor. Deux années d'attente au cours desquelles on a eu tout le temps de se lasser de Death of a Hostage, devenu entre temps le Life Without Principle que l'on connaît aujourd'hui, tandis que le projet initial évolua vers ce qui donna Punished de Law Wing Cheong.

Après une telle attente, c'est finalement avec une romance que Johnnie To nous revient. Ce n'est pas forcément ce qui plaira aux fans d'action, mais le besoin de renflouer les caisses de la Milkyway Image se faisait probablement sentir. Et le spectateur averti ne sait que trop que les romances de Johnnie sont affaire de roulette russe. La probabilité de tomber sur un produit potable équivaut à peu près à jouer avec un six coups dont on aurait retiré une balle (deux si l'on est amateur du genre). Au mieux, vous tombez sur Where a Good Man Goes, avec Yesterday Once More ce sera un mauvais moment à passer, mais rien de fatal, par contre si vous êtes malchanceux, vous vous mangez Needing You, Love For All Seasons, Turn Left Turn Right, ou pire Love on a Diet, en pleine poire. Et cela pour ne parler que des Milky Way, sinon vous pouvez jouer les suicidaires et ajouter A Moment of Romance III dans votre barillet. Épaulé de son indéfectible partenaire Wai Ka Fai, définitivement sur la pente glissante (Fantasia, Himalaya Singh, Written By... Poubelle ! A se demander si Too Many Ways To Be No. 1 n'était pas un incident de parcours), Johnnie To réalise ici une romance plutôt dramatique sur fond de crise économique.

Zixin (Gao Yuan Yuan) est une jeune employée comme tant d'autres travaillant au sein d'une compagnie. Elle se rend au bureau en bus, fait son travail correctement (ce que l'on ne la voit pas tant faire au cours du film finalement), et vient justement de rompre avec Owen (Terence Yin), qui s'avère être un homme marié. Femme enfant, originaire du continent, elle se caractérise surtout par sa difficulté à faire confiance aux hommes, et sa rencontre avec Shen-ran (Louis Koo) ne va pas arranger les choses. Ce dernier est un gérant de compagnie financière, il se rend au bureau en coupé Mercedes, cheveux au vent, mèche imperturbable. Requin charismatique, l'homme ne résiste toutefois pas aux charmes des jolies demoiselles qui croisent son chemin. Malgré son côté salaud, le personnage dégage une certaine sincérité (éternel combat intérieur faisant s'affronter la part négative à la vertu). Après un rendez-vous manqué avec ce dernier, Zixin fait la connaissance de Fang (Daniel Wu), architecte alcoolique mais attachant qui n'a même plus envie de se raser, ni de se laver les joues. Tout le reste repose sur le triangle amoureux formé par ces personnages, chacun étant confronté face à ses propres doutes et faiblesses. Qui choisira Zixin ? Je vous laisse la surprise. Écrit à huit mains (Wai Ka Fai, Yau Nai Hoi, Ray Chan, Jevons Au), le scénario a la bonne idée de laisser ses personnages évoluer sur plusieurs années, permettant ascensions ou déchéances sociales et favorisant l'évolution des personnages. Toutefois, le script se perd souvent dans sa gestion du rythme, ne parvenant pas à retranscrire cette idée d'écoulement du temps, réussissant plutôt à perdre le spectateur dans les incessants allers-retours des personnages (une scène nous présente deux personnages à Hong Kong, la suivante se situe à Suzhou sans que l'on sache qu'il y a eu voyage entre temps). Le va et vient des possibilités de couples tous aussi interchangeables, les différentes situations visant à rendre A jaloux de B en allant avec C, puis même situation dans la scène suivante, changez juste l'ordre des lettres, parfois ajoutez B qui se met à fréquenter D et vous avez une idées des enjeux du film sur la longueur. S'installe dès lors une certaine monotonie rattrapée par une mise en scène astucieuse.

