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Ip Man 2    (2010)
C’est dans les vieux pots…

Si le cinéma de Hong Kong s’est illustré par vagues c’est parce que dans l’ex-colonie britannique, lorsqu’une recette fonctionne, on l’exploite jusqu’à ce que le public manifeste une certaine lassitude. Cet effet de mode s’est exprimé dans l’exploitation de genres, qu’il s’agisse du Wu Xia Pian, de la Kung Fu Comedy, ou encore du polar, mais aussi dans l’utilisation de personnages. Outre la surexposition de certaines stars qui monopolisent l’écran à longueur d’années, c’est aussi la mise en scène de personnages historiques jusqu’à l’excès qui définit une partie du cinéma de Hong Kong. Et si le champion de cet exercice reste certainement le médecin expert en arts martiaux Wong Fei-hong, avec plus d’une centaine de films dédiés à ses exploits, d’autres héros chinois ont peuplé les rêves des spectateurs dans des divertissements aussi spectaculaires que romancés. Car le but de ces œuvres n’est pas de s’inscrire dans une recherche historique crédible, mais de mettre en scène des exploits parfois surréalistes et en tout cas souvent exagérés. Dernièrement, c’est l’expert en Wing Chun, Ip Man qui est devenu la coqueluche des metteurs en scène et des chorégraphes de Hong Kong. Si Wong Kar Wai a annoncé depuis des années son projet de permettre à Tony Leung Chiu Wai d’interpréter le maître dans une biopic, c’est finalement le duo Wilson Yip/Donnie Yen, inauguré dans SPL qui a ouvert la voie avec un premier film tout simplement appelé Ip Man. Bien que les précédentes collaborations des deux hommes aient été l’occasion d’offrir au public des joutes martiales spectaculaires, il s’agissait de leur première incursion ensemble dans le Kung Fu Pian traditionnel. Le succès rencontré a non seulement permis à Herman Yau de profiter de l’engouement pour le personnage en réalisant une préquelle avec Legend Is Born - Ip Man, mais il fut aussi et surtout l’occasion pour Wilson Yip de mettre en chantier une suite.

A la force des poings

Si le public a répondu positivement à Ip Man, c’est pour plusieurs raisons. Tout d’abord, en ces temps où les wu xia pian dominent largement l’industrie cinématographique, l’arrivée d’un nouveau Kung Fu Pian aux chorégraphies moins fantaisistes, sans être une nouveauté, souffle comme un vent de fraicheur. Ce sentiment est également dû à la mise en valeur du wing chun, style de combat moins varié que d’autres formes plus anciennes de kung-fu, mais à l’impact visuel évident. Si cette technique a peu été exploitée au cinéma, les quelques tentatives pour l’illustrer ont donné des résultats reconnus aujourd’hui encore comme de grandes réussites. Sammo Hung s’en est fait l’un des portes paroles à la fin des années 70, en mettant en scène les exploits du maître Leung Chan dans Warriors Two, mais aussi et surtout dans ce qui reste l’un de ses films les plus appréciés, Prodigal Son. S’il existe d’autres d’exemples, antérieurs et postérieurs à ces deux œuvres, l’implication de Sammo Hung dans des combats basés sur le wing chun s’impose comme un gage de qualité. Il n’était donc pas surprenant que l’équipe s’attache ses services de chorégraphes pour mettre en valeur le wing chun de Ip Man. Les combats du premier épisode ayant convaincu le public, son retour derrière la caméra pour cette suite était assuré. Et le moins qu’on puisse dire est que son investissement a été important puisque Ip Man 2 est composé de pas moins de sept combats, dont quatre particulièrement longs et spectaculaires. Le wing chun est un style basé principalement sur le combat rapproché, en particulier les techniques de poing et les saisies. Les pratiquants évitent généralement les figures acrobatiques et la démonstration pure pour privilégier l’efficacité et la mise hors d’état de nuire rapide. Pourtant, la propension devenue excessive des équipes de Hong Kong à employer des câbles là où il n’y en aurait jamais eu quinze ans plus tôt a privé le premier Ip Man du réalisme pourtant nécessaire pour réellement s’immerger dans les affrontements. Pour cette suite, Sammo Hung a fait le choix de conserver une approche identique, utilisant une fois de plus les trucages pour rehausser les mouvements de certains acteurs dont l’âge a diminué l’agilité, ou encore pour atténuer la dangerosité de certaines chutes. Mais cet emploi reste inférieur si on excepte le fameux duel sur une table. Car l’une des forces de ce second opus est de varier les situations et les capacités des différents protagonistes, donnant lieu à des affrontements très différents.

Des combats d’anthologie

Si le wing chun reste la principale attraction, c’est en effet sa confrontation avec d’autres styles qui permet à Ip Man 2 de s’illustrer. Les premiers combats sont de facture plutôt classique, et permettent réellement de mettre en valeur la spécificité du wing chun. Donnie Yen s’y montre comme d’habitude, très impressionnant, grâce à la rapidité et surtout à la précision de ses mouvements. Il se montre très convaincant en maître de wing chun, grâce à une assurance qui s’exprime autant dans ses coups que dans sa tenue et son attitude. Mais certaines œuvres antérieures de la star l’ont prouvé, un festival d’action n’est convaincant que si les enjeux dramatiques sont immersifs. Ce qui n’est possible que si les opposants du héros sont suffisamment puissants pour représenter une menace réelle. Et quelle meilleure solution pour rendre un antagoniste imposant que d’employer un acteur dont le bagage martial est réel ? Ainsi, Sammo Hung ne se contente pas, cette fois d’œuvrer derrière la caméra. Il vient également nous gratifier de sa présence devant, dans le rôle d’un maître ancré dans la tradition et particulièrement rigide. L’acteur avait déjà eu l’occasion d’échanger des coups de poing avec Donnie Yen dans SPL, mais c’était son cadet qui occupait alors le poste de chorégraphe. Cette fois, c’est lui qui met en scène le duel, dans un style plus classique, parti pris nécessaire puisqu’il s’agit d’un Kung Fu Pian dont le but est justement de promouvoir une approche plus classique des arts martiaux. Ainsi, la fameuse scène du duel dans un restaurant s’impose comme l’épine dorsal de Ip Man 2, tant du point de vue dramatique qu’en termes de démonstration martiale. C’est également l’occasion de voir en action d’anciennes gloires du cinéma de kung fu, l’ancien Venom Lo Meng, et l’adversaire ultime de la Kung Fu Comedy, Fung Hak On. Celui qui s’est fait connaître comme le crapaud dans Five Venoms est malheureusement mal exploité. En le présentant comme une sorte d’acrobate, l’équipe impose immanquablement l’utilisation de doublures, puisqu’outre l’âge, Lo Meng n’a jamais brillé par ses capacités à bondir dans tous les sens, contrairement aux autres Venoms. Sa technique très particulière basée principalement sur les poings n’est pas non plus mise en valeur par un montage trop découpé qui privilégie les gros plans. Fung Hak On bénéficie d’un traitement plus appréciable, qui permet d’apprécier son agilité et sa vitesse encore bien réelles, même s’il lui est nécessaire d’avoir recours aux câbles pour certains mouvements.