Johnnie To s'amuse avec ses personnages, avec l'espace, et la manière de les placer dans l'environnement afin de créer des jeux scénographiques. Sans faire de l'action, ni même de la ballade poétique en vélo façon Sparrow, le réalisateur parvient à utiliser l'espace de manière habile. Zixin et Fang travaillent chacun dans deux immeubles se faisant face, deux open space donnant à voir l'un sur l'autre. Cette séparation vitreuse, laisse au réalisateur le soin de jouer avec les post-it et les gestes, ou encore l'usage particulier du téléphone pour faire communiquer les personnages. Dommage cependant que ces scènes plus légères semblent la plupart du temps combler un script qui ne sait trop où aller handicapé par un rythme boiteux. Voir Daniel Wu faire des tours de magie et autres numéros de ventriloquie laisse finalement assez indifférent, et le manque d'investissement émotionnel se fait ressentir. La teneur dramatique se résume tout au plus au crapaud de compagnie de Zixin, écrasé par l'homme qu'elle aime, le tout porté par la musique de Xavier Jamaux, tantôt sautillant, ou bien mélancolique (avec du piano donc!). Tout cela est en revanche quelque peu rattrapé par une mise en scène assez réussie qui parvient à instaurer un léger sentiment de malaise social.

Car ce qui se joue en filigrane, et qui nous interpellera d'autant plus, c'est la manière dont le film traite de la crise financière pour dépeindre une Chine en transformation. Les temps ont bien changé depuis The Yuppie Fantasia et les salary-men ne sont plus ce qu'ils étaient. Si l'avenir économique était fleurissant et gentillet chez Gordon Chan, ici la réalité économique, bien que gardant un certain glamour, est bien plus lucide des transformations sociales. La génération qui a grandit avec l'image de Mark Gor brûlant un faux billet de cent dollars est aujourd'hui au cœur d'un capitalisme sauvage, d'une compétitivité exacerbée et animée par une envie de flamber qui n'a plus le temps de s'encombrer des traditions. La ville n'en est que plus terrifiante. Hong Kong et la Chine continentale sont totalement transformés par la caméra de Johnnie To qui choisit de ne montrer que des villes passées dans la modernité la plus froide. Plus aucune trace de tradition, plus aucun plan pour présenter les ruelles vivantes de Kowloon, les néons colorés de Nathan Road. Quelle identité reste-t-il de Hong Kong ? To avait déjà entrepris avec Sparrow de sonder les transformations de sa ville. Il tournait dans les rares vieux quartiers de Central qui restaient de l'ère coloniale. Le film nous montrait un Hong Kong en disparition. Ici, le réalisateur nous montre l'avenir, une société aseptisée, modernisée, privée de tout sentiment de vie. De Causeway Bay à Central, les décors ne sont que tours de verre et de métal. Cheng Siu Keung, fidèle directeur photo de To réussit à capturer cet esprit totalement inanimé de la ville, vidée et plongée dans une modernité mortifère. Tout est propre, comme sorti d'un catalogue. Même les scènes au restaurant, au milieu d'une bourgeoisie se calquant sur le modèle occidental révèlent une fausseté liée à l'imitation du modèle capitaliste. Alors que les sociétés de Hong Kong subissent la crise, la Chine continentale véhicule un modèle économique en floraison et qui permet au personnage de Fang de concrétiser des projets démesurés.

Plus que jamais, Johnnie To s'est ouvert sur le marché de la Chine continentale. Alors que le réalisateur était jusqu'ici l'un des derniers à clamer fièrement faire du cinéma de Hong Kong, il livre ici une œuvre ouverte sur la Chine. Le choix de Gao Yuan Yuan au centre de l'histoire déjà, l'usage conséquent du mandarin tout au long du film, mais aussi les différents voyages en Chine pop. Traitant des nouveaux riches de la Chine populaire, intégrant progressivement la société hongkongaise, Johnnie To s'intéresse à cette nouvelle population, dépeignant au passage de belles demeures dans la région de Suzhou. Le choix de la romance s'impose dès lors, comme pour affirmer une envie de toucher un public plus large, tout en ne froissant pas trop le spectateur. Et au final, on ne s'étonne peu de constater que le cinéma du réalisateur s'est lui aussi embourgeoisé, le vidant de sa substance qui s'ancre dans les rues vivantes de Hong Kong, de ses personnages forts, préférant l'argent à la tradition. Doit-on dès lors encore attendre un retour en force du polar à l'ancienne ? Le doute s'empare de moi.
Anel Dragic 12/29/2011 - haut

Index de la page
 12/29/2011 Anel Drag...

 Publicité avec Google AdSense   Participer au site   Contact   FAQ   Utilisation contenu du site   Disclaimer   Rapport d'erreur  
copyright ©1998-2013 hkcinemagic.com