Mais ces deux combats ne constituent que l’apéritif avant le face à face que tout le monde attend. Dès que Sammo Hung bondit devant Donnie Yen, on comprend que cette « revanche » sera au moins aussi marquante que leurs affrontements dans Sha Po Lang. Le contexte, imposant aux adversaires de rester sur la table, sous peine de concéder la victoire, permet de privilégier le combat rapproché, ce qui rend le physique de Sammo Hung plus imposant, et plus inquiétant encore. Les deux acteurs rivalisent de puissance dans des échanges longs et bien plus complexes que tout ce à quoi on a assisté auparavant. L’utilisation répétée de plans américains permet d’ailleurs d’apprécier leurs postures dans leur ensemble, et plusieurs plans sont composés d’une bonne dizaine de figures, ce qui est plus qu’appréciable de nos jours. La chorégraphie met autant en valeur le wing chun que la boxe Hung, donnant l’impression que les adversaires sont aussi puissants l’un que l’autre. Outre le rendu visuel extrêmement spectaculaire de l’affrontement, c’est la sensation qu’Ip Man n’est pas invincible, et que son adversaire représente une véritable menace qui rend le duel si puissant. Ce qui est plus surprenant, c’est qu’un combat aussi réussi soit présenté dès le deuxième acte du film, et on a bien du mal à imaginer comment le final pourra rivaliser avec une telle démonstration.
La réponse est à la fois convaincante et dérangeante. Du point de vue chorégraphique, la présence d’un boxeur anglais interprété par Darren Shahlavi offre de nouvelles perspectives que n’aurait par permis l’utilisation d’autres styles de kung-fu. Cette dernière partie marque ainsi une véritable rupture avec les combats précédents et oblige Sammo Hung à se dépasser pour ne pas lasser le spectateur. Les deux derniers combats sont en effet relativement similaires, puisqu’il s’agit à chaque fois de l’opposition entre boxe anglaise et kung-fu. C’est ainsi l’occasion de constater que le chorégraphe parvient avec aisance à mettre en relief la singularité de chaque combattant, car malgré certaines figures identiques, chaque duel est unique. Sammo Hung en profite d’ailleurs pour nous rappeler que sa carrure ne l’a jamais empêché de se mouvoir avec beaucoup d’agilité, tout en lui permettant d’être réellement imposant. Son combat contre le boxeur est brutal et violent, sans pour autant sacrifier la complexité de la chorégraphie. Cette rencontre rappelle dans une certaine mesure certains affrontements du Born To Defend de Jet Li, tout en conservant une identité réelle. En comparaison, le coup d’éclat de Ip Man, tout en bénéficiant d’échanges extrêmement inventifs, reste moins marquant, tant chorégraphiquement que thématiquement.

Une force peut devenir une faiblesse

En 2010, on est en droit d’attendre d’un film qu’il s’appuie sur un scénario solide et bien écrit à défaut d’être inventif. Bien sûr, certains films de kung fu plus anciens bénéficiaient d’histoires très réussies, comme Prodigal Son, dont les personnages étaient bien plus intéressants que la moyenne de l’époque. Mais l’intrigue a longtemps été reléguée au second plan dans les fictions d’action de Hong Kong des années 80 et des décennies suivantes. Seulement la production cinématographique mondiale a fortement évolué et les spectateurs de séries B attendent dorénavant plus qu’une succession de scènes d’action. Et si le premier Ip Man présentait une intrigue simple, le côté tranche de vie était intéressant et permettait de suivre les péripéties du héros avec intérêt. Cet opus suit un schéma relativement proche, pour ne pas dire identique. La première heure est ainsi très réussie car elle évite la recherche du spectaculaire pour nous immerger dans le quotidien d’après-guerre. Ce parti pris presque intimiste est plutôt crédible, grâce à un travail minutieux sur la reconstitution et des décors convaincants. Les acteurs s’investissent également beaucoup, même si les talents dramatiques de Donnie Yen atteignent rapidement leurs limites, notamment lorsqu’il essaie de pleurer. L’antagonisme entre son personnage et celui de Sammo Hung est également d’une trivialité qui lui donne beaucoup de crédibilité. Mais c’est finalement la relation qui se noue entre Ip Man et son premier disciple, incarné par Huang Xiao Ming qui reste la plus touchante. En effet, le jeune acteur manifeste un charisme évident et démontre une aisance à véhiculer différentes émotions qui en font un artiste tout à fait prometteur. L’alchimie entre lui et Donnie Yen est également bien réelle et permet de donner beaucoup de force aux liens qui les unissent. Pourtant, dès cette première partie, certains éléments semblent superflus. On sent bien que le retour de Fan Siu Wong et Simon Yam ne sont destinés qu’à faire un clin d’œil appuyé aux spectateurs. Bien sûr, on pourra argumenter que leur présence permet de montrer les difficultés d’après guerre, mais leur apport dans l’intrigue est en vérité insignifiant.

Mais si le scénario de Ip Man 2 est une déception, c’est principalement à cause de son troisième acte. Dès l’arrivée des ignobles occidentaux sans foi ni loi, le récit verse dans la caricature, opposant le fier esprit chinois à l’ignominie occidentale. Le jeu des Gweilos est d’ailleurs aussi risible que les prestations les plus ratées des actionners des années 90. La présence du boxeur anglais, si elle est intéressante du point de vue chorégraphique, donne lieu à des scènes totalement déplacées, dans lequel le racisme et l’ignorance occidentaux sont montrés avec une complaisance proche de la xénophobie. Il suffit de voir ces plans sur le public occidental riant aux éclats d’un Ip Man ne connaissant pas les règles de la boxe. Wilson Yip perd toute mesure et cherche à tout prix à démontrer à quel point les fiers chinois ont du mérite face aux atroces occidentaux, discours totalement manichéen bien difficile à accepter de nos jours. Les élans patriotiques exacerbés existaient déjà dans le premier opus, face à l’envahisseur japonais, mais on sent cette fois une réelle rancœur dans ce traitement. D’ailleurs, comme dans le premier épisode, même le collaborateur de service finira par retrouver son esprit de patriote en se rappelant que l’envahisseur est ignoble et mérite le mépris. Ce traitement est d’autant plus regrettable qu’il atténue l’impact de certaines scènes. Le dernier combat de Sammo Hung répond ainsi thématiquement aux accusations de Ip Man et symbolisent la rédemption du personnage, tout en illustrant le chant du cygne d’une génération qui n’a pas su évoluer en restant trop ancrée dans une tradition trop rigide. Mais ce discours sonne vraiment faux au milieu de la démonstration xénophobe qu’est ce dernier acte.

Malheureusement, c’est bien souvent la dernière partie qui forge l’opinion que l’on a d’un film, et cette conclusion n’est pas la culmination des enjeux dramatiques développés dès l’introduction que l’on était en droit d’attendre. En tant que suite, Ip Man 2 est presque une copie du premier opus, aux qualités évidentes. Les combats sont réellement impressionnants, tout comme la reconstitution. Mais le scénario, qui réserve quelques scènes intéressantes et un parti pris de base convaincant, s’enlise dans des élans patriotiques à la limite de la xénophobie regrettables. En tant que divertissement pur, Ip Man 2 convaincra les fans, mais sa dernière partie risque de diviser.
Léonard Aigoin 8/6/2011 - haut

Ip Man 2    (2010)
Un triomphal retour au passé composé

Dans cette suite très attendue, Donnie Yen reprend le rôle de Ip Man sous la direction de Wilson Yip. L’équipe a montré en 2008 l’étendue de son savoir faire dans un premier opus très réussi sur la vie du maître de Wing Chun (type d’art martial) dans le Sud de la Chine des années 1930 ; on le retrouve cette fois à Hong Kong, après 1949. L’impassible Ip Man tente de surmonter les difficultés financières de sa famille en ouvrant une école d’art martial. Il lui faut toutefois lutter contre la concurrence et les règles d’une ville qu’il découvre.

Sur la forme, Ip Man 2 est impeccable. A de très belles reconstitutions de rues ou d’intérieurs s’ajoutent une photo toujours aussi soignée avec cette douce patine du temps qui lui donne le charme d’une nostalgie contenue. Les combats sont irréprochables, et comme dans le premier volet, la gradation est délicieusement maîtrisée. D’ailleurs, le scénario reprend la même trame : le défi contre un jeune élève, puis avec quelques maîtres, une bagarre en groupe et enfin un affreux vilain. Certains symboles sont récurrents (le sac de riz blanc souillé par le sang sur le tatami devient une serviette qui éponge les blessures sur un ring) et quelques personnages secondaires sont calqués ; il y a encore un maître digne qui doit accepter son âge, un traître collaborationniste, un entrepreneur moderne et occidentalisé.

Côté distribution, on retient en premier lieu l’immense Sammo Hung en sourcilleux responsable d’un club d’art martial. La rencontre entre les deux maîtres, sur une table de restaurant, est promise à l’anthologie. Simon Yam s’offre quelques apparitions inutiles, mais on revoit avec plaisir Lynn Xiong Dai Lin, ou encore Fan Siu Wong, étonnamment privé de scènes de combat… La longue galerie des nouveaux personnages secondaires apporte entre autres la figure imposante de Kent Cheng ainsi qu’une ribambelle de fougueux jeunes acteurs dans les rôles des élèves de Ip Man.

Tous ces ingrédients installent confortablement le spectateur auprès d’un héros dont on connaît déjà le caractère et l’humanité. Ip Man 2, c’est donc se retrouver en confiance avec un protecteur, suivre un peu plus le chemin entamé avec plaisir il y a deux ans. Toute cette réussite formelle ne rend que plus dangereux le problème du film : le fond. Le message instillé dans la deuxième partie de l’œuvre est inquiétant, pour ne pas dire consternant.

Disons-le franchement, il y a dans le scénario de Ip Man 2 des accents volontairement xénophobes, des relents nauséabonds d’une propagande nationaliste dont on peut craindre la diffusion de plus en plus large dans les films populaires de Hong Kong. Comme dans Bodyguards And Assassins, les libertés prises avec l’histoire sont déplorables… ici celle personnelle du vrai Ip Man, évidemment moins rose dans la réalité, mais surtout celle d’une ville qui devient le théâtre d’une quête de l’unité chinoise alors que cette nation se déchire depuis plus de 30 ans.

Les Chinois se sont unis pour repousser l’affreux japonais (et son karaté) dans le premier film ; pour cette suite à Hong Kong, ils se serrent les coudes pour mettre une raclée au vilain européen (et sa boxe). L’effet était moindre et passait sans accroc dans le premier opus, car le contexte de la guerre, des privations et des souffrances imposées pouvaient expliquer des réactions virulentes. Là, le scénariste Edmond Wong se livre à un travail de sape culturel et à du révisionnisme historique.

Sape culturel, car on ne façonne plus un héros en cultivant un contexte de haine de l’autre. Ce ne sont pas des procédés scénaristiques dignes. Le « diable étranger », comme c’est si souvent dit (Gweilo), est mauvais joueur, déloyal, beuglard et corrompu. Que le méchant central soit ce boxeur anglais sans foi ni loi n’a rien de gênant, il faut bien que quelqu’un endosse le mauvais rôle. Mais que tous les personnages anglais se complaisent dans la méchanceté et qu’on les présente comme pervers dans leur mépris et jouisseurs dans la violence raciale, il y a danger. Et quand ledit boxeur, qui fait du cassage de Chinois une affaire personnelle, arrive sur le ring avec un drapeau britannique sur le dos en proférant d’ignobles menaces, il y a aussi danger. Si, à la rigueur, cet Ip Man faisait le procès même grossier de la colonisation, pourquoi pas… ce serait de bonne guerre. Malheureusement, c’est l’étranger dans sa globalité qui est attaqué de bout en bout. Parfois, comble de l’ahurissement, le terme moderne « expat » le qualifie dans la traduction anglaise.

Révisionnisme historique car, et c’est peut-être plus grave, la spécificité hongkongaise est effacée derrière une seule et même Nation, la Chine. Il ne semble donc pas y avoir de particularisme ni de culture propre à Hong Kong ; juste des Chinois qui vivent sous le joug anglais. Bizarrement, il n’est pas expliqué pourquoi la majorité sont arrivés après 1949 de leur plein gré…

La minute syndicale de morale (où Ip Man est tout de même ostensiblement tourné devant un parterre d’occidentaux) ne suffit pas à balayer tout le mauvais esprit distillé pendant plus d’une heure, car rien de tout cela n’est innocent. Le contenu politique est trop fort pour que le message soit anodin. Est-ce un égarement d’un Edmond Wong fâché ? Un glissement idéologique tendancieux ? Quoi qu’il en soit un dérapage haineux qui, espérons-le, ne restera pas assez longtemps dans l’air du temps pour vicier d’autres films.

Le cinéma occidental a aussi connu ses heures sombres de propagande et d’aucuns diront que, plus récemment par exemple, l’impardonnable série française des « Taxi » se complait dans un chauvinisme agressif à l’égard de nations étrangères (Japonais ou Allemands par exemple…), mais ces potacheries n’ont pas de fond politique ni de prétentions historiques. Ip Man 2 aurait gagné à garder ses excellentes prétentions artistiques, sa formidable démonstration de kung fu et sa précieuse reconstitution formelle d’une époque révolue… sans dévoyer son contenu pour flatter les instincts faciles de la xénophobie. Plutôt que de vouloir répandre un message nationaliste indigne de la culture des uns en laissant un goût amer aux autres, Ip Man 2 aurait dû jouer sa carte de film populaire, c’est-à-dire un bel objet culturel qui s’adresse à tous et réunit les différentes multitudes autour d’un héros et d’un pan incontournable de la civilisation chinoise : le kung fu.
François Drémeaux 5/1/2010 - haut

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